Après un appel du Snuipp Fsu, le premier syndicat du premier degré, à ne pas remonter les résultats des évaluations nationales et la promesse de Sud Education et du Sgen Cfdt de soutenir les enseignants qui ne les feraient pas passer, le ministère monte au créneau. Le Sien Unsa, premier syndicat d’inspecteurs du 1er degré, manifeste aussi son soutien aux évaluations. De quoi faire fuir le fantôme des désobéisseurs ?
Des critiques montantes
Sur le papier les évaluations nationales de CP et Ce1 débutent ce 17 septembre et doivent avoir lieu avant le 29. Mais dès leur distribution dans les écoles, les évaluations sont critiquées pour les « pièges » qu’elles contiennent. Leur finalité inquiète également : ne s’agit-il pas de mettre les écoles en concurrence en publiant les résultats, voire d’évaluer chaque enseignant ? Des enseignants publient des tribunes qui interrogent les finalités des évaluations : Sylvain Grandserre le 3 septembre, puis S Grandserre et C Forcadel le 12. Le 13 septembre, le premier syndicat du primaire, le Snuipp Fsu, publie un appel invitant les enseignants à surseoir. » Il les appelle « à reprendre la main sur l’évaluation, acte inhérent à la fonction d’enseignant, à ne pas les faire passer dans l’immédiat, ne pas saisir les réponses et à faire remonter les besoins de terrain ». Le syndicat publie également les livrets élèves des évaluations.
Un communiqué ministériel
La riposte ne tarde pas. Elle vient d’abord du Conseil scientifique qui est à l’origine des évaluations; F Ramus publie un communiqué rassurant sur leurs finalités. Le 14 septembre, le ministère met en ligne une déclaration qui vise à rassurer les parents. » Conçues au plan national, (les évaluations) offriront aux professeurs un point de repère précis sur les acquis et les besoins de chacun de leurs élèves. L’objectif n’est pas de noter ou de classer les enfants, ni d’établir des moyennes des classes, mais de connaître les compétences de chaque élève nécessaires pour un bon apprentissage de la lecture et des mathématiques. Il s’agit d’une aide pour le professeur, qui pourra ainsi mieux adapter son enseignement, pour mieux accompagner les élèves vers la réussite… Ces tests ont été conçus et sont proposés aux élèves dans un esprit de bienveillance. » Ce communiqué n’apporte aucune réponse aux questions des enseignants.
Le « Oui mais » des inspecteurs
Mais le soir c’est le SiEn Unsa, premier syndicat des inspecteurs du premier degré, qui vole au secours des évaluations. « Celles-ci ont été élaborées en associant des universitaires, des inspecteurs et des enseignants. Leur finalité a été précisée et leur champ d’application circonscrit pour éviter les risques de comparaisons inter-établissements, ce qui nous semble tout à fait indispensable. Il est évident que la passation des évaluations crée une forme de contrainte, ainsi qu’une charge de travail non négligeable pour les enseignants. Il faut cependant apprécier en contrepartie ce que les résultats de l’évaluation sont susceptibles d’apporter en termes d’efficacité au service des élèves… Pour toutes ces raisons, le SI.EN UNSA appelle chacun à laisser de côté les postures pour s’engager dans une utilisation raisonnée des évaluations, ces dernières étant à considérer comme des outils pour aider les enseignants, aidés par les corps d’encadrement et tout particulièrement par les inspecteurs, à mieux mesurer les besoins de leurs élèves et à participer ainsi à la construction d’un système éducatif plus juste et plus efficace ».
Interrogé par le Café pédagogique le 15 septembre, Patrick Roumagnac, secrétaire général du SIEN Unsa, apporte quelques éclairages à cette déclaration. « Les évaluations sont indispensables pour permettre aux enseignants de construire des pédagogies plus efficaces », nous a-t-il dit. « Les évaluations n’ont pas été faites pour comparer les écoles. Il y a des garanties claires dans le protocole avec l’anonymisation des résultats ». Mais c’est aussi pour nuancer la position de son syndicat. « Si on les dévoie ce serait une catastrophe », ajoute-il. « Exploiter les résultats des élèves pour travailler sur les résultats et verser des primes différentes serait calamiteux ». Il juge que ce serait contradictoire avec les propos ministériels demandant aux inspecteurs d’être davantage des accompagnateurs des enseignants. »
Que fera le SIEN face à d’éventuels désobéisseurs ? « On ne fera pas pression sur les enseignants », nous dit P Roumagnac. « Ce serait contraire avec nos positions. Si un enseignant est convaincu qu’il y a un danger on ne vas pas le contraindre. C’est le professeur qui décide ».
Le même soir le Sgen Cdt marquait son soutien aux enseignants. » Compte tenu des critiques sur le contenu des évaluations et l’utilisation des résultats (risque de classement, de comparaison entre écoles-circonscriptions…), là où les équipes enseignantes jugeront que la remontée des évaluations n’est pas utile, le Sgen-CFDT les soutiendra dans leur démarche ».
François Jarraud