- Comment combler le fossé entre l’école et les parents ?
- Premier « Café des parents » rue de Grenelle
Astreinte à tenir la conférence de presse de rentrée quelques heures seulement après sa nomination, Najat Vallaud-Belkacem a réussi cette épreuve avec le brio de l’ancienne porte parole du gouvernement. Il fallait bien parfois quelques secondes pour retrouver la leçon apprise durant le week-end. Quelques réponses sentaient bon le bois tendre de l’ENA. Mais la ministre a su délivrer un discours qui impose sa marque sur l’Education nationale. Elle a promis de travailler à améliorer les relations parents – école. Cela passe par le maintien de la réforme de l’évaluation des élèves et par une meilleure adaptabilité des formations au marché de l’emploi.
Réconcilier l’Ecole et les parents
« Je suis très heureuse de me mettre au service de la plus belle ambition ». Attaquée avec une violence incroyable, Najat Vallaud-Belkacem (NVB) parle du plaisir qu’elle a à être ministre de l’éducation nationale. Dans les corvées de ce nouveau métier, la conférence de presse est une épreuve qui permet de savoir si le ministre connait ses dossiers. NVB n’en a bien sur qu’une connaissance superficielle. Mais elle a une grande habitude de cet exercice. Elle sait construire une réponse au carré pour camoufler une lacune. Elle a remarquablement retenu l’idée qu’un ministre doit marquer son territoire. A peine arrivée rue de Grenelle, la ministre donne déjà l’orientation de son ministère : réconcilier l’Ecole et les parents.
Pour la ministre, « la clé de la réussite des élèves ce sont des parents et des enseignants qui se comprennent. Il y a trop de parents qui se sont éloignés de l’Ecole. A ces parents je veux dire notre volonté de rétablir les liens. Concrètement, la ministre veut « faire en sorte que tous les matins les parents soient accueillis à l’école ». Mieux, elle rencontrera chaque mois des « parents lambdas » pendant deux heures pour les entendre. Proche du peuple, la ministre de la République s’inspirera de ces rencontres démocratiques…
Pour autant NVB ne gomme pas la signature de B Hamon rue de Grenelle. La conférence nationale sur l’évaluation est maintenue. Mieux ses résultats sont déjà proclamés : il s’agit de promouvoir « une orientation qui stimule et encourage ». La conférence aura bien lieu en décembre. L’appel d’offre pour composer le jury est lancé. La ministre promet ses décisions sur ce sujet pour début 2015.
Adapter l’Ecole au marché de l’emploi
La ministre s’est aussi fixé comme objectif de « réussir l’insertion professionnelle et sociale » des jeunes en ouvrant davantage l’école sur le monde professionnelle. Pour elle il faut « une meilleure correspondance entre diplôme et marché du travail ». Pour accompagner le parcours d’information, d’orientation et de découverte des métiers, la ministre a annoncé une Journée de découverte du monde professionnel dans chaque académie.
En attendant, c’est sur les rythmes que les médias attendaient la ministre. Elle a promis de la fermeté envers « la vingtaine » de maires qui s’opposent à l’application de la réforme. « Les maires sont dans l’obligation d’ouvrir les locaux scolaires. Ne pas les ouvrir c’est se mettre en infraction avec la loi. Les préfets seront mobilisés… L’obligation scolaire ne souffrira aucune exception ».
Il ne reste plus à la ministre qu’à mentionner l’éducation prioritaire et rappeler les nombreuses consultations de cette année. Pour les enseignants du primaire et du collège, celle sur le socle et le programme de maternelle aura lieu du 21 septembre au 2 octobre. Une demi journée sera libérée pour répondre à un formulaire établi par le ministère. La réforme de l’évaluation ce sera après…
François Jarraud
- Comment combler le fossé entre l’école et les parents ?
- Premier « Café des parents » rue de Grenelle
Ce sera sa signature à l’Education nationale. Najat Vallaud-Belkacem veut améliorer les relations entre les parents et l’Ecole. Mais que sait-on de l’état de ces relations ? Et des voies pour les améliorer ? Le ministère est-il à même de modifier les mentalités ?
Deux travaux permettent de faire le point sur cette question. Le grand fossé entre l’Ecole et les parents a parfaitement été illustré par les travaux de Georges Fotinos. Il a révélé par exemple que 32% des personnels de direction et 23% des directeurs d’école avaient été insultés au moins une fois par des parents dans l’année 2013. 76% des personnels de direction et 56% des directeurs ont eu des différents avec des parents. En même temps deux chefs d’établissement sur trois et 40% des directeurs d’école déniaient toute représentativité aux élus des parents d’élèves.
