Par Justine Margherin
Deux lectures, chacun de ces ouvrages ayant une destination bien différente. L’un -le manuel infocom- permettra de repréciser les concepts qui fondent les SIC (sciences de l’information et de la communication) et pourrait aussi bien être utile à des candidats au CAPES, à ceux qui préparent l’oral… ou encore à mettre entre les mains de lycéens qui souhaitent intégrer des filières communication (IUT, Celsa…). L’autre, le numéro Sciences de l’information (ADBS) dont nous évoquerons ici le dossier central, permettra de poser de nouvelles problématiques -professionnelles- sur l’usage des réseaux sociaux et notamment dans leur rapport aux bibliothèques et centres de documentation.
Manuel infocom
Après avoir posé la problématique des SIC, science ou sciences, information / communication l’imbrication de l’une dans l’autre et vice versa ; mettant en évidence la question d’une science ou d’une discipline et en conséquence la question d’une didactique possible… le manuel se présente comme une lecture historique de la naissance des différents concepts et notions info com. En retraçant cette construction, la mise en perspective des évolutions techniques, sociales, scientifiques apparaissent au gré de la lecture. Une approche pluri- et trans- disciplinaire, ici bien prise en compte, génératrice de flou et de richesse, et permettant à chacun de recontextualiser les différents points dans son champ d’étude, fait apparaître la vivacité des SIC. Cette richesse, complexe et encore soumise à l’étude, est rendue lisible grâce à un texte clair, une table des matières détaillée qui permet aussi d’entrer par domaines.
Renucci, France, Belin, Olivier. Manuel Infocom : information, communication, médiologie. Paris : Vuibert, 2010.
ISBN 978-2-311-00189-1
Le manuel infocom présenté chez Vuibert
http://www.vuibert.com/livre34243.html
Réseaux sociaux
La question interpelle beaucoup la presse : les réseaux sociaux, les pratiques des jeunes, les dangers… Cette facette des réseaux sociaux l’emporte dans le grand public sur la question des réseaux sociaux comme outil : outil de construction d’une communauté de connaissance, outil de lien social professionnel, outil de partage et bien-sûr de communication. Le dossier central de ce numéro de la revue de l’ADBS (que l’on peut acheter en ligne) s’intéresse évidemment au lien réseau social / monde de la bibliothèque. Cependant sa lecture permet de se repositionner comme professeur documentaliste sur l’usage d’un réseau social à l’école… on y viendra en fin de présentation.
Et s’il n’y avait pas que Facebook dans la vie d’un ado ? Si on pouvait penser et faire penser le réseau social différemment ? C’est en se posant cette question que j’ai lu ce dossier. Alors je ne vais pas vous conter les applications des réseaux sociaux en bibliothèques, mais plutôt la réflexion qui a pu naître en mon esprit à sa lecture.
Point de vue documentaliste
Le sous-titre « le document menacé par la conversation » pourrait laisser penser qu’on va aller à l’encontre d’une formation à l’information en utilisant les réseaux sociaux. Et si on parlait de communauté d’apprentissage plutôt que de circulation du document ? Alors on replacerait la consommation et la critique du document au cœur de la construction de connaissance. Car pour construire, il faut soumettre à la discussion, juger, estampiller (valider), et faire soi un texte, une image (fixe ou animée). Et le réseau social facilite la circulation des documents. Bien-sûr on commence à voir s’élever ici ou là des études qui montrent que l’information circule mais que la discussion n’a pas lieu et que parfois même le document est simplement mis en avant sans qu’il ait été lu… retweeté seulement. Cette pratique est effectivement agaçante. Et effectivement on peut dire qu’on est informé hyper-rapidement, quasi instantanément, mais le réseau n’agit pas toujours comme une plus-value -de moins en moins ? Conséquence d’une appropriation féconde des réseaux par le plus grand nombre ?
Pourtant le réseau permet (comme dit en introduction du dossier) de partager, de classer, de publier, de partager, de rechercher, de coproduire, de gérer un projet, … Alors buzz seulement ? Auto-publication et pratiques individualistes narcissiques ? Eh bien non, l’usage d’un réseau ça peut s’apprendre, ça peut se transformer, ça peut se multiplier en fonction de son statut, ça…. peut s’ouvrir vers de vrais opportunités pour les professionnels de la documentation…. donc de l’enseignement aussi !
« Une plateforme de réseau social doit couvrir les besoins élémentaires d’échange et de partage au sein de l’organisation ; mais elle doit également permettre l’émergence de nouveaux besoins non identifiés lors du démarrage du projet » (p. 24)
D’abord le réseau social n’est pas (toujours) Facebook. Je vous passe, Twitter, Copains d’avant…. je veux parler de réseau professionnel, de RSE (réseau social d’entreprise)… ceux qu’on veut construire et adapter à une communauté de pratique, communauté professionnelle. Objectif : développer le collaboratif. Au-delà des possibilités de communication, on cherchera à développer le conversationnel bien-sûr, mais aussi le relationnel ET le documentaire.
Point de vue animation d’une communauté
En augmentant le conversationnel et le relationnel, on augmente la transparence et la réactivité en « donnant la parole à ses collaborateurs ». Conséquences : valorisation des acteurs et réactivité et augmentation du nombre de personnes participant à l’expertise… « Le capital savoir et savoir-faire de l’entreprise est valorisé » (p. 27).
En s’engageant dans un RSE, l’entreprise se doit aussi de protéger ses salariés et de paramétrer ses ouvertures. Fermé, tourné vers la communauté stricto sensu ou ouvert sur l’extérieur (dans le cas de l’entreprise, les clients par exemple)… le choix n’est pas sans conséquence. Il faudra définir une cartographie des usages que l’on veut favoriser ou développer : social collaboration, social CRM (gestion de la relation client que l’on pourrait transposer aux relations parents / école -non ne hurlez pas !), social KM (knowledge management : partage des expertises de ressources, sollicitations des individus du réseau selon leurs spécialités), social Messaging (microblogging : permettre le partage de la veille par exemple), social networking (possibilité de créer des « opportunités de mises en relation entre les collaborateurs : équipes pédagogiques ?, équipes disciplinaires ?…).
Quelles perspectives ?
La fin du dossier est plus pratico-pratique : après un article permettant de se poser les bonnes questions pour mettre en œuvre son propre réseau social (guide méthodologique précis), on peut avoir un aperçu des différents outils existants pour monter un réseau social. On pourra noter la présence de plateforme en téléchargement libre en php … solution adaptable à l’établissement scolaire notamment. A lire ce dossier, on comprend les enjeux, pour une communauté FERMEE, de mettre en place un réseau social. Celui-ci peut aussi avoir pour objectif d’utiliser pédagogiquement un outil utilisé ailleurs de façon personnelle et d’en concevoir, d’en apprendre, d’en comprendre les enjeux au-delà des pratiques domestiques.
Présentation du numéro sur le site de l’ADBS