Le futur programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle qui doit être présenté le 12 décembre prochain au Conseil supérieur de l’éducation pour une mise en application à la rentrée 2025 a donné lieu à une véritable cacophonie ministérielle mais, plus grave encore, a mis sous la lumière l’idéologie ultra-conservatrice du ministre délégué à la réussite scolaire Alexandre Portier.
Rappelons tout d’abord que ce programme d’éducation à la vie affective, promesse faite en 2023 par l’ex-ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye, s’inscrit totalement dans la loi de 2001 qui prévoit notamment des cours d’éducation sexuelle à raison de trois séances annuelles obligatoires de la maternelle au lycée mais qui, en réalité et faute de moyens, n’est que très peu appliqué.
Un programme élaboré par des experts
Rappelons ensuite que ce programme finalisé en décembre 2023, élaboré par des experts, a recueilli l’avis unanime du conseil supérieur des programmes et vise notamment à déconstruire les stéréotypes filles-garçons, à prévenir les attitudes et réflexes sexistes, voire homophobes et, à partir de la classe de 5ème au collège, à aborder la différence entre le genre, le sexe et l’orientation sexuelle.
Comment dans ces conditions et au vu de l’ensemble de ces éléments, un secrétaire d’état, soutenu dans un premier temps par la Ministre de l’Education nationale elle-même, peut-il déclarer au Sénat « qu’il faut effectivement un programme … mais qu’il est hors de question de laisser faire tout et n’importe quoi » et qu’il « s’engagerait personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans les écoles ».
Comment une ministre peut-elle abonder dans le sens d’un secrétaire d’état qui attise les peurs sur la base de contre-vérités, faisant ainsi le jeu d’associations ultra-conservatrices certes encore minoritaires mais particulièrement agissantes, dangereuses, véhiculant des valeurs et des idées de droite-extrême et d’extrême-droite entretenues par des médias complaisants, trop heureux de semer la confusion, les mensonges et les angoisses dans l’opinion publique ?
« Une posture visant d’abord et avant tout à asseoir son autorité sur un secrétaire d’état »
Si la Ministre Genetet a dans un second temps quelque peu revu son jugement sur ce projet en déclarant que « la théorie du genre n’existe pas » et que « ce programme, je le pilote », chacun comprendra qu’il s’agit là d’une posture visant d’abord et avant tout à asseoir son autorité sur un secrétaire d’état qui jusqu’ici occupe le devant de la scène, faisant de l’ombre à sa ministre de tutelle.
Cette nouvelle saillie ultra-conservatrice contre l’école de la République et ses missions n’est pas sans rappeler la violence avec laquelle les « ABCD de l’égalité » proposés par Najat Vallaud-Belkacem en 2014 avaient été combattus par les mêmes qui aujourd’hui encore s’opposent au travail pourtant indispensable de lutte contre les stéréotypes entre filles-garçons dès le plus jeune âge, obligation légale et mission fondamentale de l’Education nationale.
« Notre école publique mérite bien mieux »
Face aux réactionnaires qui n’ont d’autres ambitions que de semer la peur et le conflit au sein des établissements scolaires, rappelons avec force et conviction que ce programme vise d’abord et avant tout à rectifier les manquements actuels sur ce sujet crucial de l’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité pour nos élèves dont on sait que depuis la loi de 2001 à peine 15% d’entre eux bénéficient de ce programme.
Notre école publique mérite bien mieux que des dirigeants politiques imprégnés d’une idéologie conservatrice et rétrograde, aux antipodes des problématiques de santé publique qui plus que jamais traversent notre société et donc notre jeunesse.
Yannick Trigance
Conseiller régional Ile-de-France