Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans
« Cette tentative de définition de la personnalité des enfants dès leur plus jeune âge constitue un véritable enfermement; ils seront définitivement catalogués, devenus des objets décrits par le premier psy qu’ils auront eu la malchance de rencontrer… On retrouve dans cette recherche la tentative de voir en chacun des humains le simple aboutissement des informations qu’il a reçues lors de sa conception. Cette hypothèse du tout génétique est à l’opposé du regard des généticiens qui sont conscients de la pauvreté de cette dotation initiale ». Personne mieux qu’Albert Jacquard ne pouvait l’affirmer dans sa préface à l’ouvrage du collectif <b.
On sait que ce collectif s’est constitué en réaction à un rapport de l’Inserm qui définissait une nouvelle maladie, »le trouble de comportement » et demandait la détection et la surveillance des enfants dès l’âge de trois ans. La pétition lancée par le collectif frôle les 200 000 signatures et reste d’actualité : le projet de loi sur la délinquance juvénile pourrait en reprendre plusieurs points.
L’ouvrage réunit les contributions de spécialistes hostiles au rapport : pédopsychiatres, pédiatres, psychologues, sociologues, spécialistes de la prévention ou de l’éducation. Ils démontent le texte et mettent à nu l’idéologie qui le sous-tend. Ainsi, Pierre Suesser, pédiatre, rappelle que « inciter à dépister « la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme, l’index de moralité affective bas » renvoie à des notions sujettes à caution et inadéquates chez de jeunes enfants. Préconiser d’inscrire à 3 ans dans le carnet de santé « n’a pas de remords, ne change pas sa conduite » conduit à situer les professionnels dans un registre normatif et moral et non plus médical ».
Le sociologue Laurent Muchielli porte la contradiction sur la notion même de délinquance. Il explique que des études portant sur des jeunes de Grenoble et Saint-Etienne ont montré que 76% d’entre eux avaient fraudé dans les transports dans les 2 années précédentes, 32% acheté un objet volé, 24% volé dans un grand magasin, 18% dégradé un espace vert. Alors tous malades à surveiller ?
Philippe Meirieu rappelle la « méthode d’observation systématique des enfants » mise au point par Albert Huth, conseiller du gouvernement allemand de 1928 à 1945. Lui aussi appelait à distinguer des catégories physico-morales chez les enfants « pour mieux les éduquer ». Il partait du principe selon lequel « il n’est pas possible de faire faire à n’importe quel enfant n’importe quoi ». Pour P. Meirieu, « voilà justement l’argument d’autorité implicite dans tous ces travaux et qui les oriente toujours : l’éducation n’est pas un élément significatif dans le développement de l’homme et, en dernier ressort, celle-ci se résume à une opération de tri qui, par ailleurs, permet d’optimiser le fonctionnement économique et social ». Le combat contre le rapport de l’Inserm est d’abord celui des enseignants, du moins de ceux qui posent le préalable de l’éducabilité.
Le collectif « Pas de zéro de conduite », Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans !,Paris, érès, 2006, 240 pages.
La pétition
http://www.pasde0deconduite.ras.eu.org/index.php
Le livre
http://www.edition-eres.com/resultat.php?Id=1836
Rappel : L’analyse du Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2005/09/index230905.aspx
Syndicats et associations contre le projet de loi sur la délinquance
Nos vies de moins en moins privées, nos enfants de plus en plus suspects ». Parents de la Fcpe, syndicats (Cgt, Fsu, Sud, Syndicat National des Médecins de PMI, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des Avocats de France, Union Syndicale de la Psychiatrie, Syndicat National des Psychologues etc.), associations (Collectif « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans), Ligue des droits de l’Homme se mobilisent contre le projet de loi sur la prévention de la délinquance. Ils dénoncent de graves atteintes aux libertés fondamentales et une orientation sécuritaire du travail social et médical.
« Au nom de la prévention de la délinquance, les personnes faisant appel aux services sociaux devraient ainsi être systématiquement signalées au maire sur la base du critère particulièrement large et flou résultant du fait qu’elles présentent des « difficultés sociales,
éducatives ou matérielles ». Au nom de la prévention des troubles pour autrui ou des menaces pour l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publique, les parents pourraient se voir imposer, sous l’autorité du maire, toutes sortes de contraintes (contrat de responsabilité parentale, rappel à l’ordre, tutelle aux prestations sociales,…). Là où les familles en difficulté pouvaient être aidées dans une logique de solidarité, elles seraient fichées et soumises à des injonctions sans efficacité, visant leurs moindres comportements.
