Transmettre
» « Transmettre » n’est-ce pas le concept central de l’enseignement? Qu’est-ce que cela veut dire? On parle de « transmission des connaissances » là où il s’agirait plutôt de « construction de connaissances ». Que se passe-t-il entre le tuteur et le stagiaire lorsqu’il est question de « transmettre des pratiques pédagogiques »? Et devant le désir de « transmettre la mémoire de la Shoah » comment ne pas admettre que cela touche à l’intransmissible? » Ce nouveau dossier de Jacques Nimier nous amène à réfléchir à une activité hautement humaine : la transmission. On l’aborde, par exemple, par une réflexion de Marie-Françoise Bonicel ou par l’analyse, extraite d’un mémoire de maîtrise, de Nicole Bertrand sur la transmission des connaissances. Mais le dossier comprend encore bien d’autres approches et des enrichissements bibliographiques.
Le site de J. Nimier témoigne de la nécessité de transmettre un savoir pédagogique : il a atteint le million de visiteurs !
http://perso.wanadoo.fr/jacques.nimier/dossier_transmettre.htm
La démocratisation de l’éducation, un projet vicié ?
« On peut se demander si une politique d’allongement de la scolarité est efficace pour réduire les inégalités sociales. On est amené à y voir plutôt une contre-réforme, donnant un peu plus aux défavorisés et la possibilité de rester au sommet aux plus avantagés. Etendre l’éducation est justement ce qui permet le maintien des inégalités sociales ». C’est dans une conférence tenue à Dublin que Marie Duru-Bellat (IREDU) a tenu ces propos assez sacrilèges. Son raisonnement s’articule en trois points : la distribution des diplômes demeure inégalitaire (85% des enfants de familles favorisées ont le bac contre 23% des enfants de parents inactifs), les diplômes se dévaluent avec leur massification, la mobilité sociale ne dépend pas que des diplômes, avec le même bagage les jeunes ont des chances inégales.
Pour Marie Duru-Bellat la poursuite de l’objectif de 50% de diplômés du supérieur finit par faire oublier que l’éducation sert à autre chose qu’à sélectionner et empêche de réfléchir sur l’éducation que l’on veut.
http://www.leeds.ac.uk/educol/documents/143161.htm
Tutorat et coopération
« Dans la situation tutorale, même si les tutrices ou tuteurs n’ont pas tous parfaitement joué leur rôle, les tutorés ont progressé de manière significative dans les trois classes… Le tutorat a été plus efficace pour le travail de groupe. » Dans Le Nouvel éducateur n°171, Marie-France Peyrat (Bordeaux 2) rend compte de sa recherche sur des situations d’entraide. Une recherche qui est confirmée par des témoignages d’enseignants Freinet au sein d’un copieux dossier sur le tutorat et la coopération à l’école.
http://www.icem-freinet.info/scripts/8_gen/rubrique.asp?idRub=12&idSousRub=16
Les IUFM menacés de désintégration pour P. Meirieu
« Nous risquons d’être mis aux enchères entre plusieurs universités sans pouvoir garantir la pérennité de nos acquis ». Dans L’enseignant, la revue du Se-Unsa, Philipe Meirieu, qui a annoncé son départ de la direction de l’IUFM de Lyon, analyse la réforme des IUFM fixée dans la loi Fillon, comme un projet de désintégration. « Rien n’empêchera, dans un délai plus ou moins long, de démanteler l’IUFM, de fermer certains de ses centres, de déplacer une partie de ses personnels. Il s’agit, en réalité, de savoir si les grandes orientations qui ont présidé à la création de nos établissements seront conservées et approfondies… ou abandonnées. Maintiendra-t-on une unité symbolique et fonctionnelle entre la formation des professeurs des premier et second degrés ? Maintiendra-t-on un lien structurel et pédagogique entre les première et deuxième années d’Iufm ? Maintiendra-t-on une articulation forte entre la formation dite «théorique» et la formation «sur le terrain»? »
http://www.se-unsa.org/page_enseig.html
Meirieu répond à Brughelli
» Vous généralisez des exemples pour étayer un livre dont le titre est insultant pour les enseignants. Vous stigmatisez le style «jeune», mais vous utilisez celui du Nouvel Observateur et de Marianne. C’est-à-dire l’approximation, le slogan, les exemples invérifiables, sans oublier les erreurs. Vous assurez que les études à l’IUFM durent trois ans, alors qu’il s’agit de deux ! Vous illustrez ce que vous dénoncez : l’exigence de rigueur a disparu ! Même s’il contient des vérités sur lesquelles je reviendrai, votre livre équivaut à une mauvaise action ! » Dans un entretien accordé au Figaro littéraire, Philippe Meirieu répond aux attaques de Jean-Paul Brughelli.
