Par François Jarraud
Alors que Luc Chatel inaugure ce matin la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 dans les établissements scolaires, il apparaît que le système éducatif n’a pas su relever les défis liés à la pandémie.
Le premier rendez-vous raté ce n’est certainement pas celui de la pandémie. On compte fin novembre plus de 300 établissements fermés, et, même si ce chiffre est faible par rapport au nombre d’établissements, il connaît une croissance rapide.
Le premier rendez-vous raté avec la grippe c’est certainement celui de l’éducation à la santé. Certes le plan gouvernemental prévoit l’apprentissage des gestes barrières à la pandémie. Mais il reste théorique tant la situation sanitaire réelle des établissements (bien des enquêtes l’ont établi) ne permet pas sa mise en application concrète. Comment, par exemple, dans un établissement ordinaire, chaque élève pourrait-il passer 30 secondes à se laver les mains quand on sait qu’il n’y a souvent qu’un seul lavabo pour 100 ou 200 élèves ? Avec quel produit d’ailleurs le faire ? Comment obliger les élèves à se moucher dans du papier quand on ne dispose pas de stocks ? Comment mettre en quarantaine un élève quand l’infirmière est sur 2 ou 4 établissements ? La faute n’en revient pas à Luc Chatel. Elle vient de loin, de l’opposition drastique que notre culture scolaire fait entre esprit et corps, qui nous amène à admirer le premier et mépriser le second.
Le second rendez-vous raté c’est la préparation pédagogique à la pandémie. Certes l’Etat a prévu d’émettre des émissions télévisées ou des cours radiodiffusés. En partenariat avec le CNED, il a mis en ligne les cours du primaire au lycée. La belle affaire ! Les élèves n’ont pas besoin de tout ça. Ils disposent de manuels bien faits et complets. L’accompagnement pédagogique ce n’est pas créer des ressources qui existent déjà. C’est se donner les moyens de maintenir la classe en contact malgré les absences perlées des enseignants et des élèves du fait de la grippe.
Techniquement c’est très peu de choses. Les outils existent : ce sont ceux qui sont utilisés déjà par les jeunes : MSN, Facebook, le mail etc. Se préparer c’est déjà créer les groupes ou communautés nécessaires sur ces espaces, les faire connaître et pratiquer par les élèves et les profs avant la pandémie de façon à ce que tout naturellement ils prennent le relais autant que de besoin. Or que de temps perdu ! Rien n’a été fait en ce sens. Les consignes les plus simples (recueillir les adresses électroniques des élèves par exemple) n’ont pas été données. Rien n’a été prévu avec ces sites communautaires. Tout devra s’improviser au dernier moment dans la tradition tricolore du système D.
Bien des raisons expliquent ce gâchis. Fléchons-en une qu’il faudra bien affronter un jour ou l’autre : concevoir différemment le métier d’enseignant, inclure dans ses tâches l’accompagnement des élèves, y compris hors les murs. C’est le moment, alors que la réforme du lycée ose pour la première fois inclure dans le temps de service des enseignants des heures d’accompagnement personnalisé.
Le troisième rendez-vous raté va faire plus mal encore. C’est celui de la gestion du personnel. L’Etat a choisi une année de pandémie pour supprimer 80% des postes de remplaçants. C’est peut-être pour cela qu’aucune consigne n’a été donnée concernant les personnes à risque dans les établissements. Les enseignantes enceintes, les professeurs souffrant de maladie chronique sont exposés à un risque certain. Alors même que les employeurs français sont invités à signaler leurs salariés à risque, alors que la plupart des pays développés ont défini des procédures de retrait des enseignants, l’Education nationale fait silence radio en espérant sans doute échapper aux dégâts humains et aux retraits spontanés (par exercice du droit légal de retrait). Elle risque de récolter les deux. Combien faudra-t-il de profs en réanimation pour que ces personnes soient prises en considération ?