Le rapport de la Mission d’information sur les relations entre l’Ecole et les parents, publié le 10 juillet, a fait le point sur la situation. La Mission aligne aussi des chiffres plus positifs. 67% des parents font confiance en l’Ecole, 79% jugent positivement l’école maternelle et 68% l’école élémentaire. Il n’empêche la défiance est installée, juge la rapport, entre les deux parties. Et le rapport liste les « irritants », les facteurs qui alimentent cette défiance : les problèmes de carte scolaire (un tiers des réclamations des parents chez la médiatrice), l’accueil des jeunes handicapés, les devoirs à la maison, les sanctions et al discipline, les pratiques pédagogiques.
La distance est particulièrement grande avec les familles les plus populaires. « Le rapport avec l’école des parents issus des milieux populaires ou vivant dans la grande pauvreté peut être empreint de méfiance, apprise ou « héritée », voire de rejet. Cette attitude explique « l’absentéisme » de ces adultes dans la vie des établissements », notent les rapporteurs Xavier Breton et Valérie Corre. « On ne peut donc parler, dans ces différents cas de figure, comme on l’entend parfois, de parents « démissionnaires », mais, comme l’a fait M. Jean- Louis Auduc, de « parents désemparés », voire « désespérés » ». Jean-Yves Rochex montre aussi la dimension pédagogique de cette défiance. « La pédagogie mise en oeuvre à l’école repose, depuis plusieurs années, sur le questionnement, l’argumentation et une certaine forme d’autoapprentissage : « L’acquisition des savoirs importe moins que l’appropriation par les élèves, dans un contexte d’apprentissage autonome, des moyens de construire le savoir ». Les méthodes en vigueur présupposent donc que l’enfant qui débute sa scolarité est d’ores et déjà « préparé » à cet environnement pour reprendre l’analyse de M. Jean-Yves Rochex. Tel est le cas des enfants des classes moyennes, qui ont appris, grâce à leur éducation, à soutenir leur propre point de vue et à construire leur propre raisonnement. Les enfants issus des milieux populaires, en revanche, ne disposent pas toujours d’un tel « outillage » et se retrouvent, par la suite, souvent « confrontés » à des enseignants qui, faute d’avoir reçu une formation adéquate, n’ont pas toujours conscience de ces différences ».
La Mission a fait des préconisations qui associent des éléments organisationnels et pédagogiques. Une mesure a déjà été mise en application : la création d’une « semaine des élections » qui donne davantage de publicité aux élections des parents délégués. Le rapport souhaite une explicitation plus grande des attendus de l’Ecole. Il demande que les rencontres avec les parents soient pris en compte dans un aménagement des services des enseignants et dans leur formation. Enfin il souhaite la généralisation et l’extension aux classes charnières, de la « mallette des parents ».
Georges Fotinos avait fait d’autres propositions. Pour lui , la première étape serait de créer un statut du parent délégué d’élèves. En mars 2012, François Hollande s’y était presque engagé devant la Fcpe. La seconde proposition de G Fotinos s’inspire de trois expérimentations. Dans trois communes franciliennes, des instances locales partenariales et consultatives réunissant parents et enseignants ont été instituées dans trois collèges. Elles étaient chargées de suivre les problèmes de vie scolaire, de faire de l’éducation à l’orientation , d’imaginer des situations de co-éducation. Selon G Fotinos, ces « écoles ouvertes » aux parents ont été un grand succès. « J’ai été surpris par leur réussite », a-t-il confié au Café pédagogique. « A Champigny, parents et enseignants ont constitué une association qui s’est installée au milieu du collège. Elle a fait de la médiation avec les familles. Elle a organisé des moments d’éducation en commun enfants , parents et enseignants ». En un an, les conseils de discipline ont disparu. « Grâce à l’ouverture sur le quartier, on a vu venir au collège des familles éloignées de l’Ecole. Le dispositif n’a pas été monopolisé par certaines catégories sociales » nous a dit G Fotinos.
Mais c’est toute la culture de l’Ecole, depuis Jules Ferry, qui tourne le dos aux parents. Pour le moment, accepter la diversité de la cité dans le sanctuaire scolaire reste encore un défi. Peut-on décréter une révolution culturelle ? La question se pose déjà pour la réforme de l’évaluation…
François Jarraud
Le grand fossé
La mission
http://www.assemblee-nationale.fr/14/controle/com_affcult_mi.asp
Et aussi :
L’entretien avec l’élève
Comment mener un entretien constructif avec un élève ? Ces pages du site de l’enseignement primaire parisien détaillent les étapes de l’entretien. Elles indiquent le moment,les questions à poser et aussi la réflexion à mener après l’entretien.
Lisez l’article…
L’autorité parentale en milieu scolaire
La loi a modifié les responsabilités parentales pour les couples divorcés en distinguant actes usuels et actes importants. Une brochure du ministère clarifie les choses en matière scolaire. La brochure, en ligne sur Eduscol, facilitera le travail des CPE et des enseignants. Elle aidera évidemment les parents.
