Chez nous, ça marche!
Un des points de la réforme des secondes qui modifie profondément les pratiques des professeurs de langues, c’est la mise en place des groupes de compétences (qui, pour l’instant, n’est pas obligatoire mais seulement vivement recommandé). Cela a généré beaucoup d’échanges sur les listes. Sur e-teach, une collègue d’anglais, Christine Chevallier a dit combien elle et ses collègues Stéphanie Aguilaniedo et Astrid Chauveauet appréciaient de travailler en groupes de compétence dans leur lycée. Je l’ai donc contactée pour qu’elle nous explique comment leurs groupes de compétences se sont mis en place et fonctionnent dans son établissement. Cet exemple est en anglais, mais peut se transférer à toutes les autres langues qui ont au moins deux enseignants dans le même établissement. Voici leur témoignage, et aussi leurs évaluations de début d’année et leur progression.
Q: où enseignez-vous?
CC : Nous enseignons au lycée La Providence à Blois (41). C’est un lycée technologique d’environ 900 élèves, proposant les filières STG, STI et ST2S. Nous avons également un lycée professionnel ainsi que des BTS. Les langues enseignées sont l’anglais, l’espagnol et l’allemand.
http://www.lapro.org/default_zone/fr/html/presentation.html
Q: Combien de professeurs travaillent en groupes de compétence, et sur combien de classes de seconde?
CC: Nous sommes 3 professeurs d’anglais sur 3 classes de secondes GT. Il en est de même en espagnol. Par contre nous n’avons qu’un professeur en allemand.
Au niveau du lycée professionnel, les groupes de compétences sont difficiles à mettre en place à cause des périodes de stages qui varient d’une section à l’autre. Nos collègues du LP ont essayé l’an dernier mais ça a été très complexe et elles n’ont pas souhaité renouveler l’expérience.
Q: Comment avez-vous constitué les groupes?
CC: Nous avons fait une évaluation diagnostique de niveau A2 à B1 sur les compétences de compréhension orale et écrite et de production écrite dès le deuxième cours. Vous pouvez en voir le détail ici:
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/languesvivantes/anglais/P[..]
Q: Comment avez-vous traité les résultats?
CC: Nous nous sommes mis d’accord sur les barèmes en secondes et en premières. Nous avons corrigé chacune de notre côté puis nous avons rempli un tableau avec la note et le niveau qu’on attribuait à chaque élève dans chacune des compétences. Nous avions également une colonne avec une proposition de groupe.
Q: Avez-vous trouvé assez d’élèves avec un profil défini? Quelle proportion de l’ensemble représentaient-ils? Comment avez-vous géré les élèves sans profil qui ressorte?
CC : Nous nous sommes alors concertées. Nous avons parfois eu des difficultés car certains élèves étaient faibles partout. D’autres avaient des difficultés dans 2 compétences sur trois.
Nous avons essayé au maximum de les mettre dans le groupe correspondant à la compétence dans laquelle ils avaient le plus de mal. Dans un tiers des cas, les élèves avaient deux compétences sur trois dans lesquelles ils étaient plus faibles. Il a donc fallu tranché. Ceci est vrai pour tous les élèves quel que soit leur niveau.
Nous avons essayé d’avoir des groupes à peu près équilibré. Par conséquent, les élèves n’ayant pas de profil défini ont été mis dans le groupe correspondant à une des deux compétences dans laquelle ils étaient les moins à l’aise.
Q: Comment sont organisés les cours?
CC: Chaque professeur a en charge une compétence donnée qu’elle garde toute l’année. Les élèves restent avec le même enseignant tant qu’ils ont besoin d’approfondir cette compétence. Certains ne changeront donc pas de groupe. Nous nous sommes mis d’accord sur une progression thématique annuelle. Par exemple, la première séquence a permis d’aborder le thème de l’Apartheid. Toutes les compétences ont été travaillées dans chaque groupe avec des exercices différents selon la compétence ciblée.
Q: Comment ce thème s’articule-t-il avec les instructions officielles? Quels autres thèmes envisagez-vous ensuite?
