Cette année, j’ai fait participer mes cinq classes au projet Regards de géomètre de Maths en scène. Voici un petit journal de notre année trépidante, guidée par la curiosité et le goût de travailler toutes et tous ensemble. Ces étapes retracent le chemin qui nous a amenés à de magnifiques réalisations et de belles découvertes mathématiques.
Juillet 2021
L’heure de la réflexion : j’ai décidé de me lancer, mais il reste des décisions à prendre. Un projet par classe ou un projet par niveau ? En juillet, je décide d’un projet par niveau, plus un projet commun aux deux niveaux. Finalement, je déciderai dans quelques mois que ce sera deux projets pour mes 5 classes, toutes et tous ensemble. Morellet et ses π piquant, et puis les anamorphoses. Nous travaillerons π et la numération, les angles, l’alignement, les triangles semblables, les transformations, les projections. Au moins. Sans doute plus.
Août 2021
C’est le moment de me cultiver. Je pars en famille vers de nouveaux horizons : une expo Morellet, le musée des illusions, Julio Le parc, de quoi nourrir mon imagination ; si je veux enseigner autour des anamorphoses, des illusions, et de π piquant, je dois avant tout apprendre. Une semaine après notre retour d’escapade, mon premier cours en lien avec les projets est prêt, pour les 5e : ce sera une séance qui part de l’illusion de Jastrow, et qui nous emmène dans les translations.
Septembre 2021
C’est la première fois que je teste mon activité illusion de Jastrow. J’ai adoré les réactions perplexes des élèves quand j’ai interverti les deux pièces. Les élèves sont tout de suite devenus actifs : et si on rechange ? Et si on décale ? Et si on met côte à côte ? Et si on superpose ? Ils voulaient comprendre, ont débattu, manipulé, questionné ; le ton était donné de l’enseignement que je cherche à mettre en place : un enseignement vivant, qui déborde sur tous les domaines de la culture, en lien avec l’environnement et le quotidien, en lien avec l’Homme.
Octobre 2021
Chaque semaine, en classe, nous étudions des œuvres en lien avec les anamorphoses : Rousse, Varini, Ok GO, Morpho, Zinn et bien d’autres encore. Les élèves sont inspirés, et me ramènent des essais, des dessins, des constructions. Ma collègue d’arts plastiques se joint à nous, et dorénavant notre collaboration sera constante et productive. C’est pratique, nous investissons le même couloir.
Décembre 2021
Je profite de la première semaine de vacances pour entrer en contact avec mes intervenants scientifiques et artistiques. Dans les deux cas, Nadine Amosse, la correspondante de Normandie pour Regards de géomètre, m’a trouvé des perles : François Abélanet, Nathalie Sayac, Gaëlle Chagny. Les prises de contact sont excellentes, vivement la suite ! Mes intervenants sont en questionnement permanents, fantaisistes, petits pois sauteurs du ciboulot : nous allons bien nous entendre !
Janvier 2022
Nathalie Sayac vient dans ma classe pour nous présenter François Morellet et nous lancer dans les π piquant. C’est dense et intense ! Elle a pu parler aussi de son métier de chercheuse. Car chercher se décline au féminin, et mathématiques est déjà féminin…
Février 2022
J’ai beaucoup, beaucoup de productions de π piquant, dont certaines déjà vraiment remarquables, dans la précision et la mise en valeur. Pendant les vacances, des élèves viennent m’aider à réaliser un gigantesque π piquant sur la place de la mairie de ma commune.
Avril 2022
François Abélanet est deux jours avec nous. Deux jours complètement fous, hyperactifs, fantastiques. Mes élèves ont été vraiment super. Et heureux. Notre bâtiment, qui accueille une salle de maths, la techno et les arts plastiques, est couvert d’anamorphoses. Le midi, les élèves continuent les π piquant : ils peignent, découpent, brodent, et surtout mesurent, tracent, réfléchissent et corrigent. Ces deux jours représentent aussi pour moi un magnifique moment collaboratif, avec les agents qui nous donnent des coups de main décisifs, des étudiants qui se joignent à nous, ma fille qui enseigne la broderie…
De début avril à fin mai
Le midi, mes élèves viennent poursuivre la réalisation de nos projets. Ils sont à fond, et vraiment très autonomes ; c’est assez bluffant. Le cube du coin de la porte est terminé, et le triangle de Penrose du coin de la fenêtre a bien avancé, avec quelques boulettes, mais je crois que c’est son destin, à celui-là. Les anamorphoses en salle d’arts plastiques se développent également. Les brodeurs sont à fond et progressent de plus en plus vite. Une élève a ramené une guirlande lumineuse pour achever le π piquant lumineux et c’est magnifique. Tous ces élèves travaillent d’arrache-pied, trois midis par semaine, en mélangeant les classes et les niveaux. Une véritable équipe au service de belles mathématiques, dans une ambiance joyeuse et déterminée. Les élèves préparent des fresques en couleur pour afficher le nom du collège. Mes élèves de 6e, 5e et 4e se connaissent bien, à présent, se retrouvent avec plaisir. Le plus frappant est peut-être l’autonomie et le sens du collaboratif qu’ils ont développés.
Mai 2022
Hé bien voilà. Nous sommes prêts. Nos anamorphoses sont même filmées pour être diffusées à l’expo : nous ne pouvons pas emmener des morceaux du collège avec nous… Il y a un peu de tension dans l’air : les élèves ont conscience d’avoir réalisé quelque chose de pas ordinaire. Et que c’est le bout de l’aventure.
Fin mai 2022
Nous avons plié les bâches, laissé sécher jusqu’au dernier moment, peaufiné les affichages, rédigé des notices explicatives… Ma voiture est remplie, nous sommes prêts. Je passe un samedi matin, avec mes enfants et les autres participants à l’expo, à afficher toutes les productions. Mais pourquoi avons-nous fait si magistral ??? A afficher, c’est compliqué ; heureusement, le collaboratif joue de nouveau, et avec bonne humeur !
Lundi 30 mai 2022
Aujourd’hui, à 17h, l’exposition ouvre. Quel chemin parcouru, quelle aventure, que de choses apprises toutes et tous ensemble ! En fin de semaine mes classes vont visiter l’exposition et participer à des ateliers mathématiques. Mi-juin, ils participeront à un dernier atelier sur les anamorphoses cylindriques et sphériques. Et ensuite, il sera temps de réfléchir à des nouveaux projets pour l’année prochaine… J’ai des idées, je ne suis pas inquiète.
Claire Lommé