http://www.lefigaro.fr/litteraire/20050929.LIT0019.html?151611
Augmenter les profs suffit-il à hausser le niveau ?
Maresa Sprietsma et Fabio D. Waltenberg ont étudié les effets d’une augmentation des salaires enseignants au Brésil. Selon eux, augmenter les salaires des profs aurait peu d’effets sur les résultats des élèves. Tout au plus ont-ils constaté un effet positif dans l’enseignement privé brésilien et au bénéfice des élèves en difficulté.
Certains pourraient être tentés de généraliser l’observation… En fait elle fait vraiment sens dans les pays en développement. Ceux-ci sont confrontés au défi de l’efficacité et à des injonctions contradictoires. Ils doivent à la fois assurer l’alphabétisation de tous et, pour y arriver réellement, augmenter la qualité du corps enseignant ce qui revient à leur verser de meilleurs salaires. Dans cette situation la question de l’efficacité se pose en des termes différents des pays développés. D’autres études ont montré que la variable la plus efficace n’est pas la hausse du salaire enseignant. C’est ce que confirme cette étude du Girsef.
http://www.girsef.ucl.ac.be/Cahiers_CREF/043cahier.pdf
L’UNL demande de nouvelles pédagogies
« Comment a-t-on pu nier ainsi la parole des lycéens ? Les problèmes que notre système éducatif rencontre aujourd’hui ne sont-ils pas assez visibles ?… Tous ces maux ne seraient-ils qu’une pure invention que des syndicats malhonnêtes auraient mis dans la tête de lycéens trop naïfs ? » Parce que la dernière année scolaire a été, pour l’union Nationale des Lycéens, « une année de crise pour le service public d’éducation », le syndicat lycéen élabore un cahier de « propositions » qui sonne comme un cahier de doléances.
Certaines revendications sont sociales : gratuité des transports scolaires, augmentation des bourses, gratuité des trousseaux professionnels par exemple. Mais ce que réclament surtout nos lycéens, c’est un autre lycée. Et d’abord le rétablissement des TPE en terminale : « les TPE étaient le seul enseignement interdisciplinaire original existant au lycée… (Ils) faisaient partie de ces nouveautés pédagogiques qui offrent une vision attractive de l’apprentissage aux lycéens… Ils permettaient de prendre conscience qu’une matière ne se résume pas à elle-même… L’élève apprenait à gérer l’avancée de son travail en autonomie… A l’heure où le taux d’échec en premier cycle du supérieur s’élève à 40%, nous voyons dans les TPE une solution pour contrer la propagation de cet inquiétant phénomène… Il nous semble essentiel de faire le pari des nouvelles pédagogies… Si nous voulons que la transmission des savoirs s’opère mieux, l’Education nationale doit s’interroger sur la façon d’enseigner… L’ingurgitation passive des savoirs doit laisser place à d’autres formes de pédagogie ». L’UNL demande leur retour en terminale, leur mise en place dans les filières technologiques et la création d’une commission en charge de leur rénovation ». L’UNL souhaite également faciliter l’accès aux ordinateurs et à Internet dans les établissements. Le syndicat dénonce l’écart entre le taux d’équipement et la faculté réellement offerte aux élèves, en classe ou en accès libre, d’utiliser le matériel. Pour lui, « l’objectif d’un ordinateur par élève est raisonnable ». C’est d’ailleurs ce que recommandait M. Fillon… quand il était président de conseil régional…
D’autres revendications renvoient à des exigences éthiques pour l’Ecole. L’UNL demande la rédaction et la diffusion d’un « Guide des droits lycéens » ainsi que la reconnaissance du droit syndical aux lycéens.
http://www.unl-fr.org/pdf/10propositions.pdf
Inserm : Menteurs, voleurs, sécheurs : au cabanon !
