« J’ai su en Seconde que je voulais devenir prof d’Histoire-Géographie. J’espère suivre l’évolution des élèves et moi-même évoluer » Quentin Bonneau est certifié en 2024 en Histoire-Géographie. Il répond aux questions du Café pédagogique sur son parcours, sa formation, ses appréhensions comme sa motivation pour le métier de professeur. « C’est une formation qui a été longue, exigeante, fatigante »
Pouvez-vous présenter votre parcours et votre formation ?
J’ai su en Seconde que je voulais devenir prof d’Histoire-Géographie, donc j’ai fait un bac ES parce qu’il y avait plus d’heures d’Histoire-Géographie. Puis, j’ai enchainé avec une Licence d’Histoire avec une option Géographie (2 à 4h par semaine) et un parcours préprofessionnel MEEF à partir de la L2. Le parcours comprenait un approfondissement en Géographie -2h en plus par semaine- et une partie sur le métier de professeur (2h par semaine, mélangé avec les autres disciplines). Ce parcours permettait de faire des stages en établissements : une semaine en L2 et une en L3. Après la Licence, je me suis inscrit dans le Master MEEF 2nd degré proposé par l’université et puisque c’était dans la continuité du parcours préprofessionnel de Licence.
Pouvez-vous parler de ces stages et de votre formation ?
J’ai réalisé ces stages dans mes anciens établissements, au collège et au lycée. Ces stages ont permis de vivre les premières expériences devant les élèves, ce n’était pas que de l’observation, et de suivre les enseignants dans leur quotidien (préparation des cours, évaluations, conseils de classe, concertations pédagogiques…). Stages qui ont été très enrichissants notamment parce que j’ai pu avoir des élèves de la Sixième à la Terminale ainsi que des spé HGGSP.
Le cadre du master MEEF prévoit des périodes de stage que j’ai effectuées dans deux collèges : le premier avec 500 élèves à Cholet (49), donc avec un profil plutôt urbain, le suivant dans un établissement d’une plus petite ville (Les Herbiers – 85) mais avec 1 500 élèves. Ces deux types d’établissement m’ont permis de découvrir des réalités différentes (nombre de collègues, personnels de l’établissement, structures internes, nombre de classes…) et de poursuivre mes apprentissages auprès des élèves et des enseignants.
En ce qui concerne le choix entre pratique accompagnée (SPA) et stage en responsabilité (SER), j’ai choisi le SPA car je trouvais qu’il offrait un meilleur accompagnement. Il me parait important d’avoir un avis extérieur sur ma pratique, chose qui est permise par la présence du tuteur dans la classe. Le SER me paraissait prématuré notamment en M1 où l’on débute, seul devant une classe. Toutefois, je peux regretter un manque de souplesse dans le cadre du stage : par exemple, en SPA, j’aurais pu espérer des évolutions comme celle d’être vraiment seul lors de quelques cours pour voir comment se comportent les élèves sans leur professeur habituel et comment, moi je pouvais gérer ma classe. Quoi qu’il en soit, ce stage de 12 semaines filées entre le M1 et le M2 a été une super expérience, avec un tuteur particulièrement à l’écoute, dans la proximité et l’échange. Il fait partie des personnes qui me motivent et me confortent dans ce métier.
Votre formation comptait donc des cours avec un mémoire, des stages, en parallèle de la préparation du concours. La réforme de la formation des professeurs est discutée ? Quel regard portez-vous sur cette formule de formation ?
Les stages ont été une bouffée d’air frais dans une formation particulièrement exigeante, surtout sur le long terme. Il a fallu enchaîner les périodes de stages, les concours blancs, les examens pour le semestre, les dossiers, le mémoire de recherche, la préparation au concours… Cette charge de travail a parfois pu être compliquée à répartir pour ne pas se laisser déborder. Heureusement, l’institut de formation a adapté son organisation pour nous permettre de réaliser notre mémoire en binôme et dès le M1. Ainsi, nous avons pu rendre notre écrit en novembre 2023 pour une soutenance en janvier 2024 et être libérés pour les écrits du concours, en mars 2024.
Avec mes camarades, nous avons souvent soulevé le manque de concret de la formation et l’écart entre la théorie et la pratique durant nos stages. En effet, certains cours ont pu se révéler « inutiles » à nos yeux. Des journées à rallonge, des cours sans pauses ou des cours où n’étions pas actifs ont pu compliquer notre début de formation et parfois nous démoraliser. En réalité, nos demandes ont été abordées en deuxième année, ce qui a rendu celle-ci plus agréable et concrète pour nous.
Aussi, nous avons régulièrement demandé plus d’heures concernant la préparation au concours. Le CAFEP-CAPES d’Histoire-Géographie étant centré sur six questions très précises en Histoire comme en Géo, il nous demandait un travail très conséquent face auquel les cours ne semblaient pas assez suffisants. Pour autant, nous avons eu différents concours blancs qui ont été utiles pour nous préparer et nous exercer à la méthode des écrits. Pour les oraux, les entraînements ont débuté après les résultats des écrits et nous avons fait en sorte qu’ils collent le mieux à la réalité de Châlons avec une période de mise en loge, un accès à la BU et un oral à la suite.
Votre bilan au regard de la réussite au concours ?
C’est une formation qui a été longue, exigeante, fatigante, parfois compliquée mais qui offre des bases assez solides pour débuter dans le métier. Je pense qu’elle nous a permis d’avoir un panorama assez complet de la réalité d’enseignant.
