Personne ne peut rater les nombreuses publicités des officines florissantes du marché de l’angoisse scolaire : elles prétendent faire réussir les élèves là ou l’Ecole n’y parvient pas. Cours particuliers ou en petits groupes, coaching, rattrapage, aides aux devoirs, entraînement aux examens, …la course est lancée. La course aux profits évidemment.
C’est d’ailleurs au motif que cette offre là est injuste et sélective que durant la dernière campagne présidentielle, les deux candidats de tête avaient à leur façon proposé de systématiser l’offre d’accompagnement scolaire, d’aides aux devoirs et de soutien. Car les termes sont souvent confus et négligent les acquis des pratiques d’accompagnement éducatif de la scolarité conduites de puis une vingtaine d’années par de nombreuses associations et collectivités.
C’est dans ce contexte que le ministre de l’éducation nationale a affiché une ambition publique nouvelle : faire de l’offre d’accompagnement éducatif 4 soirs par semaines scolaires une obligation nationale pour tous les élèves de l’école primaire au lycée d’ici 2011. L’intention est ambitieuse et louable. Le ministre aurait gagné à associer les acteurs et partenaires, en particulier les collectivités territoriales, les fédérations de parents et les associations éducatives dans la préparation et la mise œuvre d’une telle politique. Sur le fond comme sur la forme.
Car de quoi parle-t-on lorsqu’on évoque l’accompagnement éducatif. Majoritairement, compte tenu du poids de l’école, de l’importance de la réussite scolaire …de soutien scolaire et d’aide au travail scolaire. A cet égard, si le pilotage par l’éducation nationale d’une telle obligation traduit le fait que l’Ecole doit assumer ce qu’elle prescrit c’est une bonne nouvelle. Mais elle laisse en suspens deux questions majeures au moins :
• Ce que l’Ecole prescrit aujourd’hui est-il légitime dans le cadre d’une Ecole pour tous ?
• Doit-on mesurer la réussite sur les seuls critères de l’actuelle réussite scolaire et de quelle manière ? D’autant que depuis quelques années déjà une autre réussite, dite réussite éducative fait aussi l’objet d’une politique publique.
L’intention de faire entrer l’accompagnement éducatif dans une politique de droit commun n’est pas contestable. Mais, même si le ministre a prévu que les activités sportives et culturelles et artistiques s‘y inscrivent, il y a un véritable risque de cannibalisation du temps éducatif par les contenus scolaires. Ce qui se traduira par l’externalisation croissante des responsabilités de l’Ecole et la difficulté de faire évoluer ses pratiques et ses contenus afin de démocratiser la réussite de tous les élèves et de stopper la machine à exclure qu’elle est devenue pour de trop nombreux enfants des milieux populaires.
La scolarisation excessive de l’espace éducatif, culturel et symbolique des enfants n’est pas la bonne réponse à la menace réelle d’en faire des cerveaux disponibles et des cœurs de cibles pour une consommation frénétique devenue raison de vivre.
Une Ecole singulière et exceptionnelle qui leur permet dans l’égalité d’apprendre ensemble à vivre ensemble, qui se concentre sur l’appropriation de savoirs qui libèrent et unissent, qui les outillent pour apprendre toute leur vie et qui remplit cette mission avec les autres apports culturels et éducatifs de leur famille, de leurs territoires, dans la cohérence et la complémentarité …voilà ce qu’il faudrait rechercher vraiment.
C’est d’éducation partagée et d’engagement éducatif de tous les acteurs dont les jeunes ont besoin…certainement pas d’acharnement scolaire, surtout pour réussir leur scolarité.
Eric FAVEY
Secrétaire national de la Ligue de l’Enseignement.