Le ministère de l’éducation nationale a annoncé le 26 juillet une hausse de 7% du nombre des inscrits aux concours 2013. Il y voit « une tendance encourageante ». Est-elle suffisante pour atteindre les objectifs gouvernementaux ? La question du recrutement des enseignants est aussi posée dans les discussions sur le pré recrutement des étudiants et les emplois aidés par le gouvernement. C’est bien un point prioritaire du programme de F. Hollande qui est en débat actuellement.
» Les concours externes du second degré public s’inscrivent tous à la hausse ou dans une constance : en moyenne +7,4% », annonce le ministère de l’éducation nationale le 26 juillet. « S’agissant plus particulièrement de l’agrégation et du Capes, on relève une hausse très significative du nombre d’inscrits (+10,2% pour ces deux concours soit près de 5000 inscrits supplémentaires). Cette croissance est d’autant plus positive qu’elle touche les disciplines les plus déficitaires depuis deux sessions : mathématiques (+ 16,1%), anglais (+17,1%) et lettres (+12%) ». Pour la rue de Grenelle, » ce renouveau des vocations est une tendance encourageante » qui devrait être « confortée dans les années à venir ».
Une crise liée à la masterisation
C’est que depuis la mise en place de la masterisation la crise de recrutement sévit dans le secondaire. En 2011, 826 postes n’ont pas été pourvus au capes externe et 706 encore en 2012. Toutes les disciplines ne sont pas dans la même situation. La crise est particulièrement grave en maths, en lettres (et surtout lettres classiques) et en anglais. En lettres classiques 69% des candidats présents ont été admis. C’est le cas encore en éducation musicale ou en allemand, alors que le taux de réussite habituel tourne autour de 30%. Pour trouver 4 800 enseignants il faudrait donc 16 000 candidats présents aux épreuves. Il en manque au moins 3 000. Au primaire, globalement les postes offerts sont remplis. Mais il y a peu de marge : 55% des admissibles sont reçus, un taux identique à celui du secondaire, 26% des présents contre 33% dans le secondaire.
Les raisons sont bien repérées. La crise de recrutement est liée à la masterisation. En élevant le niveau de recrutement, on a raréfié le nombre des candidats potentiels et on a mis l’enseignement en concurrence avec d’autres métiers. A l’évidence ni en terme de salaire, ni en celui d’évolution de carrière, ni même maintenant en ce qui concerne les conditions de travail et l’autonomie, le métier d’enseignant ne peut se comparer avec les postes d’encadrement proposés par des entreprises privées ou d’autres administrations. Est-il utile de rappeler que la France est le seul pays de l’OCDE où les salaires des enseignants ont reculé durant les 10 dernières années ? Et que, si le statut social a à voir avec l’expertise reconnue, la quasi suppression de la formation continue et initiale des enseignants n’incite pas à la reconnaissance sociale….
Une hausse insuffisante pour une politique ambitieuse de recrutement
La hausse de 7% peut-elle suffire à alimenter les recrutements voulus par l’équipe de F Hollande ? On sait que le président de la République a promis la création de 60 000 emplois dans l’enseignement sur son quinquennat. Tous ne devraient pas être des enseignants et on sait déjà que 500 postes d’emplois de sécurité seront ouverts début 2013. Mais, en gros, il s’agit d’augmenter d’environ 10 000 par an le nombre d’enseignants recrutés chaque année. Dans le primaire, même s’il reste un peu de marge, la hausse de 7% ne devrait permettre de recruter qu’environ 5000 enseignants au lieu de 4600 si le taux de réussite se maintient. Dans le secondaire c’est pire. Un calcul simple permet de prédire que la hausse actuelle ne permettra pas d’atteindre les objectifs de postes même s’ils restent au niveau de 2012. En lettres l’augmentation de 12% des inscrits ne serait pas suffisante pour obtenir 733 enseignants (chiffre de 2012 en lettres modernes) encore moins s’ils devaient être un millier ! En maths avec +16% d’inscrits on ne devrait pas atteindre 800 reçus pour 950 postes (chiffre de 2012). L’objectif de hausse du recrutement des enseignants pour 2013 semble s’éloigner.
Le pré recrutement en débat
Or le pré-recrutement est maintenant mis en débat au gouvernement. Pour Vincent Peillon, pour répondre aux besoins de recrutement il faut attirer dès la licence davantage d’étudiants vers les métiers de l’enseignement. Pour cela il envisage de réserver une partie des contrats aidés par l’Etat pour rémunérer des enseignants qui effectueraient des tâches de surveillance et d’éducation dans les établissements et s’engageraient à se présenter aux concours. D’après Le Monde du 27 juillet, le ministère du Travail souhaite réserver les contrats aidés aux jeunes sans qualification. Si l’éducation nationale en obtient, ce ne sera probablement pas la quantité souhaitée. Grande priorité du quinquennat, la question du recrutement des enseignants, va rester un point difficile pour le ministre de l’éducation nationale.
François Jarraud
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