Par François Jarraud
Education civique, éducation à la citoyenneté, éducation démocratique ?
L’éducation à la citoyenneté écartelée par les défis des sociétés modernes
« La formation du citoyen est de plus en plus intégrée dans les missions de l’École. Mais de quelle citoyenneté s’agit-il ? Quelle pertinence garde le concept de citoyenneté dans des sociétés modernes généralement analysées en termes de changement et de mondialisation, dans un contexte de remise en cause du modèle historique de l’Etat-nation et des formes de citoyenneté qui lui étaient associées ? » En ouvrant ce numéro 44 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres, Maroussia Raveaud pose une des contradictions qui posent problème à cet enseignement particulier qu’est l’éducation civique.
Ces contradictions sont magnifiquement mises en scène par les analyses qui composent le dossier, qui alternent points de vue nationaux et points de vue d’acteurs. En effet que pensent les élèves de l’éducation civique ? Stephen Gorard montre que les élèves ressentent un fort sentiment d’injustice à l’école ce qui l’amène à poser une question. « Comment un programme d’apprentissage de la citoyenneté comprenant les notions de justice et de démocratie pourrait-il efficacement être mis en place si les élèves eux-mêmes ne sont pas majoritairement convaincus que leurs professeurs sont généralement capables d’adopter untel comportement ? ». A l’autre bout, Géraldine Bozec et Sophie Duchesne mettent en évidence les contradictions des attitudes des enseignants. Ils mettent peu en avant la France plurielle et le multiculturalisme mais en même temps évoquent peu l’identité nationale.
Plusieurs exemples nationaux montrent comment l’éducation civique vient échouer sur les exigences sociales. Ainsi en Espagne l’instauration d’une éducation civique obligatoire de 10 à 16 ans se heurte à l’Église. « Paradoxalement, écrivent R. Jimenez Vicioso et J.C. Gonzalez. Faraco, bien des raisons qui justifient une bonne éducation à la citoyenneté sont vécues dans les écoles comme des obstacles à son développement ». Certains drames survenus en classe ont augmenté les exigences en terme d’éducation civique. Mais les réponses apportées sont avant tout policières et en contradiction avec les valeurs défendues.
Ce numéro, qui comprend d’autres analyses nationales, ne révèle pas que des contradictions. Il souligne aussi les liens entre les attentes politiques et sociales et cet enseignement particulier. Des attentes qui peuvent heurter les valeurs de l’École. Ce numéro est donc vivement recommandé non seulement à tous ceux qui enseignent l’éducation civique mais aussi à tous les acteurs de l’École.
http://www.ciep.fr/ries/ries44.htm
Doit-on enseigner les questions sensibles ?
C’est la question que se pose aujourd’hui le gouvernement britannique. Les « questions sensibles » sont celles qui touchent directement les plaies sociales. Et poser la question de leur enseignement renvoie évidemment à la fois à une conception de l’école, de son ouverture et à une opinion sur la société et son ordre.
Enseigner la Britishness. Commandé par le gouvernement de Tony Blair, le rapport de Sir Keith Ajegbo recommande de les aborder en classe. »C’est le devoir de l’école d’aborder les questions du « vivre ensemble » et de la différence, même si c’est un sujet de controverse… Où les élèves pourraient-ils aborder ces questions si ce n’est à l’école ? »
Dans son rapport il préconise de traiter en classe des questions comme l’immigration, l’Europe ou le passé colonial, afin d’apprendre aux jeunes à vivre ensemble. L’objectif final est de tisser le sentiment national, de faire l’apprentissage explicite de la »britannitude » (Britishness). « Plus peut être fait pour renforcer le programme de telle sorte que les élèves apprennent de façon plus explicite pourquoi les valeurs britanniques de tolérance et respect dominent dans la société et comment nos identités nationale, régionale, religieuse et ethniques se sont développées. »
En 2005, un rapport officiel avait montré de sérieuses lacunes en instruction civique chez les jeunes Anglais. Un quart des 14-16 ans ignorait quel parti était au pouvoir. Seulement 2% s’identifiaient comme européens. Aussi le rapport a été bien accueilli par le ministre de l’éducation qui a estimé que « les valeurs que nos enfants apprennent à l’école définiront le genre de pays que sera la Grande Bretagne demain ».
