Par Françoise Solliec
C’est dans le cadre d’une collaboration très partenariale entre services régionaux, services académiques et Onisep Ile-de-France que sont interprétés les résultats de l’enquête IVA portant sur l’insertion professionnelle des élèves des lycées franciliens, sept mois après leur sortie du système scolaire. L’enjeu est en effet d’importance, que ce soit pour réfléchir aux évolutions nécessaires du schéma des formations (ouvertures et fermetures notamment) ou pour assurer une meilleure prise en compte de ces données par tous les acteurs concernés, en particulier les professeurs principaux de troisième et de lycée.
Les premiers résultats d’IVA 2006
« Sept mois après leur sortie de lycée, la moitié des jeunes franciliens ont trouvé un emploi (aidé ou non), et un peu plus d’un tiers déclarent rechercher un emploi. Plus le niveau de formation s’élève, plus l’insertion s’améliore, les chances d’être embauché étant encore plus grandes lorsque la qualification est attestée par un diplôme. Selon la spécialité de formation aussi, les conditions d’accès à l’emploi présentent de fortes disparités » est-il dit dans l’introduction de la synthèse présentant les premiers résultats d’IVA 2006.
« Ce sont les sortants sans qualification (1ères années de CAP ou de BEP) qui connaissent la situation la plus difficile sur le marché de l’emploi : 20 % seulement sont en emploi, d’où l’importance de réduire encore le décrochage scolaire ».
« Parmi les filières relevant des services, cinq spécialités ont un taux d’accès à l’emploi très supérieur à la moyenne : « la santé » (63 % de jeunes en emploi), « l’accueil, l’hôtellerie et le tourisme » (64 %), le « travail social » (66 %), « l’informatique et le traitement de l’information » (72 %) et surtout « les finances, la banque et les assurances » (79 %).La situation avantageuse des filières « finances, banque, assurances », « informatique et traitement de l’information » et « santé » s’explique, pour une large mesure, par le fait qu’elles sont constituées presque exclusivement de formations de niveau IV ou III (bac ou licence), permettant un accès à l’emploi bien plus facile.
Malgré des sortants de moindre niveau de formation, les spécialités « accueil, hôtellerie, tourisme » et « travail social » se situent en bonne position : les taux d’emploi figurent parmi les meilleurs à chaque niveau de formation.
En moyenne, à l’issue d’une formation en « secrétariat, bureautique » un jeune sur deux a été embauché sept mois après sa sortie de lycée et près de quatre sur dix recherchent un emploi. Ce sont essentiellement les jeunes de niveau CAP ou BEP qui rencontrent des difficultés d’embauche : parmi eux, 30 % seulement ont pu signer un contrat de travail (aidé ou non). En revanche, lorsque la sortie s’effectue au niveau BTS, les conditions d’insertion rejoignent celles des autres spécialités. Ces mêmes tendances sont constatées à l’issue de la filière « comptabilité, gestion ».
À l’issue de la spécialité « nettoyage, assainissement », la moitié des sortants sont au chômage, un peu moins d’un tiers occupent un emploi. Les difficultés d’insertion à l’issue de cette filière sont à rapprocher du poids très élevé de sortants de niveau CAP ou BEP (71 %) conjugué à un faible taux d’emploi à ce niveau. Dans une moindre mesure, le taux d’emploi des jeunes issus de la filière « spécialités plurivalentes sanitaires et sociales » est également tiré vers le bas par le poids élevé des sortants de niveaux CAP ou BEP (77 %, principalement formés au BEP « carrières sanitaires et sociales »).
Enfin, bien qu’elle présente la proportion la plus importante de sortants de niveau V (91 % n’ont pas dépassé les niveaux CAP ou BEP), la filière « coiffure ou esthétique » se positionne globalement assez bien sur le marché du travail.
