Dédiée « A une génération qui compte », celle des 15-25 ans, la collection ALT s’attaque dans sa dernière publication, Peut-on déjouer les fake news ?, aux fausses informations. Didacticien des sciences et spécialiste des croyances et théories controversées, Richard Monvoisin, professeur à l’université de Grenoble-Alpes, y invite la jeunesse à affuter son esprit critique, à « prouver » plutôt qu’« objecter », à « douter mais avec méthode », et à « tester la résistance des savoirs ». Un court essai plein de vivacité et d’humour, qui interpelle les jeunes lecteurices et leur propose quelques clés pour apprendre à déconstruire « les idées fausses et croyances diverses » qui « déforment notre rapport au monde ».
« Fake news, fake concept ?» : d’abord, savoir de quoi en parle
Richard Monvoisin commence par rappeler que le concept de fake new « n’est pas nouveau ». En 1810 déjà la Chambre des Députés inscrivait dans le code pénal sa volonté de punir les « spéculateurs qui agissent sur la hausse ou la baisse des prix des marchandises par des bruits faux et calomnieux répandus à dessein dans le public ». Et une loi punissait en 1848 « la publication ou la reproduction faite de mauvaise foi de nouvelles fausses de nature à troubler la paix publique ». Quant à « la notion de fake new en anglais est elle aussi ancienne, on en trouve des traces dès 1890 ».
Mais le concept, explique l’auteur, est devenu une sorte de mot parapluie, polysémique et imprécis qui recouvre « trop de choses différentes ». Infos tronquées, mensonges délibérés, interprétations biaisées, éléments de langage orientés… : il s’agit de distinguer les unes des autres pour prendre conscience qu’il existe de « nombreuses façons » de présenter la réalité, qui vont en orienter la signification. Par exemple parler de charge plutôt que de cotisation à propos des retraites, ou parler de l’origine d’un auteur de violences dans certains cas, et pas dans d’autres, « ce n’est pas une fake new, ni une false new », mais cela fait sens et donc cela doit s’analyser.
Ceci posé, force est de constater que les infox, « sont devenues en une dizaine d’années l’objet d’un commerce, celui des sites web de fausses informations » aux effets dévastateurs. Il faut donc apprendre à les débusquer…
Conseils et méthode anti-fake news
Si ces idées fausses se répandent très vite, il est en revanche possible, explique Richard Monvoisin, d’en « démontrer le caractère mensonger ». Et pour ce faire il va proposer à ses lecteurices quelques outils.
Tout d’abord clarifier le sens des mots et en premier lieu distinguer le fait de savoir, du fait de croire. Savoir, c’est être du côte de l’argumentation, de la preuve, de « l’adhésion à une idée » ; croire, c’est être du côté du point de vue, de « la foi en une idée ». D’un côté la réflexion, de l’autre côté, la sensibilité. Les deux ont de la valeur, mais les deux n’ont pas la même valeur, tout comme démontrer, convaincre, persuader relèvent de formes d’argumentation différentes.
Ensuite, faire preuve « d’humilité épistémique », c’est-à-dire accepter de reconnaitre ses erreurs, accepter de douter en se confrontant à des convictions différentes, meilleur moyen d’échapper au « biais de confirmation d’hypothèse » qui pousse notre cerveau à « collecter ce qui le conforte ». Douter donc, mais avec méthode, et sans céder au « tout se vaut ». Belle occasion de découvrir la sophistique avec des élèves de cycle terminal par exemple, ou de décortiquer les notions de « vérités alternatives », « véritude », « post-vérité »…
Enfin, tester « la résistance » d’une idée en ayant toujours en tête trois questions : « Est-ce que la source est habituellement fiable ? Est-ce que l’auteur, l’autrice bosse bien d’habitude ? Est-ce bien son champ de compétences ? Si pas, ou bof à l’une de ces questions, alors il vaut mieux refuser l’info, quel que soit son caractère séduisant. ». Un examen critique des postures ultracrépidarianistes adoptées sur certaines chaines ou émissions d’infos pourra en servir d’illustration en classe. Et ne pas se contenter des « réseaux des entreprises capitalistes centralisées » pour s’informer, car « 1000 tweets, 400 vidéos Instagram ne vaudront jamais un article de presse bien documenté ».
Un petit livre « boite à outils » précieux, facile d’accès et aux usages multiples. Une belle occasion de s’essayer à l’arpentage avec une classe. On pourra préalablement en problématiser la découverte par la projection et l’analyse des films courts The Centifuge brain project (Le projet de centrifuge cérébrale) de Till Novak, savoureuse parodie de documentaire scientifique, ou Révélation : la véritable identité des chats, décryptage très réussi des mécaniques conspirationnistes réalisé par une classe de Seconde d’un lycée de Bondy : formidables pépites et succès garanti !
Claire Berest
Peut-on déjouer les fake news ? Richard Monvoisin. Editions de La Martinière – Collection ALT.
The Centifuge brain project (Le projet de centrifuge cérébrale), Till Novak 6’37 (2011).
« EMI : Un site participatif de Fake News ». A retrouver sur le site du Café pédagogique.
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