Par Antoine Maurice
Ce mois-ci nous vous donnons l’occasion de découvrir une nouvelle activité, à travers le jeu de RollerFootBall. Christian Lefevre et Oliver Bichet ont bien voulu nous présenter «Le jeu du Respect et de la Citoyenneté» qui avait d’ailleurs remporté en 2008 le prix de l’innovation éducative au salon européen de l’éducation et qui a, ni plus ni moins, Philippe Meirieu comme parrain.
Le RollerFootBall qué sa quo?
Tout d’abord, il convient de préciser un certain nombre d’aspects qui ont leur importance : d’une part, ce n’est pas du football sur des rollers (dixit les élèves qui le pratiquent) d’autre part, au RollerFootBall on fait des rencontres et non des matchs. Ces détails de sémantique ont leur importance, tout comme le fait que l’on parle de Jeu et non de sport. De plus les équipes sont en auto arbitrage. Des TOP (codes visuels reprenant les couleurs d’équipes) matérialisent les erreurs de jeu et d’interprétation du règlement. L’objectif, vous vous en doutez, est de marquer plus de buts que l’équipe adverse dans une cible verticale défendue par un gardien. Cependant, le gain d’une rencontre se fait en additionnant le score du jeu avec le score du comportement. En résumé, le RollerFootBall, aussi appelé « Jeu du Respect et de la Citoyenneté », est un jeu sans violence pour les filles et les garçons.
Quelles sont les règles ?
Il convient avant tout chose de préciser que ce n’est pas un arbitre mais un référent (extérieur au terrain) qui s’occupe de veiller à l’application du règlement (rôle tenu par un élève au bout de quelques cours). De plus, il est important de définir l’espace de jeu. En effet, le jeu du Respect et de la Citoyenneté se joue sur un terrain de 40 sur 20 m, avec une zone de but où il est interdit de tirer (même dimension qu’un terrain de handball). On peut cependant adapter l’activité à d’autres espaces. Le RollerFootBall se joue avec deux équipes mixtes de 5 joueurs. Les contacts ainsi que les tacles sont formellement interdits. Le joueur n’a également pas le droit de s’accrocher à son adversaire. Les écarts de langage sont aussi considérés comme une faute et l’équipe est alors sanctionnée par un TOP. Au bout de trois TOP, l’équipe est sanctionnée par un STOP, qui offre un « shoot roller » à l’équipe adverse (sorte de pénalty avec élan, duel «gardien-tireur», qui compte double)
Avant le début d’une rencontre, les équipes se réunissent pour la lecture du Serment de Bonne Conduite, comment le mettez-vous en pratique ?
C’est un haka pacifique qui marque l’engagement des joueurs et des joueuses avant chaque rencontre. L’idée est belle et bien de donner le maximum pour son équipe, mais ceci avec le seul souci du respect de l’autre. Nous sommes dans le plaisir de jouer, le plaisir d’être ensemble… Toutefois, le serment n’est pas qu’une simple annonce, il détermine l’essence même de l’activité et a pour effet de passer à un respect en acte lors de la rencontre. Il autorise en plus des «feed back» pédagogiques dès que le comportement observé n’est pas en adéquation l’engagement moral du début de rencontre.
Quel rôle éducatif joue le RollerFootBall ?
Il est vrai qu’il est facile d’annoncer une multitude de finalités éducatives ! Cependant, l’idée à travers le RollerFootBall est de faire en sorte que la dimension éducative soit une nécessité. Cela commence dans la dimension sécuritaire, avec un véritable rituel autour de l’équipement sécuritaire qui est à mettre avant même de chausser les rollers. On retrouve ce cadre dans le jeu avec l’interdiction de s’accrocher à son adversaire ou même l’interdiction des contacts. Ensuite, nous avons reçu beaucoup de retour notamment concernant plusieurs équipes pédagogiques intervenant en SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté). Ces dernières ont constaté que l’activité permettait de lutter contre le décrochage scolaire. En effet, les jours où il y avait RollerFootBall, l’absentéisme était nul, ce qui est remarquable quand on connaît les chiffres du décrochage scolaire au niveau national. De plus, un constat identique peut être dressé concernant les violences ordinaires qui baissaient d’une manière significative. Toutefois, la dimension éducative de ce concept a surtout permis de donner du « sens » aux différents apprentissages disciplinaires.
Justement pouvez-vous évoquer les différents projets transdisciplinaires qui ont vu le jour autour du jeu du Respect et de la Citoyenneté ?
Effectivement, ce concept socio-éducatif a servi de support pour l’élaboration d’un projet mêlant plusieurs disciplines d’enseignements. Que ce soit en Français, par rapport au serment de bonne conduite dans sa compréhension et sa création (lecture; écriture), en Anglais, où le professeur a pu utiliser l’activité comme support de travail à travers la notion de « devoir » : « I must and i mustn’t ». Le « devoir » et les règles ont d’ailleurs été associés au règlement de l’activité, ceci servant de tremplin à l’étude du « devoir et des règles du collège » (Education Civique). Il y a également une ligne musicale avec un slam sur le RollerFootBall qui a été effectué à l’occasion de la journée des droits de l’enfant. Tout ceci a été finalisé dans une pièce de théâtre. On peut aussi évoquer un projet en technologie avec la réalisation de signalisation pour la pratique du roller de nuit, ou bien encore en Menuiserie (Champ Professionnel du Bâtiment) où les élèves ont réalisé la table du référent. Le constat est assez simple. L’équipe enseignante a utilisé cette activité comme porte d’entrée pédagogique et les premiers bénéficiaires sont les élèves.
