Par François Jarraud
« La politique d’éducation prioritaire s’est peu à peu éloignée du discours d’intention et des objectifs initiaux : la carte est devenue inflationniste et très hétérogène au point de ne plus être considérée comme juste et efficace par les acteurs locaux ; les moyens, importants, n’ont plus, dès lors, été concentrés sur des territoires restreints, mais ont été dispersés sur 15 à 20 % des établissements scolaires, et ont servi plus à afficher des mesures gestionnaires quantitatives (taux d’encadrement et mesures indemnitaires) qu’à résoudre des difficultés repérées. Plus fondamentalement, comme bien souvent en France pour d’autres politiques publiques, le contenu de la politique d’éducation prioritaire a privilégié fortement l’organisation et les personnels et non la mission de service public ». Commandé par le ministre, le rapport de l’Inspection générale (Anna Armand et Béatrice Gille) sur les ZEP montre une politique en échec.
Car, selon lui, les Zep représentent un effort d’un milliard d’euros soit près de 10 000 emplois d’enseignants. » Tous, chercheurs, autorités ministérielles, s’accordent à dire que « ni son efficacité globale, ni sa capacité à corriger l’inégalité des chances n’ont été clairement établies »: la politique d’éducation prioritaire a produit peu d’effets tangibles sur les écarts constatés entre les résultats scolaires des élèves en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire,… elle a néanmoins réussi à maintenir les mêmes écarts de résultats, tout en diminuant la proportion des élèves en retard, alors que, dit-on, la situation sociale s’aggravait ; elle a contribué dans bien des cas à améliorer l’ambiance scolaire et la vie scolaire des établissements les plus difficiles ; il y a, à publics apparemment à peu près équivalents, des zones ou réseaux qui réussissent quand d’autres échouent, ce qui signifie qu’il n’y a pas de déterminisme total de l’échec, mais les écarts de performance, s’ils sont constatés, ne sont pas assez souvent analysés, et compris ». Au total, « les moyens supplémentaires importants – environ un milliard d’euros attribués à l’éducation prioritaire – n’ont pas réussi à augmenter sensiblement les performances des élèves ». Ce qui justifie, pour l’Inspection, une critique de la pertinence des mesures prises jusqu’ici.
Le rapport consacre un important chapitre à l’analyse de la pédagogie en éducation prioritaire. Il s’appuie sur une sélection de rapports d’inspection, ce qui n’est peut-être pas une méthode réellement objective. Mais incontestablement cette approche signe la particularité et l’intérêt de ce rapport. Pour l’inspection, la pédagogie en zep a du mal à trouver un équilibre « entre exigences et adaptation aux publics ». Les inspecteurs trouvent que dans les classes les « repères pédagogiques et didactiques se sont estompés ». Au risque d’être accusés d’une certaine cruauté pour les enseignants qui travaillent en zep, ils évoquent la pauvreté du langage des élèves, la densité insuffisante du travail écrit, une « dérive activiste » qui freine la structuration des acquis. Il est vrai qu’ils relèvent des résultats très hétérogènes d’un établissement à l’autre.
Reconnaissons aux inspecteurs qu’ils proposent des aides pédagogiques mais à moyens constants. » De manière générale, les ZEP ne manquent pas de moyens et l’amélioration de l’efficacité pédagogique ne peut être attendue d’une augmentation des ressources allouées. Il faut exploiter les marges de progrès qui sont bien réelles et pour cela, d’abord, parvenir à améliorer, voire à transformer, certaines pratiques pédagogiques. À cette fin, il semble nécessaire de travailler dans trois registres : faire évoluer de manière significative des conceptions fortement ancrées chez les inspecteurs, les conseillers pédagogiques et les enseignants, doter encadrement et enseignants d’une culture didactique plus solide, aider les équipes pédagogiques jusque dans des aménagements pratiques de leur travail (organisation du temps de l’apprentissage, choix d’outils, mise en place de dispositifs de différenciation, travail collectif). Il faut aussi accorder plus d’attention à la situation des directeurs d’école (recrutement et formation) et favoriser un investissement plus soutenu des inspecteurs et des équipes de circonscription dans les écoles en ZEP, pour que l’aide nécessaire aux équipes pédagogiques soit apportée en temps opportun ». Pour l’Inspection, il faut que les enseignants enseignent davantage. Pour cela 8 propositions concernant la classe : faire évoluer la conduite de cours, mettre l’accent sur la lecture et le langage, renforcer la cohérence pour tout ce qui concerne la vie scolaire, faciliter les liens entre disciplines, mieux communiquer avec les parents.