Les syndicats n’y sont pas opposés mais restent sceptiques. Pour la National Union of Teachers, le gouvernement devrait d’abord renforcer les moyens destinés aux enfants des familles défavorisées, c’est-à-dire aux minorités ethniques et aux enfants de la « White Working Class ».
La question se pose évidemment également en France mais dans un contexte différent. L’éducation civique est plus solidement installée qu’en Angleterre (c’est une des disciplines les plus anciennes). Avec l’histoire, elle couvre la totalité de l’enseignement obligatoire (et même au-delà). Son importance est rappelée dans le socle commun.
Et en France ? Pour autant, en décembre 2005, un séminaire européen a rendu publiques les difficultés rencontrées par les professeurs pour enseigner certains sujets. Ainsi une enquête de l’Aphg trace une géographie du phénomène : les régions de l’est, et particulièrement Aix-Marseille et Strasbourg, sont plus sujettes à des incidents que l’ouest. Cinq thèmes semblent poser problème : le fait religieux, confondu avec le catéchisme, la deuxième guerre mondiale, qui provoque des réactions antisémites, le Proche Orient, pour la même raison, les États-Unis, qui réveille un antiaméricanisme galopant, et la colonisation. Pour l’Aphg, « les professeurs ne doivent pas céder » et doivent maintenir le programme d’histoire. Ils doivent lutter contre l’ignorance, éveiller l’esprit critique et ne pas hésiter à faire appel à des témoins.
Ces recommandations sont sans doute judicieuses. Mais, lors du même colloque, l’historien André Kaspi posait une question plus dérangeante : « peut-on enseigner des sujets difficiles si la société ne guérit pas de ses maux ? » Or, parmi les systèmes éducatifs européens, le système français se caractérise par sa dimension ségrégative.
Le fait a été évoqué par Georges Felouzis dans une étude célèbre sur les collèges du sud-ouest. Plus récemment, l’Ocde a calculé que « plus de 40 pour cent des élèves allochtones en Belgique, en France, en Norvège et en Suède… affichent des performances inférieures à celles attendues au niveau 2 ». Ainsi, alors que le score moyen en maths des Français autochtones est de 520, celui des immigrés de première génération est de 448 et celui des immigrés de seconde génération est de 472. Seuls la Belgique, la Suisse et la Suède affichent un écart encore plus fort que la France. Et l’Ocde de conclure : « De fait, dans bien des pays, les enfants issus de familles immigrées sont désavantagés dès le départ. Ils sont en général affectés à des établissements scolaires moins performants qui ont souvent pour caractéristique d’accueillir des enfants issus des milieux défavorisés et où, dans certains pays, les conditions de vie en classe sont conflictuelles. Dans tous les pays examinés sauf quatre, au moins 25 % des enfants issus de la deuxième génération d’immigrés fréquentent des établissements scolaires où les populations immigrées représentent plus de 50 % des effectifs. En comparaison, moins de 5 % des enfants autochtones se trouvent dans cette situation dans tous les pays sauf deux ».
La question de l’enseignement des questions difficiles dépasse largement celle de sa pédagogie. Le fait que le gouvernement britannique n’ait pas d’hésitation est bon signe. En France, la baisse de régime de l’enseignement prioritaire devrait rendre cet enseignement toujours plus ardu.
http://news.bbc.co.uk/1/hi/education/6294643.stm
http://www4.ac-lille.fr/~heg/article.php?id_article=180
http://www.tousdifferentstousegaux.fr/
L’École peut-elle fabriquer de bons citoyens ?
