Au début de cette année scolaire, j’ai demandé à mes étudiants de 1ère année d’IUT GEA de choisir parmi une liste d’adjectifs ceux qui caractérisaient le mieux la comptabilité générale. Comme je m’y attendais, les adjectifs négatifs sont arrivés en bonne position : les qualificatifs « obscur », « difficile », « ennuyeux » ont ainsi été cités plus d’une fois sur trois. En revanche, lorsqu’un trimestre plus tard j’ai proposé à nouveau la même liste aux mêmes étudiants, leur sélection avait changé radicalement. En effet les adjectifs positifs tels que « facile » ou « intéressant » ont été choisis une fois sur quatre, et les adjectifs négatifs avaient quasiment disparu (1). De plus, lors d’une procédure plus formelle d’évaluation de la formation, 66% des étudiants interrogés ont déclaré avoir trouvé le cours « intéressant » et 30% « très intéressant ».
Je pense que pour réussir à modifier ainsi les représentations des étudiants il faut agir simultanément sur plusieurs facteurs, et en particulier :
– rendre la comptabilité accessible,
– éviter la monotonie,
– adopter une approche ludique.
Rendre la comptabilité accessible
La comptabilité est souvent perçue comme une matière difficile et l’enseignant est souvent confronté à des étudiants qui renoncent à comprendre avant même d’avoir réellement essayé. Pourtant, une fois que les mécanismes de base sont acquis, ceux-ci sont réellement simples à appliquer ! Je pense que la difficulté de la matière vient du fait qu’il faut en même temps assimiler une nouvelle technique et l’appliquer à des opérations encore peu familières pour des étudiants qui ne connaissent que de loin le monde de l’entreprise.
Ainsi, lorsque j’ai construit mon cours je me suis efforcée de décomposer la technique de passation des écritures en difficultés élémentaires : savoir analyser une opération au comptant avant d’attaquer celles à crédit, savoir faire une analyse « emploi-ressource » avant de passer réellement une écriture, etc … Je me suis ensuite assurée de la maîtrise de chaque étape avant de passer à la suivante. Cette vérification n’est pas nécessairement consommatrice de temps : un petit test de 10 mn (non noté !) suffit et il est possible de demander aux étudiants de s’auto-évaluer ou d’évaluer leur voisin à l’aide d’un corrigé type distribué dans la foulée.
J’ai également pris la peine, à chaque étape, de faire appliquer les mécanismes à des situations proches de la vie courante des étudiants, avant de passer aux opérations de l’entreprise. Nous avons ainsi construit le « bilan » d’une étudiante qui possédait un scooter, quelques économies et avait contracté un prêt bancaire. Puis nous avons suivi l’impact des opérations réalisées : job d’été, remboursement d’emprunt, achat d’un ordinateur, paiement du loyer, … Ces opérations simples permettent parfaitement d’illustrer les principales notions comptables :
– le compte bancaire est utilisé en ressource lors d’une virée shopping, puis en emploi lors de la réalisation de baby sitting pour le renflouer suite au shopping précédent,
– l’ordinateur est une acquisition durable (immobilisation) alors que le loyer est définitivement consommé (charge),
– la variation du patrimoine (résultat de l’exercice) est distincte de la variation de la trésorerie : la valeur nette du patrimoine de notre étudiante a augmenté mais ses économies ont diminué,
– etc …
Enfin, j’insiste énormément sur la logique sous-jacente aux écritures en explicitant mon raisonnement lors de chaque passation d’écriture au tableau. Et face aux questions des étudiants, j’utilise le questionnement pour les entrainer à retrouver les schémas comptables par le raisonnement plutôt qu’à les apprendre par coeur.
Éviter la monotonie :
Les explications les plus claires peuvent finir par lasser et sembler ennuyeuses si elles sont toujours apportées sous la même forme. C’est pourquoi je m’efforce de varier les méthodes pédagogiques. J’alterne ainsi les cours magistraux avec des formes d’enseignement moins classiques : dossiers d’autoformation (2), séquences de travail de groupe en tutorat ou en enseignement mutuel (3), ….