Sur le terrain institutionnel, l’Inspection varie les approches selon les zones. En EP1, elle croit diluer les difficultés en fermant certains établissements et en élargissant la carte scolaire pour les familles des zones prioritaires. « La faculté de décision des familles quant à la scolarisation de leurs enfants est beaucoup moins importante dans les zones d’EP1. En effet, la mobilité des familles est réduite, la dépendance vis-à-vis du système scolaire y est très forte, et le sentiment de résignation devant les contraintes est prégnant. Développer la capacité et la volonté de faire des choix dans l’éducation des enfants relevant de l’EP1 ne pourrait qu’être bénéfique à tous. Dès lors plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre : désectoriser l’affectation des élèves du primaire et des collèges ; développer les offres alternatives publiques ; privilégier pour l’attribution ou l’extension de contrats à l’enseignement privé, les demandes correspondant à des implantations dans les territoires de l’EP1 ». Du coup, les EP2 et EP3 deviendraient des établissements « à fort taux de publics dits prioritaires nécessitant des moyens supérieurs mais non spécifiques ». On arriverait ainsi à une extinction douce des Zep…
Et on se retrouve devant de simples difficultés pédagogiques pour lesquelles l’Inspection est bien armée. L’inspection préconise d’abord l’autonomie des établissements zep avec en EP1 des moyens accordés sur contrat « dans le cadre de l’objectif cible d’acquisition du socle » en laissant « aux acteurs locaux la liberté de choisir l’organisation pédagogique et institutionnelle qui convienne : marges d’autonomie sur les horaires, les disciplines, les programmes, les groupes classe, éventuellement expérimentation des établissements publics du premier degré ». Autonomie et pilotage par les résultats seraient accompagnés de la renégociation des régimes indemnitaires des enseignants.
Finalement, en fermant le rapport, on est frappé par les influences anglo-saxonnes dans ce rapport : fermeture des établissements les plus difficiles, pilotage par les résultats : cela n’a pas toujours apporté des résultats positifs ailleurs. On se retrouve à nouveau devant les injonctions d’économie. Arriveront-elles à faire surnager la réflexion pédagogique présente également dans ce rapport ? S’agit-il de régler le budget des zep ou de définir une politique d’enseignement prioritaire ?
http://media.education.gouv.fr/file/35/7/3357.pdf
Les réseaux Ambition réussite
» L’égalité des chances est une exigence républicaine qui appelle le consensus et l’engagement de chacun d’entre nous… Priorité du Gouvernement, elle est au coeur de l’ambition de l’Éducation nationale : faire réussir tous les élèves… Je n’insisterai pas sur les nouveaux moyens que j’ai mobilisés. Je veux surtout insister sur la nouvelle logique qui préside à leur utilisation. Elle se résume en quatre mots-clés : ciblage, responsabilisation, innovation, et ambition ». Le ministre de l’éducation nationale réunissait mardi 16 janvier des chefs d’établissement des 249 réseaux Ambition réussite (les écoles et collèges les plus en difficulté dans les Zep) pour faire le bilan d’une année de son « plan de relance de l’éducation prioritaire ».
« Aujourd’hui, toutes les décisions que j’ai annoncées ont été mises en oeuvre, en particulier la mise à disposition de 1 000 enseignants supplémentaires. Ces moyens seront naturellement confirmés pour la prochaine rentrée scolaire… plus de 75 % des enseignants correspondent au profil défini par les comités exécutifs. Ce sont des enseignants expérimentés, dont la moyenne d’âge est de 37 ans … Les assistants pédagogiques sont progressivement recrutés… Vous le voyez, grâce à votre mobilisation, cette première année a été un succès, et nous avons très largement tenu les objectifs que nous avions annoncés ».
Le propos démentait lui-même l’affirmation. Le ministre reconnaît qu’un « professeur expérimenté » sur quatre est en fait un débutant et que plus d’un an après son lancement il n’a toujours pas recruté les assistants pédagogiques promis.
