Par Lucie Gillet
Alain Moritz est enseignant et maître formateur en GS à Colmar. Il a mené avec ses élèves en 2002 un projet très abouti sur l’ombre et la lumière avec des questionnements en astronomie. Il a accepté de répondre à nos questions et de partager son expérience à ce sujet, nous l’en remercions !
LG : Peux-tu nous préciser dans quel contexte est né ce projet ?
AM : Le village des sciences au Salon du livre de Colmar en Novembre 2002 mettait en valeur le travail d’une poignée d’enseignants en maternelle dans le domaine de la découverte du monde de la matière et des objets ainsi que de certains phénomènes célestes évoqués dans les albums de la jeunesse… Mireille HARTMANN (consultante « La main à la pâte ») et Pierre LENA (astrophysicien, co-fondateur de « La main à la pâte ») étaient nos invités de marque…
LG : l’astronomie n’est pas tout à fait au « programme » du cycle I, quelles ont été tes motivations à l’inscrire dans tes projets ?
AM : Un intérêt personnel forcément mais aussi l’envie d’emmener les gamins dans un petit voyage vers le ciel pour leur montrer que la littérature sur le sujet s’inspire de phénomènes réels dont certains pouvaient être expliqués.
LG : Le fait d’enseigner en zep joue-t-il dans ce choix ?
AM : Je dirais non, je l’aurais fait ici ou ailleurs.
LG : Puisque nous t’avions contacté au départ pour cette question, quelle est la référence pédagogique indispensable sur le sujet ?
AM : L’Astronomie est un jeu d’enfant ainsi que Explorer le ciel est un jeu d’enfant de Mireille Hartmann, sont les deux ouvrages qui témoignent le mieux de la richesse du sujet et présentent de nombreuses expérimentations généralement simples, parfois très élaborées. Il faut adapter ces pistes à une démarche expérimentale. Cela dit, Mireille ne donne pas de pistes concernant la conduite de la classe, c’est à l’enseignant de s’organiser entre les manipulations collectives et individuelles et la mise en forme des traces de l’expérimentation…
LG : Comment s’articule ta progression ?
AM : Pourquoi la lune change de forme ? Pourquoi on ne la voit plus ? Pourquoi on la voit le jour ?
LG : Axes-tu ta préparation selon un angle particulier ?
AM : Je prends toujours le temps de réfléchir au vocabulaire mais les objectifs visent aussi les connaissances et les savoir-faire.
LG : En classe, tes élèves t’ont-ils surpris ?
AM : Pas par leur questionnement mais par une certaine fascination au moment d’observer certains phénomènes (la lune au télescope, le télescope lui-même, les tâches solaires, une phase de Vénus, le planétarium)…
LG : T’ont-ils emmené vers des questionnements que tu n’avais pas imaginé au départ ?
AM : Non, sauf l’un d’entre eux personnellement passionné par l’astronomie et qui avait trouvé des réponses auprès de parents bienveillants… celui-là a poussé le maître jusqu’à poser le problème de la succession du jour et de la nuit (nous avons modélisé la chose en « cachette » car c’est une notion parfois difficile à comprendre au cycle 3)… A l’opposé, j’ai pris le temps de reconduire plusieurs fois des expériences simples (jouer avec des ombres) avec des enfants qui ne percevaient pas le lien entre un objet, l’ombre de cet objet et une source lumineuse…
LG : As-tu des retours au niveau des familles, des parents ? Pour une fois que l’école propose que leurs enfants soient dans la lune….
AM : Les parents étaient aussi curieux et étonnés que les enfants en mettant l’oeil au téléscope dans la cour. Leur connaissance du ciel m’a semblé pauvre.
LG : Tu as plusieurs années d’expérience dans ce domaine, peux-tu mesurer l’intérêt de ces activités et le bénéfice en terme d’apprentissage pour tes élèves ?
AM : Je n’ai pas reconduit ce thème depuis (sauf la partie ombres et lumière), je pense qu’habituer dès les maternelle les enfants à la démarche expérimentale et à l’observation des phénomènes à caractère scientifique (la matière, le vivant…) ou des objets technologiques est forcément bénéfique à commencer sur le plan culturel. Il s’agit de rendre nos enfants curieux et susciter le questionnement… L’astronomie n’est pas le sujet le plus facile mais je voulais « sortir des sentiers battus »…
LG : On a l’impression que mener ce genre de projet nécessite de la part de l’enseignant un certain investissement personnel, être bien à jour sur ses propres connaissances déjà, comment convaincre les collègues qui craignent de ne pas être « spécialiste « du sujet ?
A.M : Il est évident que si l’enseignant ne fait pas lui même la distinction entre l’ombre portée d’un objet et l’ombre propre d’un objet par exemple, il est préférable de travailler sur d’autres concepts (mieux maîtrisés) plutôt que de réinventer la science… Ceci dit, je ne crois pas non plus qu’un doctorat en astrophysique soit indispensable…
LG : Quel est le regard porté par l’institution, t’inscris-tu dans une démarche particulière quant à la pratique des sciences?
AM : Les documents d’application des programmes donnent maintenant des pistes claires aux enseignants dans ce domaine, plus d’excuses… Le site de la map est une ressource précieuse. La pratique des sciences (Découvrir le monde du vivant, de la matière, des objets… des phénomènes naturels) doit se développer autant que tous les autres domaines à l’école maternelle en cohérence avec eux.
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