Lisez l’article…
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- Premier « Café des parents » rue de Grenelle
« Passionnant ». Pour Najat Vallaud-Belkacem, le premier « Café des parents » organisé au ministère le 15 septembre a donné lieu à des échanges « formidables ». Mais la ministre a du consulter ses notes pour se rappeler si des problèmes concrets ont été abordés. Elle n’avait pas grand chose à dire aux parents des élèves redoublants qui restent sans place à l’Ecole. Cependant, pour elle, « si on veut reconnaitre aux parents une place à l’Ecole il faut commencer par les accueillir au ministère »…
De 18h à 19h30 le 15 septembre, 11 parents d’élèves, principalement des mères de famille, ont été reçus au ministère de l’éducation nationale par la ministre, accompagnée de Florence Robine, directrice de l’enseignement scolaire, pour le premier « Café des parents ». Les heureux élus n’ont pas tous été choisis par l’administration. Trois élus des parents d’élèves avaient arraché à Najat Vallaud-Belkacem une invitation lors de son passage à Gennevilliers le 3 septembre. Les autres parents venaient de l’école Pajol à Paris 18ème, de deux écoles du 15ème arrondissement parisien, et d’une école de Pantin. Enfin deux personnes ont leur enfant scolarisé dans un collège du 93. Tous sont ravis de cette rencontre. Une mère d’élève qui avait conquis à Gennevilliers son ticket d’entrée rue de Grenelle, explique qu’elle a « appris Gennevilliers » à la ministre. Elle souligne la qualité de l’accueil par la ministre. Elle est certaine qu’après cette rencontre les problèmes de remplacements de professeurs seront réglés.
« On voit à quoi ça ressemble d’être parent en 2014 », explique la ministre à la fin de la réunion. « Ils souhaitent que leur enfant apprenne l’ambition, l’autonomie, le goût de l’effort. Ils veulent que leur enfant s’épanouisse » et sont moins intéressés par la question du diplôme. Selon la ministre, ces parents « ont un discours très constructif sur l’école ». Il ont « beaucoup à dire sur l’évaluation notamment qu’elle soit comprise des parents… Parfois quand on lit les enquêtes, on a l’impression que les enseignants ont le sentiment que les parents ne font pas confiance aux enseignants. Tous les parents ont dit le respect qu’ils ont pour eux, à quel point ils leur font confiance ». La ministre insiste : « il faut arrêter de vivre sur des malentendus. L’immense majorité des parents fait confiance aux enseignants ».
Publié le 10 juillet, le rapport de la Mission d ‘information sur les relations entre l’Ecole et les parents relève aussi que 67% des parents font confiance à l’école. 79% jugent positivement l’école maternelle et 68% l’école élémentaire. Il n’empêche la défiance est installée, juge le rapport, entre les deux parties. Et le rapport liste les « irritants », les facteurs qui alimentent cette défiance : les problèmes de carte scolaire (un tiers des réclamations des parents chez la médiatrice), l’accueil des jeunes handicapés, les devoirs à la maison, les sanctions et la discipline, les pratiques pédagogiques. Georges Fotinos révèle que 3 personnels de direction sur quatre et un directeur sur deux a eu des différends avec des parents dans l’année. 32% des premiers et 23% des seconds ont été insultés au moins une fois. Jean-Yves Rochex explique aussi la dimension pédagogique du fossé entre l’Ecole et les parents. « La pédagogie mise en oeuvre à l’école repose, depuis plusieurs années, sur le questionnement, l’argumentation et une certaine forme d’auto-apprentissage : « L’acquisition des savoirs importe moins que l’appropriation par les élèves, dans un contexte d’apprentissage autonome, des moyens de construire le savoir ». Les méthodes en vigueur présupposent donc que l’enfant qui débute sa scolarité est d’ores et déjà « préparé » à cet environnement », ce qui n’est le cas que des enfants des classes moyennes. Le rapport de la Mission recommande « une explicitation plus grande des attendus de l’Ecole » et une meilleure formation des enseignants aux contacts avec les parents.
Revenant sur son premier Café des parents, interrogée sur les problèmes concrets comme celui des remplacements à l’école Diderot de Gennevilliers, la ministre répond que « les choses sont perfectibles même si ce gouvernement fait beaucoup d’efforts de création de postes ». Interrogée sur les redoublants de terminale des Hauts-de-Seine aiguillés vers un dispositif pour décrocheurs par le Dasen, la ministre parle « d’académie » moins attractive que celle de Neuilly. Puis elle promet que « chacune de ces situations va se résoudre. Aucun de ces élèves ne restera sans solution ». La formule est assez vague. C’est ça l’ennui avec les Cafés des parents tard le soir. Ca empêche de lire ses dossiers.
François Jarraud
A Gennevilliers
Le grand fossé école parents
Le rapport de la Mission
http://cafepedagogique.studio-thil.com/Documents/11072014Article635406678445506805.htm
Sur le site du Café
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