Le concours est plutôt déconnecté de la réalité du métier notamment sur la discipline Histoire-Géographie : les questions au programme sont sûrement trop précises et en décalage avec les programmes d’enseignement du secondaire. Je m’inquiète souvent d’enseigner des choses que je ne connais pas et que je n’ai apprises ni en Licence ni en Master. Je pense donc que la formation sur la partie disciplinaire et le concours devraient mieux s’adapter aux programmes en vigueur.
Il faudrait ajouter à la formation comment coopérer avec les parents, des éléments sur la posture du professeur (oralité, gestion du tableau, gestion de l’espace-classe…). Des conseils sur la manière de se tenir, de parler, de se comporter seraient des points utiles et nécessaires notamment dans le cas de professeurs qui ont tendance à parler pas très forts ou à être stressés… En somme apprendre à se comporter en professeur. Ça ne prend pas des heures mais je pense que des situations de mise en scène pourraient être plus pertinentes que de regarder et analyser des vidéos.
Un avis sur les projets de réforme de la formation ?
Une nouvelle réforme s’ajoute à une précédente qui a été à peine expérimentée et qui nous laisse perplexes sur la valeur de la formation que nous venons d’avoir. Par exemple, en tant que délégué de ma promo, il était compliqué d’envisager des améliorations pour nos camarades de M1 étant donné que la formation allait être bouleversée et que nos formateurs manquaient d’informations sur cette réforme.
Toutefois, je ne suis pas certain qu’un concours en L3 permette d’attirer plus d’étudiants vers le métier de professeur. Je vois mal des étudiants en Licence se trouver une vocation pour le métier en passant le concours en L3 et ensuite se rendre compte que ce n’est pas ce qu’ils attendaient après avoir eu le concours. Dans la mouture actuelle, il ne me semble pas dérangeant d’attendre le M2 pour passer le concours. Le Master et les stages ont le mérite de nous permettre de savoir si l’on veut réellement passer le concours et faire ce métier.
En plus, se pose la question de l’harmonisation des enseignements en Licence d’Histoire ou de Géographie : y a-t-il aussi une licence spécifique pour les futurs enseignants du secondaire ?
Aussi, il me parait assez compliqué d’enseigner dès 21 ans, certes à mi-temps en particulier si les étudiants sont dans un lycée. Moi-même je me vois mal devant une classe de Terminales qui ont seulement 5 ans de moins que moi.
La question se pose aussi pour les M2 recalés de cette année et les M1 : quels concours pourront-ils passer ? Quelles modalités pour leur entrée dans le métier au niveau de la formation continue alors qu’ils sont détenteurs d’un master MEEF… En somme, plein d’interrogations qui peuvent laisser perplexes.
Des appréhensions sur le métier ?
Des appréhensions, il y en a forcément : être en stage quelques semaines, trois d’affilée maximum, ce n’est pas être dans le quotidien d’un établissement, il faut désormais apprendre à s’insérer dans la vie d’un établissement, dans une progression… Voir sur le long terme d’une année scolaire est donc quelque chose d’assez effrayant dans la mesure où je ne l’ai jamais fait. Mais je ne doute pas que mes collègues seront présents pour m’accompagner. Quoi qu’il en soit, il est évident que la première année ne sera pas parfaite mais bien faire me tient particulièrement à cœur étant donné que je suis plutôt perfectionniste.
Coopérer avec les parents est aussi intimidant à mes yeux à cause de l’âge. Un jeune qui parle à des parents de leurs enfants ça peut être compliqué à accepter. Une certaine « légitimité » est certainement à trouver mais je pense qu’elle viendra avec le temps. Peut-être que cela se passera très bien mais ce point reste une préoccupation pour moi. Toutefois, durant mon stage j’ai suivi une formation avec mes collègues sur la gestion des conflits qui m’a permis de relativiser et de mieux me préparer à cela. Cette partie du métier serait d’ailleurs un point à insérer en formation car il en était totalement absent.
Quelle est votre motivation principale dans votre choix de devenir professeur ?
Malgré ce « parcours du combattant », la motivation reste intacte pour faire grandir nos élèves et les éveiller aux enjeux du monde d’aujourd’hui. Je pense qu’à l’heure actuelle l’École reste un enjeu de société majeur notamment dans la construction des futurs citoyens et adultes que seront nos élèves. Cet enjeu m’anime particulièrement et renforce ma volonté d’être enseignant, d’être un juste milieu entre proximité, autorité et respect. Des valeurs communes se retrouvent dans ces dimensions : l’accompagnement, le dépassement de soi, la confiance, l’écoute, le soutien…
Comment préparez-vous votre première rentrée ?
Je connais mon établissement pour la rentrée mais l’attente a été longue. On ne sait pas qui joindre entre l’enseignement catholique ou le rectorat. Cette annonce tardive retarde aussi la prise de contact avec les établissements qui bien souvent sont fermés. Joindre les directeurs peut parfois être compliqué aussi pour cette raison. L’installation et la préparation ne sont pas optimales et c’est vraiment compliqué de se projeter quand on est face à cela. Pour autant, j’envisage cette année comme une année de découverte où j’ai d’abord envie de prendre plaisir, de bien faire et de partir sur de bonnes bases pour les années à venir !
Un métier pour toute la vie ?
Une autre chose que j’appréhende plus ou moins concerne également la longévité dans le métier. J’espère suivre l’évolution des élèves et moi-même évoluer pour ne pas devenir l’image du prof que j’ai en contre-exemple : celui d’un prof dépassé, blasé de venir travailler, « aigri » avec les élèves, subissant et ne prenant plus plaisir d’apprendre à leurs côtés. Malgré tout, je reste convaincu que c’est un métier passion. Certes, il demande énormément de temps et d’énergie mais il reste gratifiant de voir nos élèves réussir, grandir et mûrir.
Propos recueillis par Djéhanne Gani