Cyril Froidure
Le Hors-série n°4 de la revue Diplomatie.
Cette revue, sous-titrée affaires stratégiques et relations internationales, publie son quatrième numéro hors-série, de décembre-janvier 2007, consacré aux « Menaces contre la planète : bouleversements climatiques, hivers nucléaires, orages solaires… vérités ou impostures ».
Les presque 100 pages du magazine abordent ces menaces sous trois angles : Quels diagnostics ?, une présentation de ce qui est appelé les querelles idéologiques et les débats, Quelles politiques choisir ?
Nous présenterons les deux premières parties quant à la troisième, un article étudie les liens entre environnement et conditions de vie et deux autres envisagent les menaces sur la planète vues de Washington et d’Inde.
La première partie s’ouvre sur un article présentant le concept de Hot spot ou théorie des points chauds emprunté à la vulcanologie ainsi que le précise François Grünewald du groupe URD (Urgence Réhabilitation, Développement). Son emprunt permettrait, dans un contexte de multiplication des risques, d’identifier les zones ou lieux où « la catastrophe est possible ». Repérer pour anticiper et planifier une réponse, une réaction à des cataclysmes aux formes diverses. Une typologie de ces Hot spots suit l’article présentant le concept, typologie répartissant les risques en quatre grandes catégories (naturels, sociopolitiques, socio-naturels et désastres socio-politiques). Tout y passe, du syndrome sahélien ( baisse de la pluviométrie et ses conséquences possibles : conflits, mouvements de population..) aux inondations en passant par l’infestation de criquets jusqu’au désastre technologique. Pour chaque syndrome, causes, conséquences et degré de prévisibilité sont listés. Un planisphère permet, si l’on suite cette typologie, d’identifier des zones à hauts risques (zone sahélo-soudanienne, Asie du sud-Est), d’autres aux risques limités (Amérique du Nord). L’auteur voit dans cette théorie un outil utile en ce qu’il doit permettre une meilleure gestion et compréhension des catastrophes mais aussi accroître l’attention des décideurs.
Ensuite 5 thématiques font l’objet chacune d’une page reprenant le travail réalisé pour l’exposition conjointe PNUE/ville de Genève qui s’est tenue entre le 10 mai et le 14 octobre 2007. Changement climatique, déforestation, désertification, perte de la biodiversité, pollution font l’objet d’un point chiffré (« Chaque année, la déforestation fait disparaître quelque 13 millions d’hectares de forêts dans le monde », classement des dix villes les plus polluées dont deux indiennes, deux chinoises et deux russes) associé à des exemples (le cas du lac Tchad pour la désertification, la déforestation de la vallée du Styx en Tasmanie).
L’article suivant de Christophe Perret, économiste, aborde les questions climatiques et les changements liés en Afrique de l’Ouest. Dans cette région, plus qu’ailleurs, il est difficile de mesurer la réalité et l’impact des changements climatiques par manque de données toutefois le GIEC considère qu’au 21ème siècle, le réchauffement devrait y être en moyenne plus élevé que dans le reste du monde (de l’ordre de 3 à 4°C). Une incertitude plane aussi sur l’état des précipitations or les effets conjugués de ces deux phénomènes pourraient être puissants : baisse des récoltes, des zones côtières menacées de submersion… Mais l’auteur refuse tout catastrophisme exacerbé et évoque de possibles opportunités attachées à ces mutations : le développement du potentiel d’énergies renouvelables, la valorisation accrue d’une plus grande part du potentiel agricole africain…