» Oppositions, désobéissance et colères répétées, agressivité chez l’enfant, coups, blessures dégradations, fraudes et vols chez l’adolescent : ces différents comportements caractérisent le trouble des conduites ». D’autres symptômes établissent le diagnostic : » les agressions physiques, les mensonges ou les vols d’objets », ou encore « l’absentéisme, les incivilités à l’école et les situations d’échec scolaire ». « L’absence de timidité » est aussi un signe d’alerte, tout comme « la recherche de nouveauté ». Dans une étude publiée par l’Inserm, un groupe d’experts, épidémiologistes, pédopsychiatres, français et canadiens, vient de définir une nouvelle maladie : « le trouble des conduites ».
Selon eux, 5 à 9% des garçons de 15 ans en seraient atteints et 2 à 5% des filles. Mais la maladie est, selon eux, familiale : » Les facteurs empiriquement associés au trouble des conduites sont : antécédents familiaux de trouble des conduites, criminalité au sein de la famille, mère très jeune, consommation de substances psychoactives pendant la grossesse, faible poids de naissance, complications autour de la naissance… »
Aussi, recommandent-ils « un repérage des familles présentant ces facteurs de risque » et un dépistage systématique, dès 36 mois, des enfants en utilisant les bilans de santé et les examens systématiques. C’est donc sur le système de santé et sur l’école qu’ils souhaitent s’appuyer pour opérer cette campagne de dépistage qui ficherait comme « dangereux » un adolescent sur dix et sa famille. Les experts recommandent « d’informer les enseignants sur les différentes expressions comportementales du trouble des conduites et de les sensibiliser à une collaboration avec les professionnels de santé pour une intervention plus précoce auprès des enfants et adolescents « . Ils souhaitent « généraliser les interventions au sein des structures éducatives existantes (PMI, crèches, écoles…) en formant le personnel éducatif à ces méthodes de prévention (puéricultrices, éducateurs, enseignants…) ».
Il y a quelques mois le rapport Bénisti avait soulevé un tollé en demandant le dépistage précoce dès trois ans des « déviants ». En termes médicaux c’est exactement la même logique qui est à l’oeuvre dans ce rapport de l’Inserm. Comme lui, il analyse des faits sociaux comme des symptômes maladifs et n’hésite pas à envisager le fichage et le « suivi » d’un dixième de la population. On retrouve là l’influence d’une école nord-américaine, hostile à la psychologie, qui vise le dépistage des déviants et du gène de la déviance. Une perspective qui fait vraiment froid dans le dos.
Interrogé dans Le Monde, le pédopsychiatre Pierre Delion juge sévèrement ce rapport. » Je ne suis pas du tout adepte de ce genre de concepts. Le trouble des conduites implique une référence à une bonne conduite et à une mauvaise conduite. Cette notion moralise donc le débat là où, au contraire, il faudrait accepter la diversité de tous les parents et de leurs enfants… Que l’on puisse, dans certains cas, appeler cela des troubles des conduites, je ne suis pas contre, mais ce qui compte le plus c’est de dire à cet enfant que son appel a été entendu. A ce moment-là, l’important n’est pas de faire un dépistage systématique, de type Big Brother, mais de rendre possible, pour les parents, la rencontre avec des professionnels, pour accueillir cette souffrance de l’enfant et éventuellement la traiter ». Et il alerte les enseignants : » parler de souffrance psychique en ces termes peut avoir des effets délétères. Les enseignants, par exemple, se sont déjà emparés de ces catégories. Nous voyons très souvent des parents envoyés par des instituteurs qui « diagnostiquent » des troubles de type hyperactivité et déficit de l’attention. Ces notions ont envahi la société dans son ensemble, bien au-delà du milieu médical. Les parents arrivent maintenant en consultation avec une question : « Quel traitement médicamenteux prescrivez-vous pour notre enfant ? » On voit bien, en arrière-plan, se profiler les intérêts économiques des firmes pharmaceutiques ».