L’année électorale s’est ouverte sur ces images des files d’attente, fin décembre, où des jeunes attendaient pour s’inscrire sur les listes électorales. On sait que l’âge est un facteur important pour la participation électorale. Selon une étude CSA de 2002, les 18-24 ans ont le plus fort taux d’abstentionnisme (40%) parmi les électeurs. Plus récemment, un sondage réalisé pour l’association « Graines de citoyens » montre que 79% des jeunes âgés de 18 à 25 ans ont une mauvaise image des hommes et femmes politiques. Une petite majorité des jeunes dit s’intéresser à la politique (57%), mais sans grand enthousiasme : seuls 16% s’y intéressent « tout à fait ».. Tous ces faits intéressent l’École, chargée de transmettre les valeurs démocratiques et de « fabriquer » de « bons » citoyens, c’est-à-dire des citoyens exerçant pleinement leurs devoirs.
C’est d’ailleurs devenu un lieu commun que d’affirmer l’existence d’un lien entre l’éducation et la construction démocratique. Cette opinion n’est d’ailleurs pas pour rien dans les motivations des enseignants et leur foi en leur métier. Ainsi Lipset a montré que les individus éduqués acceptent mieux les valeurs démocratiques. D’autres auteurs (Nie, Corbett, Przeworski) ont pu montrer que les individus ayant un haut niveau éducatif votent plus largement pour les partis démocratiques. L’éducation serait donc un élément déterminant de la construction démocratique et de la stabilité politique. On a pu ainsi mettre en relation le niveau d’instruction et les choix politiques aux élections de 2002. On avait ainsi trois fois moins de chances de voter Le Pen avec un diplôme du supérieur qu’avec un simple bac…
Mais est-ce bien l’École qui explique ce décalage ? Thomas Siedler, professeur à l’université d’Essex, a étudié le rapport entre la prolongation de la scolarité et la construction démocratique en Allemagne.
De 1949 à 1969, la scolarité obligatoire a été prolongée. Et parallèlement la vie démocratique s’est développée dans le pays. Il a pu mettre en évidence le rapport entre le développement de l’École et celui des pratiques démocratiques. Ainsi prolonger l’école d’un an est corrélé avec 4% de plus de chances de s’intéresser à la politique ou 3% de participer à une manifestation politique ou encore cela augmente de 5% la possibilité de signer une pétition.
Pour autant il estime n’avoir aucune preuve que ces corrélations sont réellement en lien avec le développement de l’École. D’autres facteurs lui semblent avoir joués : les expériences vécues sous Hitler et l’importance des liens intergénérationnels par exemple.
Que tirer de ces contradictions ? Calculer la rentabilité même démocratique de l’éducation est chose difficile. La rentabilité diminue sans doute avec l’augmentation du taux de scolarisation : il est peut-être plus difficile de transmettre les valeurs démocratiques aux milieux les plus défavorisés. Mais ces résultats sont à la hauteur de la construction démocratique : un perpétuel défi à relever. Il nous incombe donc de construire la démocratie dans et à l’école.
Réfléchir à ses pratiques
Préparer un voyage à Auschwitz
Depuis plus de 10 ans, le Mémorial de la Shoah organise chaque année des voyages d’étude sur le site d’Auschwitz-Birkenau en Pologne, encadrés par des rescapés et des accompagnateurs-historiens.
Destinés aux élèves de l’enseignement général, professionnel et agricole, ces voyages d’étude s’inscrivent au cœur d’une véritable démarche éducative, souvent pluridisciplinaire, reposant sur une préparation approfondie et personnalisée, sur la mise à disposition d’outils pédagogiques adaptés et exclusifs, sur un encadrement qualifié et un suivi rigoureux après le séjour.
Retenus en fonction de leur motivation, les élèves sont nécessairement engagés dans des projets pédagogiques qui les mobilisent tout au long de l’année scolaire. Avant le voyage d’étude, ces projets conduisent les classes à entamer une recherche documentaire et à renforcer leurs connaissances, une étape fondamentale avant la visite d’Auschwitz. Après le voyage d’étude, les élèves s’attachent avec leurs enseignants à un travail de réflexion et de restitution, tant du point de vue de leurs émotions que des notions acquises.