CC: Cette année, nous avons choisi de travailler sur les thèmes suivants : South Africa /Aparteid, Biodiversity (ce thème n’était pas prévu au départ mais nous avions une intervention de Jean-Marie Pelt sur le sujet et nous avons choisi d’inclure cette séquence pour préparer nos élèves à sa venue), Birth of a Nation (au moment de Thanksgiving), Teens on line (avec toutes les nouvelles technologies et l’addiction qui en découle), Peers and Parents.
Ces thèmes nous semblent adaptés au programme en vigueur qui demande de travailler sur « l’art de vivre ensemble » avec une réflexion sur la mémoire que l’on retrouve dans nos séquences 1 et 3. Les thème de la biodiversité et dans un autre registre de « teens on line » aborde l’aspect « vision d’avenir ». Quant à notre dernière séquence, elle entre totalement dans le « vivre ensemble » avec la pression familiale, l’environnement scolaire/social, etc…
Q: Où trouvez-vous vos ressources? Utilisez-vous un manuel? Lequel?
CC: Nous utilisons notre manuel Impact mais aussi Newstandpoints, et bien entendu les nombreuses sources que l’on trouve sur internet comme les sites des académies ou ces deus sites:
http://www.famouspeoplelessons.com/ http://www.bbc.co.uk/worldservice/learningenglish/
En première STG nous travaillons les thèmes suivants : Consumerism, The Road Towards Freedom (slavery/civil rights/MLK/Obama), Addiction, Northern Ireland.
Q: Combien de temps de concertation cela vous prend-il?
CC: Une heure en début d’année puis ponctuellement 1/2 heure par mois afin de faire le point et de s’harmoniser. A l’issue du 1er trimestre quelques élèves ayant progressé ont pu changer de groupe de compétence.
Q: Comment ces élèves ayant progressé ont-ils intégré l’autre groupe? Je remarque que vous avez dit “progressé” : vos groupes sont-ils des groupes de niveau? Y a-t-il aussi des élèves en difficulté qui ont intégré un groupe plus adapté à leurs capacités?
CC: Nous n’avons pas de groupe de niveau. Nos groupes de compétences sont très hétérogènes d’un point de vue résultats mais homogène d’un point de vue « besoin ».
Vers la fin du premier trimestre, dans le groupe « ECOUTE », un élève très à l’aise en anglais a montrer qu’il avait une plus grande capacité à comprendre un document audio qu’en début d’année. Parallèlement, toutes les compétences étant travaillées, il a exprimé le besoin de pouvoir progresser dans la compréhension de l’écrit. Il n’est pas mauvais mais il se sent moins à l’aise dans cette compétence. Cela se ressent.
Dans ce même groupe, une élève en difficulté dans les trois compétences a pris de l’assurance en compréhension orale. Nous avons pensé qu’il serait judicieux pour elle de basculer également dans le groupe de compréhension écrite afin qu’elle acquière davantage d’autonomie dans ce domaine.
Dans le groupe compréhension écrite, quatre élèves avaient progressé mais montraient des difficultés dans les autres compétences. Nous les avons donc également changé de groupes.
Enfin, dans le dernier groupe, nous avons proposé à deux élèves qui avaient des degrés équivalents dans les trois compétences d’intégrer un autre groupe.
Lorsque j’utilise le terme progresser, je veux dire par là que ces groupes sont effectivement bénéfiques puisque les élèves ont l’impression d’avancer.
Q: Comment gérez-vous les conseils de classe? Y a-t-il un professeur référent pour une classe?
CC: Lors des conseils de classes, nous n’assistons quà un d’entre eux. Les collègues d’espagnol ont choisi un prof référent par classe. Nous avons choisi d’assister au conseil de la classe où nous avions le plus d’élèves.
Q: Pouvez-vous être professeur principal?
CC: Nous ne nous sommes pas posés la question car seule l’une d’entre nous est professeur principal. Comme c’est en première et que pour ces classes nous n’avons qu’une heure en barrettes, cela ne pose pas de problèmes.
