Revalorisation des enseignants, avenir du lycée professionnel, santé scolaire : les députés ont débattu en séance le 3 novembre du budget de l’éducation nationale 2024. Si les commissions avaient sensiblement modifié le projet gouvernemental, une fois en séance il n’y a plus de majorité pour, par exemple, rétablir les postes d’enseignants supprimés. Cependant des amendements sont adoptés au bénéfice du personnel de santé scolaire. L’Assemblée doit débattre ce lundi de l’avenir des PAS qui, pour le gouvernement, doivent remplacer les PIAL. Les commissions des Finances et de l’Education les ont rejetés. Le 49-3, dont l’ombre pèse sur les débats, pourrait vaincre cette résistance…
Le budget passe le cap de l’Assemblée
– » Beaucoup d’hommages ont été rendus ce soir, aux professeurs, aux AED, aux CPE, aux AESH, aux lycées d’agricole, mais dès qu’il s’agit de convertir ces belles paroles en actes, il n’y a plus personne ! On nous donne rendez-vous à l’après 49.3 ! »
– « Et les 86 milliards ? C’est plutôt une belle conversion ! » Cet échange entre Paul Vannier, député LFI, et Robin Reda, député Renaissance et rapporteur de la mission éducation pour la loi de Finances 2024, résume la première journée de débats, le 3 novembre sur le budget de l’Education nationale. Au soir de la première journée, le budget prévu par le gouvernement est globalement maintenu, même si l’article de la loi de finances qui a rencontré la plus vive opposition, sur l’école inclusive (art 53), n’a pas été examiné.
Pourtant ce même texte avait été modifié en profondeur en commissions. Le 18 octobre, la commission de l’éducation avait voté des crédits pour rétablir les postes enseignants supprimés en 2024. Le 28 octobre, la commission des Finances avait revalorisé les AESH et le personnel de santé du ministère. Elle avait aussi recalé les PAS que le gouvernement veut mettre à la place des PIAL.
Un budget « historique » ?
Le 3 novembre, les députés sont partagés sur le budget. Pour G Attal, » le budget pour 2024 est le carburant qui rendra possible l’ambition qui est la mienne : élever le niveau de notre école… Lors des quinquennats précédents, jamais nous n’avons connu une telle augmentation. C’est un choix historique » ajoute-il reprenant l’adjectif favori de JM Blanquer. Pour Robin Réda, « L’histoire de ce budget, c’est l’histoire d’une promesse tenue : celle du Président de la République de réarmer nos services publics et, en particulier, l’éducation nationale. Une école de l’excellence, c’est possible, et ce budget tourne définitivement le dos à la logique du nivellement par le bas« . L’opposition ne voit pas les choses sous cet angle. » En supprimant 2 700 postes d’enseignant, le Gouvernement cautionne les classes surchargées qui nuisent à l’apprentissage des élèves comme aux conditions de travail des enseignants« , remarque Fatiha Keloua Hachi pour le PS. » Les écologistes regrettent que le milliard d’euros mobilisé pour le pacte enseignant n’ait pas été utilisé pour financer l’augmentation inconditionnelle de 10 % de leur rémunération à tous« , déclare Francesca Pasquini pour les écologistes. « Ce budget poursuit la politique de destruction du service public de l’éducation engagée depuis six ans par Emmanuel Macron, qui a mené, depuis 2017, à la fermeture de 2 000 écoles et à la suppression de plus de 10 000 postes de professeurs. Vous n’avez qu’une priorité : l’école privée, dont les crédits pour 2024 croissent encore davantage que ceux octroyés à l’école publique. Après six années de macronisme, l’école publique approche d’un point de bascule. Elle est en passe de connaître un effondrement comparable à celui que connaît déjà l’hôpital public. La crise de recrutement, l’émergence d’un véritable marché éducatif et le creusement des inégalités scolaires en sont les symptômes les plus évidents« , diagnostique Paul Vannier pour LFI.
G Attal face à la revalorisation manquée
Bien sûr la revalorisation « historique » des enseignants fait l’objet de nombreux amendements de l’opposition, par exemple le 1708 déposé par LFI pour augmenter les salaires de 18%, le 2128 des écologistes pour imposer les 10% de hausse promis. Ils sont tous rejetés par les partis présidentiels et la droite. » La revalorisation décidée par le Gouvernement s’approche d’ailleurs de ce que préconise votre amendement, mais plutôt à la hausse, puisque nous en sommes à près de 20 % de revalorisation pour les enseignants en début de carrière« , ose répondre R Réda à l’amendement LFI.