Les voyages d’étude sont un outil pédagogique au service de l’enseignement de l’histoire de la Shoah, complémentaire des autres actions engagées dans les établissements scolaires. Ils représentent également pour l’ensemble des participants une expérience humaine et intellectuelle exceptionnelle, dont les enjeux dépassent le champ de l’histoire pour atteindre la formation civique et citoyenne.
http://www.memorialdelashoah.org/upload/minisites/voyages/index.htm
L’exposition «Vision lycéenne du camp d’Auschwitz-Birkenau»
Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d’Ile de France, Elisabeth Gourevitch, vice-présidente chargée des lycées et des politiques éducatives, et Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah ont inauguré le 27 janvier la quatrième édition d’une exposition de 24 affiches, entièrement conçues par des lycéens franciliens.
Chacune de ces affiches, dont la réalisation technique est prise en charge par la Mémorial, reflète la vision que dix-huit lycéens d’un établissement donné ont tirée d’une visite du camp d’Auschwitz en novembre dernier.
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/shoah2007.aspx
Les présidentielles : Un Dossier spécial du Café
Doublement difficile d’aborder l’élection présidentielle en classe avec les élèves. Disons d’abord qu’il est presque impossible de ne pas le faire : les élèves participent eux aussi à la mobilisation populaire qui accompagne cette élection.
L’enseignant se heurte à deux difficultés : trouver un angle original pour un travail en classe et disposer des outils d’analyse qui lui permettent de prendre un recul d’autant plus nécessaire que les esprits sont échauffés. C’est pour répondre à ces besoins que le Café pédagogique vous propose ce nouveau Dossier spécial « Présidentielles 2007 ». Vous y trouverez des informations, des documents, y compris en anglais, et aussi des exemples de séquences pédagogiques.
Il n’oublie pas non plus le prof – citoyen. Une partie du dossier est dédiée au débat sur l’Ecole durant la campagne électorale ainsi qu’aux réalisations des candidats en matière éducative. En Poitou-Charentes, la démocratie participative en marche. Dans les Hauts-de-Seine, le pouvoir local s’impose dans les collèges…
Quelle sera la politique éducative de Sarkozy? Le dossier se clôt par une relecture du programme annoncé et sa mise en perspective par P. Meirieu et A. Giordan.
Dossier spécial Présidentielles 2007
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/02052007_Presidentielles2007.aspx
Un important dossier pour le collège
« Pour promouvoir la commune et tenir ses engagements vis-à-vis de son plus important financeur, le conseil municipal s’apprête à décider de remplacer le vieux drapeau qui orne la façade de la mairie par le logo de la société qui distribue l’eau de la commune ». Voilà un thème de débat qui devrait mobiliser des collégiens qui assument différentes fonctions : le préfet, le maire, des débatteurs… Cet exemple est tiré de l’important dossier proposé par l’équipe collège de l’académie d’Amiens.
Intitulé « les questions soulevées par l’enseignement de l’éducation civique au collège », il analyse la place de l’éducation civique dans l’école d’aujourd’hui et ses pesanteurs particulières. Il invite à les soulever en utilisant deux outils : le débat, on l’a vu, et l’étude de cas.
Les auteurs analysent les différentes notions au programme mais montrent comment les aborder dans les différents niveaux du collège. Ils proposent des exemples précis de leçons et d’études de cas : les symboles e la République, la Journée des droits de l’Homme, la sécurité etc.
