Stéphane Busuttil est enseignant d’anglais au lycée professionnel agricole de Rivesaltes. Comment enseigne t’on les langues dans l’enseignement professionnel ? Nous l’avons interrogé sur son approche et ses pratiques intégrant l’usage des Tice.
As tu choisi d’enseigner dans l’enseignement agricole ou est ce un pur hasard ? Quel est ton parcours ?
C’est complètement un hasard. J’ai véritablement découvert l’existence de l’enseignement agricole pendant mon année de formation à l’IUFM, et je ne savais pas où je mettais les pieds en y arrivant. Aujourd’hui je suis ravi. J’ai beaucoup de respect pour les talents et les aptitudes « manuelles » et techniques, et j’aime travailler avec les élèves dans une relation d’échange (ils ont beaucoup à m’apprendre en technique, et je les aide à apprendre l’anglais).
Tu enseignes en lycée professionnel à des classes allant de la 4e au Bac Pro, quels profils ont tes élèves. Arrivent ils dans l’enseignement agricole par choix d’un métier ou plutôt parce qu’ils ne savaient pas où aller ?
En BEP et en Bac Pro les élèves ont un projet professionnel qui tient en général la route. En viticulture ce sont souvent des fils d’exploitants qui reprendront un jour l’entreprise familiale, l’horticulture attire par contre des élèves de tous horizons, quant aux services, que ce soit le secrétariat/accueil ou les services aux personnes, le recrutement est presque exclusivement citadin.
Quand ils arrivent en 4ème ou en troisième, par contre, il n’y a en général aucun projet professionnel derrière ce choix, d’ailleurs très souvent il ne s’agit pas vraiment d’un choix. Le système scolaire actuel écarte vers les lycées professionnels les élèves qui sont peu performants dans les matières « générales » : le français, les maths, l’histoire, les langues… C’est la plupart du temps comme ça qu’ils arrivent chez nous, en général un peu perdus, et persuadés qu’ils n’arriveront à rien à force de se l’entendre répéter. Et pour nombre d’entre eux, grâce aux modules de découverte professionnelle, grâce à un niveau et des méthodes beaucoup plus adaptés dans ces même matières générales, grâce à un suivi individualisé (nous avons un système de tutorat en 4ème et 3ème), grâce à des effectifs plus réduits, c’est le moyen de se réconcilier un peu avec l’école, de découvrir des corps de métiers accessibles, d’envisager une orientation sous l’angle de la réussite. Certains finissent ainsi avec un Bac Pro ou un BTS en poche.
Peux tu nous en dire plus sur ce système de tutorat ?
En BEPA et en Bac Pro, chaque élève se voit attribuer en début d’année un professeur référent. Le rôle du référent est essentiellement de suivre l’élève lorsqu’il est en stage en entreprise, et de l’encadrer pendant la rédaction de son rapport de stage. En 4ème et en 3ème, les élèves ont également un référent dans l’équipe pédagogique, mais le suivi est beaucoup plus présent et on parle alors de tutorat : les tuteurs ont une heure par quinzaine à leur emploi du temps pour rencontrer les élèves qu’ils suivent. C’est l’occasion de faire le point sur les résultats, l’assiduité, la motivation, sur la construction de son projet professionnel et de ses voeux d’orientation. Le tuteur fait également le lien entre les collègues, la vie scolaire, la personne chargée du soutien scolaire. C’est un interlocuteur privilégié pour l’élève, et de nombreux soucis peuvent être anticipés et désamorcés grâce à ce système. En troisième lorsque les élèves partent en stage de découverte en entreprise, ils sont également suivis par leur tuteur qui les aide ensuite à rédiger leur mini rapport de stage.
Comment s’intègre l’apprentissage de l’anglais dans leur cursus avec quels liens avec les enseignements plus techniques?
En général, j’ai 2h par semaine avec chaque classe, et ils n’ont qu’une seule langue vivante.
Le lien avec l’enseignement technique est omniprésent. Soit parce que les objectifs sont clairement professionnels (module d’anglais professionnel en bac pro Services en Milieu Rural par exemple), soit tout simplement parce que les thèmes abordés en classe collent aux centres d’intérêt des élèves.
On fait donc beaucoup de jeux de rôles où les mises en situation correspondent à celles rencontrées pendant les stages professionnels et les enseignements techniques (accueil, vente, etc.)
Quelles méthodes, utilises tu pour les intéresser à l’apprentissage de l’anglais.
Tout dépend des classes ! Chaque promo est unique, les élèves ont tellement chacun un parcours qui ne ressemble à aucun autre qu’il n’y a pas de recette qui marche à tous les coups, il faut adapter sans arrêt. Mais ce qui revient toujours dans mes cours : le jeu de rôles, l’utilisation de documents video et audio que je récupère sur le net, la recherche de l’autonomie, l’individualisation des objectifs.
Concrètement, comment individualises tu ces objectifs ?
En m’adaptant au niveau des élèves, à leurs centres d’intérêts, en étant à l’écoute. Vu le nombre réduit de classes, impossible de mettre en place des groupes de compétences transversaux comme c’est fait parfois. Par contre, à l’intérieur d’une même classe et compte tenu des effectifs raisonnables que nous avons, il est possible d’établir plusieurs ‘chemins’ vers l’objectif d’une séquence, voire plusieurs niveaux dans les objectifs. L’auto-évaluation est pour moi très importante, c’est la première étape vers l’autonomie. J’ai été très marqué par la lecture des travaux de Michel Vauquois et de son équipe sur les points LOMER (http://michel.vauquois.free.fr/indexPL.html), et je retrouve un peu cet esprit dans les objectifs et la démarche du CECRL. L’important est de valoriser ce qui a été acquis par chacun des élèves, et de leur donner les moyens d’être conscients de ce qu’ils sont capables de faire.
Ces méthodes impliquent que tu utilises des Tice, peux tu nous donner des exemples d’utilisation
J’utilise beaucoup l’image et le son numériques. J’ai un PC dans ma salle de classe et une quinzaine de baladeurs mp3. Ca me permet d’utiliser comme supports énormément de documents authentiques récupérés à droite et à gauche. Les baladeurs permettent de mettre en place des ateliers d’entraînement à la compréhension et à l’expression où les élèves sont très autonomes et beaucoup moins passifs que pendant des activités collectives. Les élèves prennent vite l’habitude de s’enregistrer, parfois de se filmer, ça leur permet de se réécouter pour s’autoévaluer et s’améliorer, et ça maintient l’obligation de résultat sans la pression d’une prestation effectuée devant le prof et toute la classe pour une évaluation en temps réel par exemple.
Participes tu à des projets pluridisciplinaires ?
Non, mais je le ferai dès qu’un collègue technique voudra essayer d’animer un cours en anglais ! Par contre je fais beaucoup de transdisciplinarité, comme je suis assez libre quant aux contenus que nous utilisons en classe, j’essaie d’utiliser dans mes cours des thèmes abordés dans d’autres disciplines, manière de passer une deuxième couche, d’apporter un éclairage différent, etc.
Est ce que tu participes à d’autres missions que l’enseignement dans ton établissement : coopération internationale par exemple.
Cette année, nous emmenons une classe de Bac Pro Horti en Hollande, et j’essaie d’aider des élèves à partir en stage en Angleterre et en Ecosse. Mais d’autres collègues au lycée sont beaucoup plus impliquées dans des projets de coopération internationale : nous avons une section européenne espagnol en bac pro, nous participons à un projet Comenius autour de l’eau, il y a un partenariat avec une association au Maroc.
Entretien réalisé par Monique Royer