Mais peut-être avait-il quelque chose de nouveau à offrir à cette « priorité gouvernementale » ? Pour les équipes éducatives, Gilles de Robien a promis une prime annuelle de 1 000 euros aux principaux et adjoints des collèges Ambition réussite, l’ouverture d’un site spécialisé, une clé USB pour les enseignants du secteur et quelques parrainages prestigieux. Il envisage d’ouvrir en 2007 une quarantaine de lycées Ambition réussite et d’offrir à ces lycéens un soutien scolaire gratuit. Rien n’a filtré sur le sort des établissements prioritaires EP2 et EP3.
http://www.educationprioritaire.education.fr/
La Journée du 30 mai 2006
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/index310506.aspx
Le plan Ambition réussite
http://cafepedagogique.studio-thil.com/expresso/index070406.php
Un arrêté pour les professeurs « référents »
» L’enseignant référent est, au sein de l’éducation nationale, l’acteur central des actions conduites en direction des élèves handicapés. Il est l’interlocuteur privilégié des parents ». Un arrêté publié au Journal officiel du 20 août définit le rôle et le secteur d’intervention du professeur référent, cheville ouvrière de l’intégration des enfants handicapés dans les écoles.
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0601976A
Lectures d’été : Que faire au collège face aux élèves en grande difficulté ?
« Les élèves en grande difficulté, lorsqu’ils entrent au collège, ont souvent été déjà accompagnés au mieux à l’école primaire. Mais les enjeux de notre société de la connaissance sont tels que les élèves en difficultés se sentiront parfois abandonnés au cours des différents cycles du collège… Les exemples que vous lirez se veulent non exhaustifs et modestes, mais ils me conduisent à valider cette démarche collégiale et expérimentale au regard d’une méthode commune qui engage des résultats observables ». Ouvrant cette brochure d’une cinquantaine de pages, la rectrice d’Amiens souligne la dimension collective du travail de ces enseignants.
Comment aider les élèves en grande difficulté au collège ? Tous les exemples recueillis dans l’ouvrage montrent que la réussite est toujours celle d’équipes d’enseignants. Ces équipes posent quelques postulats : faire le lien avec l’école élémentaire, au moins pour le repérage, et mettre en place des outils de communication entre élève, enseignants et familles. Cela peut prendre la forme d’un cahier qui n’est pas un simple cahier de correspondance mais un outil d’expression pour l’élève. « L’élève peut écrire ce qu’il pense, ressent , ses difficultés, ses envies, ses réussites, ses plaisirs ».
Il y a aussi souvent des ajustements horaires : temps imparti à la méthodologie, études encadrées par des surveillants formés, horaires renforcés dans certaines disciplines.
Mais il y a aussi tout ce qui ne relève pas des moyens : des enseignants qui se parlent et communiquent, des profs qui écoutent voire qui réfléchissent à ce que veut dire écouter ( » Ecouter c’est permettre à celui qui parle d’entendre ce qu’il dit »).
Des expériences originales décrites dans cette brochure se distingue aussi un stage de préparation au brevet effectué en 3ème qui alterne mise en confiance, révisions et relaxation.
http://www.ac-amiens.fr/academie/actualite/pub/eleves.en.grande.difficulte.pdf
Le B.O. publie le cahier des charges des lycées Ambition réussite
Les lycées Ambition réussite participent du plan pour l’enseignement prioritaire développé par Robien. On estime qu’il pourrait concerner 49 établissements. C’est dire sa modestie.
Selon ce plan, les élèves bénéficieront » d’un accompagnement et d’aides ciblées dont les modalités seront inscrites dans le projet de l’établissement : des dispositifs de soutien méthodologique et/ou disciplinaire ; tutorat ; études surveillées ou accompagnées ; colles… ; un accompagnement à l’orientation favorisant l’individualisation des parcours ; un suivi régulier grâce aux TICE et aux espaces numériques de travail (ENT) ; un complément culturel dispensé dans le cadre d’un partenariat ». Ces outils seront développés dans le cadre de partenariats avec les collectivités locales, des fédérations d’entreprises ou des associations. La circulaire ne précise pas les moyens supplémentaires accordés par l’Etat…
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/14/MENE0700833N.htm