Ce dossier constitue une heureuse et importante contribution pour rénover cet enseignement trop souvent oublié ou saucissonné et lui redonner l’unité et la durée des valeurs de la République.
http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/histoire_geo_ic/spip.php?rubrique156
A voir également : le guide pratique de l’académie de Caen
Le CRDP de Caen publie une brochure librement téléchargeable : « enseigner l’éducation civique au collège ». Réalisée sous la responsabilité des IPR, elle présente des propositions de mise en oeuvre des programmes. Tous les thèmes sont abordés de la 6ème à la 3ème. Pour chacun, elle propose plusieurs progressions. Elle recense également les dérives à éviter pour chaque sujet. Un guide précieux qui aidera les enseignants dans la mise en oeuvre de cet enseignement.
http://www.discip.ac-caen.fr/histgeo/edcivpro/edciv2002.htm
http://www.discip.ac-caen.fr/histgeo/edcivpro/ed-civ2.htm
Un kit pour l’éducation interculturelle
« Il est facile de dire « je ne suis pas raciste »… Il est difficile de dire « je veux prendre mes responsabilités pour faire en sorte que, à l’avenir, les choses changent ». Selon cet ouvrage du Conseil de l’Europe, la population européenne compterait environ 10% de racistes, 40% de personnes ayant des penchants racistes, autant de tolérantes et 10% de personnes engagées contre le racisme. Clairement, le racisme a progressé et les anti-racistes pourraient se trouver minoritaires.
Le « kit pédagogique » est donc une arme pour mobiliser les anti-racistes et soutenir leur cause. Persuadés que « les jeunes ne peuvent parvenir à comprendre leur position… sans une compréhension des circonstances internationales et nationales qui façonnent leur monde », l’ouvrage commence par une argumentation en faveur de l’éducation interculturelle. La seconde partie est une véritable boîte à outils contenant des méthodes et des activités à exploiter avec les jeunes.
Le kit pédagogique offre une assez grande variété de scénarios ludiques, adaptés à des niveaux différents et qui permettent de travailler les stéréotypes, générer de l’empathie pour les personnes déplacées ou prendre conscience de la discrimination dans la vie quotidienne. Ces exercices peuvent aussi servir à souder le groupe et à le mobiliser pour des actions.
On ne peut que recommander une large diffusion de cet ouvrage.
Tous différents tous égaux. Kit pédagogique. Idées, ressources,méthodes et activités pour l’éducation interculturelle informelle avec des adultes et des jeunes, Conseil de l’Europe, 2005, 224 pages.
Le kit pédagogique (zippé)
http://www.democratie-courage.com/documents/kit.zip
Rappel : un autre outil très performant
http://cafepedagogique.studio-thil.com/disci/ecjs/37.php
Une brochure pour apprendre l’égalité
« Naître fille ou garçon, aujourd’hui comme hier ce n’est pas tout à fait pareil ». Réalisée par la Communauté française de Belgique et signalée par Bulletin de nouvelles de NTIC.org, cette brochure apprend aux collégiens à repérer l’inégalité entre les sexes dans la vie quotidienne. L’école n’est pas mise de coté : les élèves découvrent le rapport entre les représentations et le choix des études par exemple. Un document agréable, adapté, qui propose des activités et des conseils concrets.
http://www.egalite.cfwb.be/upload/album/AP_155.pdf
http://ntic.org/nouveau/nouvelles.html
Lectures d’été
L’état des inégalités en France
« En matière d’éducation, les scolarités ne s’allongent plus depuis 10 ans et l’échec scolaire ne baisse plus. La proportion de bacheliers parmi les fils d’ouvriers s’est certes accrue mais celle des fils de cadres aussi, pour atteindre désormais 90%. A cela s’ajoute le fait que la valeur du baccalauréat a changé depuis 1970. Les inégalités à l’école se sont déplacées vers le haut et les exigences des entreprises ont augmenté… Premières victimes : les enfants issus des milieux populaires. C’est ainsi que les fils d’ouvriers représentent 44% des élèves de l’enseignement « adapté » secondaire et les fils de cadres seulement 1,6% ». Louis Maurin et Patrick Savidan, animateurs de l’Observatoire des inégalités, suivent quotidiennement les travaux sur les inégalités en France.
Avec « L’état des inégalités en France », ils signent un ouvrage de synthèse fort bien documenté. Les enseignants y trouveront de nombreuses statistiques. Elles sont mises en perspective par de nombreux spécialistes (Michel Pinçon, Marie Duru-Bellat, Pierre Volovitch, Laurent Mucchielli etc.). Un ouvrage qui a bien sa place en salle des profs.