Un dépistage d’enfants « agités » serait systématisé dès la crèche et l’école maternelle. Par le regard prédictif porté sur eux, à partir d’une corrélation abusive entre leur difficulté de tout petit et une évolution supposée vers la délinquance, ces enfants se trouveraient alors enfermés dans le carcan d’une image catastrophique de futur délinquant au mépris de l’avis unanime des professionnels de santé et de la petite enfance et des citoyens, exprimé par près de deux cents mille signataires de la pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans » ».
http://www.fcpe.asso.fr/article.aspx?id=527
Un rapport relance le dépistage des troubles de comportement chez les enfants
» Il résulte des études publiées et de l’audition publique des experts que la majorité des personnes souffrant à l’âge adulte d’une organisation de la personnalité à expression psychopathique a présenté des troubles des conduites pendant l’enfance et l’adolescence. Malgré les incertitudes, les données actuelles conduisent la Commission d’audition à préconiser des actions préventives précoces, assorties d’une offre de prise en charge individuelle lorsque cela est nécessaire. Même si la Commission d’audition est consciente du risque de stigmatisation inhérent à toute politique de repérage précoce, elle estime que le risque de laisser des enfants en souffrance sans proposition de prise en charge est largement plus important. Cependant, dès lors que ces troubles des conduites peuvent annoncer des difficultés ou impasses de développement, la Commission d’audition préconise une stratégie de repérage et de prévention non spécifique. Elle insiste sur le fait que le repérage n’a de sens que s’il est accompagné d’une offre de prise en charge ». Le vocabulaire s’est adouci depuis le rapport de l’Inserm, mais le rapport remis par la magistrate Nicole Maestracci à la Haute Autorité de Santé recommande lui aussi le repérage des enfants à problèmes.
A vrai dire ce n’est pas étonnant. Car, faute d’études, ce rapport s’appuie sur celui de l’Inserm qui intervient largement dans la bibliographie. Ainsi les statistiques sur la prévalence des troubles, les caractéristiques mêmes des troubles viennent de ce rapport qui lui-même sélectionnait parmi des études nord-américaines. Tout cela est d’ailleurs mentionné dans le rapport Maestracci : » les experts entendus ont confirmé qu’il n’existait pas d’autres données indexées et publiées que celles qui figurent dans l’expertise collective de l’Inserm sur les troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent. Les études publiées sont cependant toutes d’origine étrangère de sorte que, dans un contexte où l’environnement culturel paraît jouer un rôle important, les résultats doivent être transposés avec prudence ».
Mais cela n’empêche pas le rapport Maestracci de reprendre les thèses de l’Inserm. Ainsi dans la détection des enfants à « personnalité psychopathique » on retrouve cet inventaire qui fait frémir. Un enfant risque d’être classé psychopathe quand on détecte « chez le bébé, une agitation ou une passivité excessive, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, un retard staturo-pondéral; chez l’enfant des difficultés majeures à supporter des frustrations…, une prise d’autonomie précoce, un comportement destructif…; chez l’adolescent, des échecs scolaires, des troubles du sommeil, une marginalisation installée ». Le rapport égrène encore d’autres critères tout droit venus des sources américaines du rapport de l’Inserm : contester ce que disent les adultes, faire souvent l’école buissonnière, se lever en classe, remuer les mains ou les pieds, mentir, faire du charme, tricher, vivre en parasite (sic)… Bref on retrouve là aussi l’amalgame entre problèmes sociaux et médicaux. Comme les rapports Inserm et Bénisti, le rapport Maestracci analyse des faits sociaux comme des symptômes maladifs et n’hésite pas à envisager le fichage et le « suivi » d’un partie de la population. On retrouve là l’influence d’une école nord-américaine, hostile à la psychologie, qui vise le dépistage des déviants et du gène de la déviance. Une perspective qui fait vraiment froid dans le dos, surtout quand on constate cette obstination à la proposer. .