La seconde partie s’ouvre sur le Top Ten des arguments des climato-sceptiques et les contre-arguments des scientifiques en accord avec le GIEC. Prenons l’exemple de l’augmentation des températures : pour les premiers, la preuve irréfutable de cette croissance n’est pas définitivement donnée et critique est faite des données utilisées pour tirer de telles conclusions, des données prises essentiellement selon eux dans les centres urbains (« effet d’îlot de chaleur urbaine ») associées à une couverture partielle de la planète. Les pro-GIEC font remarquer qu’il est indéniable que la couverture neigeuse, les calottes glaciaires fondent et en ce qui concerne la théorie de l’îlot de chaleur urbaine, comment expliquer que le plus fort réchauffement s’observe dans l’Arctique. Parmi les autres idées réfutées et affirmées, la cessation de l’augmentation de la température moyenne, la fiabilité des modèles climatiques, l’urgence ou non de la question climatique…
Puis comme la revue fait une large place à ceux que l’on entend peu et ne voit pas, les sceptiques des changements climatiques, ce qui laisse présumer d’une nouvelle bataille d’experts se dessinant puisque les climato-sceptiques présentés sont des scientifiques reconnus : Richard Lindzen (titulaire d’une chaire de climatologie au MIT et démissionnaire du GIEC en 2001), Marcel Leroux (professeur émérite de climatologie à l’université Jean-Moulin), Yury Izrael (vice-président du GIEC !!). Bataille engagée disais-je, ainsi au Canada une soixante de scientifiques de différentes nationalités réclamaient dans une lettre ouverte au premier ministre canadien Stephen Harper une « évaluation de l’évolution récente des sciences du climat » car « les évidences tirées de l’observation ne supportent pas les modèles climatiques actuels fournis par les ordinateurs, il n’y a donc guère de raison de leur faire confiance pour prédire les modèles du futur. Or c’est précisément ce que l’ONU a fait en créant et en promouvant Kyoto et ce qu’elle fait encore dans les prévisions alarmistes sur lesquelles les prévisions climatiques du Canada sont basées ».
En poursuivant notre lecture, la liste des critiques ou doutes s’allongent : Jean Laherrère, géologue et géophysicien s’interroge sur la scientificité des résultats posés par le GIEC ; se rangeant parmi les sceptiques, et non précise-t-il dans le groupe de ceux réfutant les changements climatiques, il considère qu’énoncer un changement climatique, c’est parler d’une évidence puisque le climat change depuis 4,5 milliards d’années et il indique que lors de la plus forte croissance du CO2 (période des Trente glorieuses), la température a baissé. Entre autres arguments, il avance le constat que dans les temps géologiques, il n’existe pas à sa connaissance de relation claire entre le CO2 et la température et sur la forme, il conteste le GIEC qui assoit sa légitimité sur l’unanimité des milliers de scientifiques membres du groupe quant au contenu or précise-t-il, tous les rapports du GIEC ont l’obligation d’être votés à l’unanimité, il conteste la non-prise en compte de mesures non-conformes aux scénarios.
Bataille d’experts toujours puisqu’après un géologue, c’est une géographe s’inquiète des discours tenus sur cette problématique. Yvette Veyret décrypte dans une interview quelques caractéristiques des discours sur les changements climatiques :
-Elle regrette le tout catastrophe qui selon elle repose sur des bases scientifiques peu solides. Elle cite le cas de la déforestation compliquée à évaluer tant les définitions de la forêt sont nombreuses
-Elle pose la question des experts. Qui sont-ils ? Pour qui travaillent-ils ?
-Elle suggère la possible marginalisation d’une partie de la recherche du fait de la concentration des financements sur les études allant dans le sens d’un réchauffement avéré.
-Elle considère que ces discours profitent pêle-mêle aux ONG vertes, à des entreprises, aux pays en voie de développement…
Bataille médiatique aussi et enfin. Le réchauffement climatique a son film, « Une vérité qui dérange » et son porte-drapeau, Al Gore, le scepticisme climatique a désormais le sien, « The great global warning swindle » (la grande arnaque du réchauffement climatique) de Martin Durkin, diffusé pour la première fois en mars 2007 sur Channel 4. Ses 2,5 millions de spectateurs pouvaient ainsi une série d’entretiens de scientifiques, d’hommes politiques, d’économistes doutant de la réalité des changements climatiques (Richard Lindzen, Patrick Moore, cofondateur de Greenpeace.