Louis Maurin et Patrick Savidan, L’état des inégalités en France, Belin, Paris, 2006, 254 pages.
http://www.inegalites.fr/spip.php?article574
Vous avez dit justice ?
« Que dit la loi sur le cannabis ? J’ai été racketté à l’école, que faire ? Comment porter plainte ? Qui va s’occuper de moi si mes parents se séparent ? Qui paye la pollution ? Peut-on franchir une frontière sans papiers ? Qu’est ce qu’un crime contre l’humanité ? » Ecrit par deux magistrats, très agréablement illustré par Muzo, « Vous avez dit justice » apporte des réponses aux questions que les adolescents peuvent se poser sur leurs droits et la justice.
L’ouvrage très concret s’appuie sur des exemples et fait découvrir la Justice en action. Il présente la chaîne pénale et le fonctionnement d’un tribunal. Il apporte des réponses claires aux questions qui peuvent faire l’objet de débats en classe et particulièrement en ECJS. Au-delà il apporte des informations utiles sur des points qui ne seront jamais abordés en classe. L’humour qui parsème l’ouvrage participe à sa façon à la clarification du droit.
Marie Brossy Patin, Xavier Lameyre, Muzo, Vous avez dit justice? 150 questions/réponses pour comprendre les rouages de la justice, Paris, La Documentation française, 2006, 176 pages.
Commander
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782020849272/index.shtml
Les émeutes de novembre 2005 sous l’analyse
« À partir des entretiens menés aussi bien avec les jeunes qu’avec les professionnels, nous avons pu saisir un contexte marqué par les éléments suivants : une difficulté de la part des parents des jeunes interviewés à exercer leur autorité en dehors du foyer, dans les espaces publics ; un échec de l’orientation et le manque de moyens dont souffrent les écoles fréquentées ; un contentieux qui oppose les jeunes aux forces de l’ordre et qui crée des tensions décrites par les jeunes à partir d’un double registre symbolique, de l’humiliation (qui renvoie à la valeur partagée et intériorisée de la dignité et du respect de la personne) et de l’honneur (qui renvoie en revanche plutôt à la défense de la réputation du groupe d’appartenance, qu’il s’agisse de la famille, du groupe des pairs ou de la cité) ; une forte pression conformiste du groupe des pairs qui s’exerce sur chacun d’entre eux et à laquelle il est difficile de résister ; le racisme et la discrimination dont font l’objet les jeunes vivant à Aulnay, surtout en prévision de leur entrée sur le marché du travail. Le dernier élément remarquable parmi les résultats du tableau des éléments contextuels est l’absence de références à une quelconque identité ethnico-religieuse. La religion est associée, par ces interviewés, à une dimension strictement individuelle et privée. Autrement dit, le rapport que ces jeunes entretiennent à l’égard de deux institutions républicaines, telles l’école et la police, se base sur la critique et le rejet ». Le rapport du Centre d’analyse stratégique , un service du Premier ministre, sur les émeutes de novembre à Aulnay-sous-Bois se base sur des interviews réalisés auprès de jeunes et de responsables.
Il met notamment en évidence le manque de confiance dans l’Ecole. Pour expliquer le retour au calme il cite le renforcement des forces de l’ordre, le rôle des relais sociaux, les effets des actes symboliques d’apaisement la fatigue des émeutiers.
http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/EtudeAulnaysousbois.pdf
http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/EtudeStDenis.pdf
La démocratie dans l’École
« L’école, en effet, n’est pas un lieu clos : elle n’est destinée à devenir ni le sanctuaire protégé des turbulences de la vie sociale ni une sorte d’utopie provisoire qui mettrait les futurs citoyens en contact avec les valeurs humanistes dont on espère qu’ils garderont le souvenir. L’école est dans la démocratie et prépare les élèves à en devenir acteurs. Cela crée des obligations pour tous car, à l’école de la République, est-il imaginable pour les élèves et les familles que la démocratisation des savoirs et la formation des citoyens ne passe pas par des pratiques éducatives, pédagogiques et didactiques conformes aux valeurs de la démocratie ? » Pourtant, ce numéro de mai des Cahiers pédagogiques le précise bien, la société scolaire n’est pas démocratique au sens où enseignants et élèves seraient à égalité de droits et souverains de l’institution scolaire.