De la même façon, pour les exercices, j’ai cherché des alternatives aux traditionnelles écritures à passer à partir d’une liste d’opérations réalisées par une entreprise. Je propose ainsi des écritures à trou à compléter, des listes d’écritures et d’opérations à associer par paire, des écritures erronées à corriger, etc … Il peut également être intéressant d’inverser l’ordre de l’exercice et de donner les écritures en demandant quelle opération a été réalisée.
Adopter une approche ludique
L’introduction d’un élément ludique dans ces exercices ne gâte rien, bien au contraire. On peut ainsi glisser un » intrus » dans les listes précédentes : une écriture excédentaire qu’il faudra identifier puis traduire en termes d’opération réalisée par l’entreprise.
J’utilise le jeu aussi souvent que possible, en particulier pour faire accepter des activités considérées comme ennuyeuses (révisions, apprentissage par coeur, …) ou lorsque le cours a lieu à un moment peu propice à la concentration (veille de vacances, …).
J’ai ainsi créé un jeu de bingo (4) pour faciliter l’apprentissage des numéros de comptes (classes 1 à 7 et détail de la classe 4). Pour y jouer, je distribue aux étudiants des grilles de 25 cases dans lesquelles sont répartis au hasard les numéros et les libellés, puis je tire un à un des cartons sur lesquels sont inscrits les mêmes numéros et libellés. Contrairement au bingo classique, les cases validées ne sont pas celles identiques aux jetons tirés mais celles qui complètent les paires : si je tire le jeton portant le numéro 40, les cases à valider sont celles comportant le libellé « fournisseurs ». L’objectif du jeu reste quant à lui le même : valider le maximum de cases alignées.
Dans le même esprit, j’ai créé des cartes de mémory (4) pour faire travailler les numéros de comptes correspondant aux chapitres étudiés dans des cours de comptabilité plus avancés : emballages, paie, écritures d’inventaire, financement, etc …
Enfin, je fabrique des grilles de mots croisés (4) pour faire réviser des contenus plus conceptuels (normes et organismes normalisateurs, partie double, etc …). J’utilise pour ce faire le logiciel gratuit « mots entrecroisés ». Simple d’utilisation, il suffit de saisir les mots clés du cours et de le laisser générer les grilles, à la taille souhaitée.
Le logiciel mots entrecroisés
http://www.ccdmd.qc.ca/ri/cgi-bin/fiche.pl?id=61&gab=desc&l=61
Il y a quelques mois, je me suis lancée dans la création d’un blog destiné à la fois aux étudiants et aux enseignants. Les étudiants y trouvent des polycopiés de cours, des dossiers d’autoformation ainsi que des liens vers des sites pouvant les intéresser. Dans la partie destinée aux enseignants, je raconte mes expérimentations et je propose des supports pédagogiques originaux que j’ai testés avec succès. Mon but est de nouer des contacts avec des collègues intéressés comme moi par la pédagogie afin de confronter nos expériences, d’échanger des idées et des outils, …. N’hésitez pas à venir le consulter, à y piocher les éléments qui vous intéressent, et surtout à y laisser vos commentaires !
Laurence Le Gallo
Mon blog
http://laurencelegallo.canalblog.com
(1) Je détaille de façon plus approfondie les résultats de mon étude à l’adresse suivante :
http://legallo10.canalblog.com
(2) J’explique comment créer des dossiers d’autoformation à l’adresse suivante :
http://legallo8.canalblog.com
(3) Les supports pédagogiques et les explications sur le déroulement de ces séquences de travail en groupe sont disponibles à l’adresse suivante :
http://legallo9.canalblog.com
(4) Les éléments nécessaires à la réalisation du bingo, du mémory et des mots croisés sont disponibles à l’adresse suivante :
http://legallo5.canalblog.com