Par Antoine Maurice
Ce mois-ci le café pédagogique a rencontré Thierry Coutant, professeur d’EPS au collège Trémolières de Cholet et Catherine Martin professeur de SVT dans le même établissement. Dans le cadre d’un IDD (itinéraire de découverte) ces deux collègues nous présentent une démarche originale et pertinente à travers un parcours d’orientation olfactif.
Bonjour, tout d’abord pouvez-vous nous présenter votre démarche ?
Depuis quelques années déjà, avec la mise en place des parcours diversifiés, puis plus tard avec les itinéraires de découvertes, nous avons eu l’occasion dans notre établissement (comme dans d’autres certainement) de construire des projets interdisciplinaires pour nos élèves. L’idée de donner du sens aux apprentissages pour les élèves en reliant les matières entre elles nous a toujours intéressé. Ce parcours d’orientation olfactif est le résultat d’un travail interdisciplinaire entre l’EPS et les SVT, destiné à des élèves de quatrième. Les élèves, par groupes de 3, en classe entière, doivent réaliser divers circuits d’orientation, balisés par 4 sortes d’odeurs : la menthe, le citron, la banane, et l’ail. A chaque odeur est associée une direction : aller tout droit, tourner à gauche, tourner à droite ou faire demi-tour.
Qu’est-ce qui vous a amené à proposer un parcours d’orientation olfactif ?
Nous avons recherché une situation d’apprentissage associant les deux matières :
En effet, une activité sportive ne se limite pas à utiliser ses organes locomoteurs. Il faut aussi réfléchir et utiliser ses organes sensoriels. Une partie du programme de SVT, en quatrième, porte sur les relations au sein de l’organisme, par voie nerveuse ou hormonale. Ce parcours d’orientation olfactif est un moyen d’introduire la notion de communication nerveuse, dans la mesure où un mouvement peut répondre à une stimulation extérieure, reçue par un organe sensoriel.
Nous avons recherché une approche à la fois ludique, motivante et concrète pour les élèves, qui leur permette de s’approprier cette notion d’organe sensoriel, et les incite à se poser des questions sur ce qui se passaient à l’intérieur de l’organisme, entre le moment où ils avaient perçu une odeur et celui où ils s’étaient déplacés dans une direction donnée.
En EPS, cette activité permet de faire travailler les élèves sur l’orientation, la latéralisation. Ils doivent savoir prendre et mémoriser des informations, savoir prendre des décisions, travailler en équipe, se positionner et se repérer dans l’espace, utiliser des codes, une légende.
Comment les élèves ont-ils vécu cette expérience ?
Les élèves ont tout d’abord montré de la curiosité, puis assez rapidement dès le premier circuit, assez facile à réaliser, l’engouement a décuplé et des méthodes de fonctionnement ont été élaborées par certains groupes. Des automatismes sont apparus : d’où je viens… je sens et je te dis l’odeur… toi tu lis la légende et tu me donne la direction… ici je me souviens de l’odeur… allez vite! et arrête le chrono…
Quelques élèves montrent des difficultés pour se repérer, ne savent pas se positionner en fonction d’où ils arrivent, ils sont faciles à identifier et nous pouvons leur venir en aide.
La forme ludique prend le dessus et reconnaître les odeurs devient plus pertinent et surtout plus rapide. Le verdict de la correction est attendu par tout le monde. L’ensemble des résultats est assez bon mais aucun groupe n’a réalisé la totalité des circuits sans commettre d’erreurs.
Ensuite vient le petit questionnaire de SVT. Comme supposé, les élèves ont tendance à confondre organe sensoriel et sens.
Les élèves au final ont été intéressés par la séance, même les plus agités ont réussi à se concentrer pour réaliser au mieux ce travail.
Quels ont été les bénéfices en EPS et en SVT ?
En EPS, les élèves ont développé leur capacité à se repérer dans l’espace, à mémoriser une légende, à mémoriser des déplacements, à travailler réellement en équipe. Ils ont appris à gérer le doute et l’incertitude. Assez rapidement, nous avons vu des groupes revenir en arrière pour s’assurer de leur décision en cas de doute. Ils ont compris assez naturellement la nécessité d’être juste avant de vouloir aller vite.
En SVT, les élèves ont intégré de manière concrète le lien entre stimulation extérieure, organe sensoriel, et réponse de l’organisme Cette première approche de la communication nerveuse a par ailleurs permis de rappeler la différence entre un sens et un organe sensoriel.
Ensuite, la question que l’on est amené à se poser sans pouvoir y répondre totalement : chaque matière aurait-elle moins bien réussi à transmettre les connaissances et les savoirs faire si l’activité n’avait pas été interdisciplinaire ? Notre projet amène-t’il quelques choses de plus aux élèves par rapport à des activités disciplinaires séparées ? Il semble bien que ce projet donne du sens au élèves, il permet par le concret de fixer des connaissances plus théoriques, il favorise la dynamique de mise en activité des élèves.
Et pour vous enseignants, quels en ont été les bénéfices ?
Voilà bien aussi une dimension intéressante à prendre en compte ! Même si ce n’est pas toujours facile de se montrer entre collègues en situation pédagogique, lorsque ce tabou est surmonté, le projet interdisciplinaire prend une nouvelle dimension. L’enrichissement mutuel est important. Chacun à ses manières de faire pour prendre en main les élèves et souvent elles mènent au même résultat. On apprivoise les qualités du co-intervenant. On redouble d’attention sur l’enjeu des contenus proposés aux élèves. Là aussi une dynamique s’installe durablement.
Pour conclure tout le monde, élèves et enseignants y gagnent, l’acte d’enseigner se nourrit de ces projets.
Merci encore pour ce partage, une démarche qui présente un véritable intérêt transdisciplinaire, permettant de faire apprendre les élèves. On peut d’ailleurs transposer cette démarche dans le cadre de l’intégration d’un élève présentant un handicap visuel…
L’ensemble du protocole de mise en place est sur le site de l’académie de Nantes, à l’adresse suivante
http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/1286010000879/0/fiche___re[…]
Sur le site du Café
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