Retour en arrière : Histoire d’une idée
Comment l’idée a-t-elle vu le jour ?
Je pense que l’origine est assez lointaine. En effet, dès mon plus jeune âge j’ai été sensibilisé au « public difficile ». Ma mère étant directrice d’une maison d’enfant de la SNCF, j’ai été confronté à des enfants en manque de repères. Cependant, j’ai été marqué par le fait, qu’à chaque fois que l’on proposait des activités à ses enfants, et que l’on leur prêtait de l’attention, un grand nombre de tensions disparaissait. C’est une idée qui est restée dans un coin de ma tête.
Jusqu’au jour où en voyant passer des randos rollers à Montparnasse, j’ai été frappé par l’attrait de cette activité et sa dimension du « être ensemble », mais également, du « être soi même ». De plus, l’activité non agressive avait à mon sens un rôle à jouer dans la cohésion et l’acceptation de l’autre. Et l’histoire veut que j’ai été témoin place du palais royal d’une scène assez particulière où un groupe de jeunes faisant une partie de football avait, suite à un tir envoyer le ballon à l’opposé de la place en direction d’un autre groupe de jeune qui faisait du roller. Mon regard s’est alors arrêté sur un jeune homme en roller qui plutôt que de rendre le ballon directement, s’est amusé à jongler, avant de leur renvoyer en faisant un grand shoot avec ses rollers. L’idée était née, il ne restait plus qu’à la finaliser.
Comment avez-vous fait pour concrétiser votre idée ?
Une amie étant directrice d’école au Val Fouret et accueillant un public en grande difficulté, nous avons évoqué à plusieurs reprises cette idée. Avec la conviction qu’il y avait là un atout considérable pour les élèves. En effet, il ne suffit pas d’inscrire au tableau « Respecte ton camarade » pour que cela se mette en place. Or, le RollerFootBall propose une traduction pratique du respect de l’autre. Avec l’aide de mon amie, je me suis attelé à monter un dossier dans le but de développer l’activité. J’ai par la suite transmis le projet au Ministère de la Jeunesse et des Sports, à plusieurs politiques, et également à la commission européenne, sans véritablement aboutir. Jusqu’au jour où je me suis rendu dans le XXème arrondissement, pour rencontrer une enseignante d’EPS (Louise Bernasconi) qui s’occupait de l’activité roller dans le cadre de l’UNSS sur Paris. Afin de lui présenter le RollerFootBall et pour lui demander si le concept était faisable et jouable, de même au lycée Voltaire. Jusqu’à la rencontre avec Olivier Bichet qui au début, sceptique, est devenu moteur, et a mis en place l’activité dans un cadre scolaire, avec un public en SEGPA.
L’activité en place, comment s’est déroulée la diffusion?
L’objectif restait évidemment d’essayer de diffuser cette expérience au plus grand nombre. Ainsi, au sein de l’établissement, nous avons fait une démonstration pour présenter l’activité aux autres élèves et aux collègues. Sans grande conviction, nous avons envoyé plusieurs invitations à différents journalistes, à des radios libres, etc. La petite histoire veut que ce soit remonté jusqu’aux oreilles d’un des conseillers de Dominique de Villepin, alors premier ministre. Il était ainsi présent à la démonstration. A partir de là, tout est allé très vite, notamment grâce à un reportage de direct 8 dans le cadre de la réussite éducative pour lequel nous avons monté un dossier. Ensuite, Jeunesse et Sport nous a contacté pour réaliser une formation qui a amené d’autres formations et deux récompenses : le prix de l’innovation éducative au salon européen de l’éducation de 2008 et le prix « femme sport fille cité ».
Une grande réussite mais également de nombreuses difficultés ?
Toute nouveauté s’heurte forcément aux réticences. Ce concept initialement empirique (il est d’ailleurs toujours en permanente évolution) a évolué au fil des années. Il s’est bonifié au fur et à mesure et aux contacts des différents acteurs (élèves, enseignants, chefs d’établissements, …). Il est depuis plus de 3 ans au centre d’un paradoxe: coincé entre des demandes de plus en plus importantes et des moyens inappropriés pour y répondre.
Il y a pourtant eu (été 2007) la parution au Journal officiel d’un décret d’approbation interministériel pour que l’association porteuse de l’action accueille un enseignant en service détaché afin de mutualiser ce concept sur l’ensemble du territoire. Dans l’attente d’une solution (les discussions institutionnelles sont toujours en cours), l’ACSÉ offre une aide concrète en pérennisant ce concept dans le cadre du dispositif «Réussite éducative».
Le Jeu du Respect et de la Citoyenneté: RollerFootBall
Les règles du jeu
http://www.rollerfootball.fr/PDF/PDF_Regles-011007.pdf
Sur le site du Café
|