http://www.inserm.fr/fr/presse/dossiers_presse/att00000407/DPTroubledesconduites.pdf
http://ist.inserm.fr/basisrapports/trouble_conduites/trouble_conduites_synthese.pdf
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-691676@51-691794,0.html
Les associations éducatives menacées par le ministère
« La diminution, en 2005, de la subvention du Ministère de l’Education nationale et la suppression annoncée pour 2006 de 800 emplois d’enseignants mis à disposition mettent en grave difficulté les associations éducatives complémentaires de l’enseignement public et l’Ecole publique elle-même ». Une vingtaine d’associations complémentaires de l’Ecole (Crap, Cemea, Education & Devenir, Gfen, Icem Freinet, JPA, Ligue de l’enseignement, Occe, Solidarité laïque etc.) dénoncent la réduction de leurs moyens opérée par le ministère.
» La baisse continue des subventions (moins 20% en 4 ans), la décision de supprimer les postes de mis à disposition, l’absence de référence au rôle éducatif des associations complémentaires dans la Loi d’orientation, marquent une rupture majeure des relations du Ministère de l’Education nationale avec ses premiers partenaires éducatifs et illustrent une évolution de la conception de l’éducation à laquelle nous ne pouvons souscrire ».
Elles appellent « à la mobilisation de tous les acteurs de l’éducation pour combattre ces décisions qui, si elles ne sont pas remises en cause, affaibliront durablement la capacité d’intervention des mouvements laïques ».
C’est peut-être le moment de rappeler que le Café est dans la même situation. Nous n’avons plus de subvention ministérielle. Nous n’avons aucune décharge horaire. Nous comptons sur nos lecteurs pour nous aider à survivre.
Motivation et autonomie au menu de l’Alsic
« Bien que préliminaires, les résultats de cette étude qualitative nous permettent d’évaluer le degré de motivation et d’engagement qu’atteignent les participants par le biais de l’utilisation d’une plate-forme de téléformation, et en particulier d’un forum de discussion électronique. Les commentaires et résultats numériques nous encouragent à aller vers l’adoption continue d’un environnement d’apprentissage socio-constructiviste et cognitiviste : une participation active à des projets motivants et un travail en collaboration devraient encourager la mise en place de stratégies d’apprentissage variées ». La dernière livraison d’ALSIC (Apprentissage des langues et système d’information et de communication) propose un article de Catherine Caws sur l’application de principes cognitivistes et constructivistes à l’enseignement de l’écrit assisté par ordinateur. Il tranche nettement en faveur de l’application des théories cognitives.
Parmi les autres articles, Elke Nissen s’est penchée sur l’impact de l’autonomie d’un groupe dans les apprentissages. « Il apparaît que l’autonomie du groupe n’a pas d’influence directe sur l’apprentissage des groupes restreints. En revanche, un rapport est visible entre l’appréciation du fonctionnement du groupe par ses membres et l’évolution de la performance des groupes ».
http://alsic.org/
L’université immobile ?
« Excellence ou égalité : c’est un vieux dilemme pour l’enseignement supérieur français. L’égalité a été davantage recherchée que l’excellence ces dernières années… On peut craindre que le système français doive se détériorer davantage pour que la société française accepte des changements réels ». Analysant les perspectives du processus de Bologne sur l’université française, François Orivel (Iredu) dresse un constat sombre du déclin universitaire français. Pour lui, la nécessaire réforme se heurte à de sérieux obstacles.
http://www.u-bourgogne.fr/upload/site_120/publications/2005/05010.pdf