Rencontre avec Nicole Berreby
Par Julie ANNE
Après avoir passé quelques temps du collège à la formation professionnelle, Nicole Berreby est aujourd’hui enseignante documentaliste au lycée et formatrice à l’Iufm d’Aix-Marseille au sein du réseau académique du CLEMI (Centre de Liaison et d’Education aux Moyens d’Information). Ce cheminement n’explique qu’en partie en quoi elle est une référence en matière de stages et de réflexion sur l’introduction des médias dans nos pratiques professionnelles et notamment de la télévision : de » l’écriture télévisuelle » comme elle-même aime à qualifier ce genre. Elle évoque son parcours atypique.
Nicole BERREBY, une documentaliste « engagée » dans les médias
» A la fois enseignante documentaliste aujourd’hui au lycée après un parcours qui l’a menée du collège à la formation professionnelle et formatrice à l’Iufm d’Aix-Marseille au sein du réseau académique du CLEMI (Centre de Liaison et d’Education aux Moyens d’Information), Nicole BERREBY a eu un parcours atypique, qui n’explique qu’en partie en quoi elle est une référence en matière de stages et de réflexion sur l’introduction des médias dans nos pratiques professionnelles et plus particulièrement de la télévision : de » l’écriture télévisuelle » comme elle-même aime à qualifier ce genre.
Son profil pédagogique, contre toute idée de la Doc’ » prestataire de services « , s’explique d’abord par son long passé d’enseignante de langues (anglais en France, FLE à l’étranger). Elle y a gagné le goût d’animer de diverses façons ses cours et ses interventions, d’aller vers les gens et les lieux : ses pratiques » hors normes » lui ont davantage fait rejeter l’étroitesse du cadre classique des programmes imposés, pour aller vers le CDI, qu’elle se plaît à décrire avant tout comme un espace de liberté » ouvert » sur la culture, les apprentissages, les diverses formes de formation à la lecture et à l’écriture, l’information, le monde…
Elle y découvre toute la latitude et les possibilités offertes par le lieu et le rôle de documentaliste : elle le devient finalement en 1986.
Les médias : un support complet d’apprentissages
Les médias ? Elle les travaillait déjà en tant que professeur d’anglais : les documents iconographiques sont supports de choix pour travailler tant l’actualité que l’histoire et la civilisation. Elle continue et amplifie le mouvement en devenant documentaliste. Elle animera ainsi une semaine de la presse – qui se sera finalement étalée sur une quinzaine de jours-, dont le CDI fut centre névralgique, en entraînant dans son sillage quinze de ses collègues de langues (autant de fenêtres ouvertes sur la presse étrangère) comme de SES (réalisation par les élèves d’une enquête sur les pratiques de lecture de la presse des jeunes lycéens), en faisant rencontrer aux élèves des journalistes et en lançant tout un planning de projection de films autour des médias. Elle fut à cette occasion repérée par la coordinatrice du CLEMI académique en 1995 pour assurer des actions de formations au sein de la MAFPEN.
Sa pratique, rappelle-t-elle, permet de décliner tous les axes de mission du documentaliste : maîtrise de l’information (au sens large), analyse de différents types d’écrits, de l’image, promotion de la lecture, ouverture sur le monde et travail et formation à l’esprit critique.
Elle est devenue ainsi une spécialiste du décryptage télévisuel, en tentant toujours -postulat primordial pour elle!-de partir du vécu familier du public : les élèves. Si le JT reste matière classique, le documentaire ou encore le traitement des images de violence ont suscité également son intérêt et l’ont amené à réfléchir à l’élaboration d’outils d’analyse et à proposer des réponses pédagogiques tant à destination de nous mêmes pédagogues qu’en direction des élèves.
Plus récemment, c’est le phénomène » Téléréalité » qui a retenu toute son attention : genre télévisuel très (trop?) fréquenté par nos élèves, qui infiltre et contamine d’autres genres télévisuels dits plus » nobles » (scénarisation des reportages, des docu-fictions et des documentaires). Mais, outre cette modification dans la manière d’informer et de traiter des sujets même les plus graves, le véritable » danger « , souligne-t-elle, réside dans la force de ce type d’émission à faire croire aux jeunes que la télévision (et la notoriété de paillettes qu’elle peut apporter) peut être une issue possible à l’échec scolaire, voire un plan de vie.
Nos élèves sont souvent bien plus lucides qu’on ne le pense…
Attention toutefois à ne pas mépriser ce qui fascine tant nos élèves ! Il faut toujours partir de ce qui leur est familier, ne cesse t’elle de rappeler en formation, pour les amener à travailler, expliciter et décoder ce qu’ils fréquentent au quotidien, ce qui suscite leur intérêt et capte leur attention afin de les amener progressivement à avoir une distance par rapport à ce vécu, Cette même approche pédagogique, selon elle, peut se décliner à l’infini et s’adapter à différents supports et selon différents angles : partir de » Closer » pour traiter tout ce qui relève des stratégies de diffusion et de production, du public cible » (à qui s’adresse la revue, comment, etc..) peut s’avérer parfois plus pertinent que de partir du quotidien » Le Monde » avec certains élèves…
Les amener également à mettre eux-mêmes le doigt sur les processus d’identification utilisés, tout comme toutes les stratégies (production, diffusion et marchande) englobant ce type de programme, offre souvent des surprises, selon elle : nos élèves sont souvent bien plus lucides qu’on ne le pense…
Travail sur l’aspect marketing, mais aussi sur l’aspect » voyeuriste » d’une pseudo-transparence, vérité offerte par ce type de programmes ou de publications : voilà autant d’axes à parcourir pour exercer l’esprit critique de nos élèves !
Si elle rappelle la nécessité de toujours positiver le travail effectué – sans sombrer dans la démagogie, souligne-t-elle, mais en trouvant des dispositifs adéquats – elle revient néanmoins sur les divers freins et contraintes que nous pouvons rencontrer, mais qui sont surmontables : contraintes liées aux programmes des disciplines (..mais il faut prendre le temps d’en prendre au préalable connaissance en détails pour avoir réponse aux » pas le temps ! » si fréquemment entendus…), mais aussi liées à l’autocensure que » s’inflige » les enseignants face à un travail pouvant être perçu comme déstabilisant (il n’est pas facile de travailler sur l’actualité à chaud !) ou délicat (…rappeler qu’on traite DU politique et non pas de LA politique !).
Le rôle essentiel du documentaliste, selon elle ? Savoir créer et « être » le médiateur, entre les disciplines et les apprentissages transversaux, les enseignants et les élèves. Mais surtout être l’initiateur, la « force de proposition » de projets ou d’actions pédagogiques auprès d’une équipe, savoir communiquer son envie et son enthousiasme… pour ne pas seulement entrer dans les projets des collègues, mais les susciter !