Le numéro s’articule autour de trois thèmes. Le dossier s’ouvre sur une réflexion sur la notion même démocratie en lien avec l’histoire de l’institution scolaire. Une seconde partie illustre l’idée du lien nécessaire entre les idéaux démocratiques et les pratiques pédagogiques. Ainsi, pour Anne-Marie Hubat-Blanc, « la première condition pour enseigner en accord avec les valeurs de la démocratie.. est de démystifier sa propre maîtrise.., la seconde est la compétence technique…, la troisième est l’institution de la classe et le fonctionnement de l’établissement ». Maryse Madiot et Philippe Tessier montrent,par exemple, comment un IDD peut être formateur en ce domaine puisque c’est « un domaine où les élèves comme les enseignants sont amenés à exercer leur liberté d’appréciation, d’invention et d’organisation ».
Le dernier chapitre s’intéresse à la démocratie, ou son absence, dans l’institution Éducation nationale. Un regard croisé sur les C.A. d’établissement est particulièrement intéressant.
La démocratie dans l’École, Cahiers pédagogiques, n° de mai 2005, 72 pages.
http://www.cahiers-pedagogiques.com/numero.php3?id_article=1569
Vivre la République
Comment rendre vivantes et intelligibles nos institutions ? Le CNDP apporte un précieux outil avec le coffret de deux DVD « Vivre la République ».
Ce sont près de 250 séquences courtes, une dizaine de films représentant 5 heures d’écoute qui sont facilement accessibles. En effet le DVD propose des accès multiples. Ainsi le premier DVD est consacré à la démocratie et ses pratiques. On peut aussi bien y entrer par un choix d’acteurs de la démocratie que par les valeurs démocratiques. Chaque séquence illustre un thème précis et repose sur des images d’archives ou des entretiens. Les auteurs n’ont pas été frileux. Ils se sont attaqués à des débats de société réels et n’ont pas hésité à les politiser en mettant en valeur les débats parlementaires et le travail politique. Ainsi sont abordés le débat sur l’IVG, l’abolition de la peine de mort, l’accès à la nationalité, le don d’organes; des thèmes qui couvrent les différents points des programmes d’éducation civique.
Le second DVD concerne la constitution. Il donne accès à des séquences sur l’histoire des institutions, l’organisation des pouvoirs et montre le travail des acteurs politiques (président, premier ministre, députés etc.).
Comment utiliser ces DVD ? Bien sûr on pourra s’appuyer dessus pour illustrer le cours avec un vidéoprojecteur ou pour lancer un débat. Les sujets sont accessibles mais posent les vrais enjeux. Et la brièveté des séquences (de quelques minutes à un quart d’heure) se prête bien à ces pratiques.
Mais Vivre la République convient également à un travail autonome des élèves. La navigation y est aisée. Le guide pédagogique qui accompagne le coffret propose des fiches pédagogiques couvrant les programmes d’éducation civique et d’ECJS ainsi que certains thèmes de SES. Des schémas complémentaires, un glossaire, une banque bibliographique et webographique complètent ces fiches.
Certes on pourra regretter que certains débats, plus récents, ne soient pas abordés. C’est le cas par exemple des questions de la laïcité ou de l’antisémitisme. Ou que certains acteurs soient vus sous un angle réduit : les syndicats par exemple.
Mais « Vivre la République » est particulièrement bien adapté aux programmes d’éducation civique du collège et du lycée. Il est accessible aux élèves et permettra de rendre plus intelligibles les débats politiques de notre temps et, sans doute, de montrer le rôle réel des hommes politiques.
Vivre la République, coffret de deux DVD vidéo, SCEREN CNDP 2004.