Ce nouveau rapport invite l’Etat à prendre les mêmes mesures que celles du rapport de l’Inserm : « développer une culture commune et pluridisciplinaire de tous les professionnels impliqués concernant le repérage et l’offre de prise en charge ; intégrer systématiquement ces questions dans le programme de formation initiale et continue des acteurs concernés (notamment travailleurs sociaux, fonctionnaires de l’Éducation nationale, acteurs judiciaires)… ; assurer le soutien des équipes éducatives en organisant un travail de supervision, dans les établissements et services accueillant des mineurs ». Les enseignants seraient donc au premier rang des indicateurs de cette nouvelle surveillance du conformisme social.
Le rapport Maestracci
http://www.anaes.fr/ANAES/ANAESparametrage.nsf/Page?ReadForm&Section=/ANAES/presse.nsf/(ID)/7FA4E75B2F9E4469C1257193002A8561?opendocument
Rappel : Le rapport de l’Inserm dans L’Expresso du 23/09/05
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2005/09/index230905.aspx
RESF appelle à résister aux expulsions
« La circulaire Sarkozy du 13 juin 2006 met fin à la période de suspension des expulsions instaurée par celle du 31 octobre 2005. Elle prépare une vague massive de reconduite à frontière dès le 1er juillet » annonce le Réseau éducation sans frontières. Avec les fédérations de Paris de la Fcpe, de l’Unl, et des syndicats (Fsu, Cgt, Sud, Sgen), Resf appelle » à la résistance contre la chasse à l’enfant ». Les organisations annoncent la mise en place de numéros verts nationaux et locaux auxquels pourra s’adresser toute personne en difficulté faute de titre de séjour.
http://www.cpe75.org/cdpe/n_rpresse.htm
Régularisations au compte-gouttes
Le 5 juillet, que vont devenir les enfants de sans-papiers scolarisés ? Le ministre de l’intérieur a annoncé le 6 juin son intention de régulariser les familles des enfants nés en France et parlant français, soit environ 720 familles. Le Réseau Education sans frontières, qui regroupe des enseignants qui défendent ces enfants sans papiers, estime qu’au moins 10 000 jeunes sont expulsables au 5 juillet. Pour lui, selon l’AFP, « la régularisation va concerner des jeunes et des familles qui sont là depuis six ou sept ans. Or les gens qui sont ici depuis six ou sept ans, et qui ont toutes leurs attaches en France, ont droit à des titres de séjour en vertu de la loi actuelle ».
Resf, mais aussi le Sgen Cfdt, le Snes Fsu, appellent donc les enseignants à se solidariser avec ces enfants à l’image de ce professeur de français interrogé par Le Figaro. » Je ne suis encartée dans aucun parti, je n’adhère à aucun syndicat… Nous avions l’impression de faire quelque chose de très important pour eux, raconte Agnès, sans prendre des risques inconsidérés. Je suis issue d’une famille de résistants. Eux ont pris de vrais risques. »
Mardi 6 juin deux policiers sont venus à l’école maternelle Julien Pesche du Mans et se sont faits remettre deux enfants kurdes de 3 et 6 ans. Ils vont être expulsés avec leur mère.
http://actu.voila.fr/Depeche/ext–francais–ftmms–emploieducation/060606112030.rdgs0q95.html
http://www.lefigaro.fr/france/20060606.FIG000000119_agnes_ans_enseignante_est_prete_a_cacher_des_enfants_cet_ete.html
http://actu.voila.fr/Depeche/ext–francais–ftmms–emploieducation/060606135344.c1n55be5.html
La CSF dénonce la stigmatisation des familles populaires
« La CSF réaffirme que tous les parents s’inquiètent de l’avenir de leurs enfants et demande aux politiques de faire attention aux propos qu’ils utilisent lorsqu’ils parlent des familles ». La Confédération syndicale des familles s’inquiète du climat sécuritaire et de ses retombées sur les politiques familiales.
« La CSF refuse qu’il y ait une épée de Damoclès sur la tête des parents, trop souvent jugés laxistes, démissionnaires voire incapables d’éduquer leurs enfants. Prévenir la délinquance, c’est d’abord permettre aux enfants de grandir et de se construire dans une société qui leur donne toutes les chances de réussir…Tant que les familles populaires vivront la précarité et l’insécurité matérielle permanente, il sera illusoire d’essayer de trouver des solutions à la délinquance des mineurs ». La CSF est contre la suppression des allocations familiales et demande » une réelle politique volontariste pour permettre aux familles de vivre dignement, de retrouver un statut social, de citoyen ».
http://www.csfriquet.org/