Dans la production, deux spécialités apparaissent comme particulièrement performantes sur le marché de l’emploi : les « technologies de commande des transformations industrielles » ainsi que les « mines, carrières et génie civil » à l’issue desquelles environ 70 % des jeunes sont embauchés au 1er février et moins d’un quart sont au chômage. À ces deux filières, où dominent les niveaux baccalauréat et BTS, il faudrait ajouter le « bâtiment : construction et couverture » dominé par le niveau V mais dont plus de 50 % des sortants sont en emploi au 1er février.
À l’inverse, les jeunes formés aux « finitions » dans le bâtiment, aux « structures métalliques » et à l’« habillement » rencontrent les difficultés les plus importantes sur le marché du travail. Globalement, moins de quatre jeunes sur dix ont accédé à un emploi au 1er février et environ la moitié est au chômage. Dotés d’un niveau de formation plus faible que les autres, les sortants de ces filières s’insèrent également plus difficilement au niveau CAP ou BEP ».
Une aide à la décision pour l’évolution des formations
D’après des informations recueillies auprès de Michel Pinson, DAFPIC, rectorat de Versailles
Le schéma régional des formations voté le 27 juin dernier par le conseil régional d’Ile-de-France couvre la formation professionnelle, la formation initiale en collège et lycée et l’enseignement supérieur.
Pour la mise en actions de plusieurs des axes stratégiques, notamment « élever le niveau de formation et améliorer la qualification pour favoriser l’insertion professionnelle durable », les résultats des enquêtes IVA, Insertion dans la vie active, et IPA, Insertion professionnelle des apprentis, représentent un outil important d’aide à la décision. En effet, les tendances qui se dessinent sur plusieurs années au travers de ces enquêtes, corroborées par les études régionales sur l’emploi et son évolution (voir par exemple l’étude menée par l’académie de Versailles dans le secteur électricité électronique maintenance) permettent d’avoir une assez bonne idée des formations à privilégier ou de celles à réduire, voire faire disparaître. Ce n’est donc pas un mince enjeu pour les rectorats.
Il ne faudrait cependant surtout pas imaginer que les décisions de ce type sont prises sur des tendances conjoncturelles. Elles reposent toujours sur des complémentarités entre les enquêtes IVA ou IPA et des études prospectives, partagées par l’ensemble des décideurs académiques et régionaux.
Ainsi l’absence d’emploi au niveau V (BEP-CAP) dans certaines filières pousse à développer les Bacs Pro 3ans, qui ont en fait déjà été expérimentés dans nombre de secteurs (secrétariat, vente, comptabilité, commerce, électronique et maintenance) pour des métiers où le besoin d’autonomie et de capacités relationnelles est fort. La bonne corrélation entre les résultats d’IVA et les études d’emploi ont déjà amené la région et les académies à modifier l’offre de formation, par exemple en comptabilité où il est apparu nécessaire de maîtriser les flux et d’amener les sorties au moins au niveau IV. Une politique qui a porté ses fruits puisque les statistiques d’insertion se sont améliorées dans ce domaine. Un autre exemple est donné avec le resserrement des formations de niveau V en ce qui concerne les métiers de la mode parmi lesquelles il ne subsiste plus désormais que quelques formations très pointues à Paris. De manière générale, le niveau V constitue une grande préoccupation, car il faut que les compétences des élèves sortants soient directement utilisables.
Concrètement, les ajustements des capacités d’accueil se font annuellement, filière par filière, en réponse à un appel à projets lancé en mai par la région. Le travail, préparé en amont depuis plusieurs mois, s’effectue à l’automne, dans des groupes institués par les recteurs où se retrouvent personnels du rectorat et des inspections académiques, chefs d’établissement et corps d’inspection concernés. IVA constitue pour tous ces acteurs un outil très pertinent pour les formations de niveau IV et V, moins pour le niveau III où il est nécessaire de recouper avec les enquêtes Céreq. Le nouveau schéma des formations impose une équité d’accessibilité et il faudra désormais tenir compte également des transports disponibles pour définir le nombre de jeunes à accueillir.