Gabriel Attal est plus modéré et plus retors. » Nous réalisons le rattrapage de ce qui n’a pas été fait ces dernières décennies… J’entends parfaitement ceux qui voudraient que l’on fasse davantage, mais vous ne pouvez pas nier que cette hausse est sans précédent depuis plusieurs décennies. Nous sommes en train d’effacer une génération de déclassement salarial« , dit-il. Répondant à l’amendement écologiste porté par F Pasquini, une ancienne enseignante, le ministre répond : » j’ai demandé à mes équipes de procéder à une simulation vous concernant : il en ressort que si vous étiez restée enseignante, vous auriez gagné 321 euros nets de plus par mois entre avril 2022 et janvier prochain. Je précise que j’ai fait procéder à la même simulation pour chacun de vos collègues concerné et que je suis prêt à fournir à chacun les données qui le concernent et à échanger sur cette base« … Laurent Croizier, pour le Modem, ouvre une perspective : « Nous saluons la revalorisation. Il sera nécessaire de poursuivre ce mouvement car, à qualifications égales, les enseignants sont moins payés que les autres fonctionnaires de catégorie A« .
Les personnels de santé scolaire revalorisés
Finalement seuls les personnels de santé de l’éducation nationale trouvent une majorité pour un coup de pouce budgétaire. Des amendements PS et Renaissance sont adoptés pour revaloriser de 5% les salaires des infirmières scolaires. Pour R Réda, cette revalorisation doit s’accompagner « d’une réorganisation de leur travail« , vieil objectif du parti présidentiel depuis 2017. D’autres amendements adoptés à une très large majorité, revalorisent de 5% les médecins scolaires. Enfin un amendement modem trouve des millions pour créer des brigades anti-harcèlements avec le soutien du ministre. LFI soutient mais relève que les partis présidentiels ont voté contre la création de postes d’AED et de CPE supplémentaires…
Les problèmes sociaux sont-ils solubles dans le marketing ?
Plusieurs amendements LFI visent à rendre l’école réellement gratuite, en finançant la cantine ou les fournitures scolaires. Quand le ministre semble en difficulté c’est la député Renaissance Cécile Rilhac qui monte, à nouveau, au créneau pour faire repousser les amendements. G Attal ressort une vieille idée : résoudre une question sociale par le marketing. Mais G Attal vise l’électorat macroniste. « Je nourris une préoccupation supplémentaire, particulièrement en période d’inflation, à l’égard de tous ces ménages et de toutes ces familles qui sont toujours au-dessus des seuils. Ce sont des gens qui travaillent, souvent, et qui ne peuvent pas bénéficier des aides existantes… Comme je l’ai annoncé au moment de la rentrée, je travaille donc actuellement, en concertation avec les associations de parents d’élèves, à un système organisé par l’éducation nationale qui nous permette, grâce à des achats groupés, de faire baisser les prix« . Xavier Darcos, il y a plus d’une décennie, avait déjà lancé cette idée sans que cela ne débouche sur rien d’intéressant…
« En même temps » dans la réforme du LP…
Un échange intéressant a lieu sur le lycée professionnel suite à un amendement LFI demandant une allocation pour les lycéens professionnels (qui sera repoussé). » Je vous rejoins lorsque vous dites qu’il faut renforcer les heures dédiées aux savoirs fondamentaux, soit le français et les mathématiques – ce à quoi j’ajouterai l’histoire-géographie et l’enseignement moral et civique (EMC)« , répond G Attal. « Mais, contrairement à vous, j’estime qu’on peut tout à fait augmenter la durée passée en stage en entreprise et, en même temps, augmenter le volume horaire consacré au français, aux mathématiques, à l’histoire-géographie et à l’EMC… On a pu voir une diminution des heures de français et de mathématiques ces dernières années. Maintenant – et j’assume de le dire –, je pense qu’il faut faire le chemin inverse. On ne peut pas vouloir un choc des savoirs fondamentaux et ne pas revaloriser cette grille horaire des lycées professionnels« . Mais comment doubler la durée des stages en terminale professionnelle et augmenter la durée des enseignements fondamentaux ? Pour le moment, les décisions annoncées par le ministère terminent les cours en mars en terminale et réduisent encore plus la durée des enseignements. On peut douter de l’efficacité de faire revenir les élèves en fin d’année pour remettre des cours quand le bac est joué…
En attendant le 49-3
L’examen du budget de l’Education nationale doit se poursuivre le 6 novembre avec notamment les articles 53 et 54. L’article 54 prévoit de mettre fin à la subvention des activités périscolaires des communes à 4.5 jours. Le gouvernement devrait accepter le report d’un an de cette mesure.
C’est l’article 53 sur les PAS (pôles d’appui à la scolarité) qui va opposer fortement les députés et le gouvernement. Devant la croissance des demandes d’AESH, le ministère a d’abord créé, sous JM Blanquer, les PIAL pour partager davantage les AESH attribués par les médico-sociaux des MDPH. Les PAS veulent aller plus loin en décidant de l’attribution des AESH ce qui redonnerait la main à l’éducation nationale sur une ressource humaine qu’elle finance. Cette perspective a rencontré une très forte résistance en Commission des finances, même auprès des partis présidentiels. Celle-ci devrait d’autant plus se retrouver en séance que l’ombre du 49-3 plane sur l’Assemblée. Interrogé par Léo Walter (LFI) sur le maintien des amendements adoptés en séance dans le projet de loi présenté après un 49-3, Gabriel Attal s’est bien gardé de répondre…
François Jarraud
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