Pour les collègues qui ne souhaiteraient pas mettre en place les groupes de compétences afin de rester professeur principal, il y a toujours des solutions comme ce que nous faisons en première.
Q: Vous avez dit que vous expérimentiez ce dispositif pour la deuxième année en seconde et que vous l’aviez aussi mis en place en première. Comment se passe l’expérience en première? Sur combien de classes et avec quelles options? Mélangez-vous les élèves de différentes options?
CC: L’an dernier, nous avions mélangé des ST2S avec des STG une heure par semaine et nous ne l’avons fait qu’à partir de janvier. Il a été très difficile de faire participer les élèves. Ils étaient très réticents. Le mélange n’a pas fonctionné car les profils d’élèves et les personnalités étaient trop différents. Nous avions également choisi de changer de compétences dans l’année en tant que professeur et nous avons constaté qu’il était compliqué de faire adhérer les élèves à la démarche. Cela les perturbait.
Cette année, nous avons mélangé deux classes de STG (STG C et STG G), dès le début de l’année. Nous avons une heure en barrettes.
Nous avons établi une progression annuelle commune et pour chaque séquence nous avons déterminé des activités d’écoute ou de lecture pour cette heure en barrette.
La tâche finale de chaque séquence se fait par contre toujours en groupe classe avec le professeur référent. C’est une alternative au groupe de compétence lorsque l’on est professeur principal ou bien lorsque la logistique ne permet pas la mise en barrettes de toutes les heures.
Q: Envisagez-vous des groupes inter-niveaux, en mélangeant les élèves de seconde et de première par exemple?
CC: L’idée de mélanger et de faire des groupes inter-niveaux peut être intéressante mais on risque alors de tendre vers des groupes de niveaux : les A2 ensemble, les B1 ensemble, les B2 ensemble. Les élèves retomberaient dans un sentiment d’appartenance à un groupe de faibles, de moyens et de forts. Ce n’est pas le cas actuellement et cela semble être une démarche plus positive pour l’élève.
Q: Comment cela se passe-t-il dans les autres langues dans votre établissement? Y a-t-il des mélanges d’options et de niveaux dans les langues avec moins d’élèves comme l’allemand?
CC: En allemand, les élèves de plusieurs classes sont regroupés mais les secondes sont ensemble, les premières ensemble et les terminales ensemble.
En espagnol, le fonctionnement est similaire aux groupes de compétence d’anglais sauf qu’ils ont choisi de faire leurs évaluations diagnostiques après la Toussaint et de commencer les groupes de compétence après les vacances.
Q: Quels sont les bénéfices pour les élèves? pour les enseignants?
CC: Les élèves ont l’impression de progresser davantage là où ils sont les plus faibles et par conséquent ils sont motivés pour aller de l’avant.
C’est enrichissant pour les professeurs qui échangent davantage sur leur pratique et leurs supports.
Q: Une demi heure par mois pour échanger sur les pratiques et concevoir des séquences communes, ça me parait peu. Comment faites-vous?
CC: Nous nous rencontrons une demi-heure à une heure par mois assises autour d’une table mais nous communiquons beaucoup par email et par l’intermédiaire de nos casiers.
Nous avons passé une ½ journée à élaborer notre progression puis chacune chez nous. Nous restons assez libres dans nos pratiques mais nous nous apportons beaucoup mutuellement malgré tout. La nécessité de se concerter est une réalité mais ne doit pas être un frein à la mise en place de ses groupes de compétences. Il existe des tas de moyens de le faire comme les emails, googledocuments, ou pourquoi pas skype ou msn.
Q: Trouvez-vous votre dispositif efficace? pourquoi?
CC: Oui car c’est la deuxième année : nous trouvons notre travail plus efficace ainsi, et les élèves sont demandeurs. L’an dernier au moment du bilan ils ont souhaité poursuivre l’expérience en première.
Merci beaucoup à vous trois pour votre témoignage!
Si vous aussi vous avez mis en place un dispositif que vous trouvez intéressant et efficace, n’hésitez pas à me contacter pour partager votre expérience avec nos collègues.