Le schéma des priorités d’ouvertures et de fermetures, qui figure au Schéma prévisionnel des formations en collèges et lycées 2007-2013, est accessible sur le site dédié à ce schéma.
Elaborer une présentation accessible des données et les faire connaître au plus grand nombre
Informations recueillies auprès de Christophe Chapot, Oref Ile-de-France et Philippe Castellet, CSAIO, rectorat de Versailles
L’Oref Ile-de-France a été mis en place en 2005, partie intégrante du GIP CARIF, pour être un outil d’aide à la décision et de présentation globale des données en matière de formation et d’emploi auprès des services de l’état et de la région. Ses travaux portent aussi bien sur la formation initiale, en partenariat avec les académies, que la formation continuée, en partenariat avec d’autres organismes comme l’AFPA ou les ASSEDIC. En regard avec le rapport de prospective sur les métiers à l’horizon 2015 effectué par le centre d’action stratégique, CAS, et la DARES du ministère de l’emploi, un travail similaire a été décliné au niveau de l’Ile-de-France pour présenter l’évolution des métiers dans la région et a fait l’objet de la publication Thema n°1.
L’Oref peut aussi intervenir dans des études portant sur des formations spécifiques (par exemple celle sur les formations sanitaires et sociales) et contribue chaque année à la production des documents présentant les résultats d’IVA et d’IPA. Ces derniers sont ensuite présentés par l’Oref et ses partenaires aux directeurs de CIO, aux chefs d’établissement et à quelques-uns de leurs personnels ainsi qu’à des représentants des branches professionnelles dans une réunion annuelle.
Pour que les professeurs principaux puissent s’emparer aisément des conclusions d’IVA, il est nécessaire de les présenter sous forme vulgarisée, mais il n’est pas facile d’allier rigueur scientifique et informations accessibles à des non-spécialistes. Un diaporama est donc en préparation pour donner des repères aux enseignants sur l’insertion professionnelle des jeunes, mais le problème est complexe et on n’a pas toujours de réponses aux questions, surtout si on manque de données fiables. En effet, aujourd’hui, un jeune sur deux ne s’insère pas dans le métier pour lequel il a été formé et il faut croiser effets de spécialité et niveaux de formation. Ce diaporama sera envoyé courant janvier dans les lycées, en accompagnement des 150 000 exemplaires de la plaquette présentant les premiers résultats d’IVA 2006.
A la demande du conseil général de Seine-et-Marne, une semaine, à laquelle l’Oref a participé, a été organisée au 1er trimestre de cette année sur l’orientation et la connaissance des métiers. Malheureusement, la participation des professeurs a été très faible, bien qu’ils aient eu l’autorisation de se rendre aux demi-journées thématiques qui les intéressaient.
Pour tenter de faire de l’orientation active une réalité et pour permettre aux enseignants une meilleure connaissance des filières et métiers, les académies mettent aussi des actions d’animation en place, chacune de leur côté, même si elles utilisent les documents et les données partagés, dans lesquels elles investissent d’ailleurs beaucoup de temps.
Ainsi à Versailles, dans chacun des 24 bassins de formation, 2 journées d’information et d’animation sont offertes aux professeurs principaux des classes de 3ème et de lycée. Des formations de formateurs auront lieu dès février, en amont de la réunion annuelle de présentation IVA-IPA. Elles seront ensuite démultipliées dans les bassins. Une bonne culture de l’orientation et des données régionales de l’insertion professionnelle apparaît en effet comme un élément essentiel pour que l’affectation des élèves dans les différentes filières se fasse dans de bonnes conditions. Mais la situation des établissements et des enseignants à cet égard est très variable. Si certains, trop rares, vont jusqu’à discuter les résultats IVA en conseil d’enseignement, la plupart des chefs d’établissement se contentent de les évoquer à la réunion de prérentrée, laissant ensuite les enseignants s’informer à leur guise. Quant aux directeurs de CIO et aux COP, ils sont à peu près tous persuadés qu’il s’agit là d’un outil intéressant, propre à nourrir le dialogue avec les parents.