Yannick Trigance réagit au discours de politique générale du Premier ministre Michel Barnier et à ses deux petites minutes consacrées à l’École. Comme souligné le 2 octobre 2024, l’élu du conseil régional d’Ille-de-France dénonce l’appel aux professeurs retraités pour pallier le manque de professeurs et la confusion entre « absence » et « manque » de personnels. Il déplore le « discours ministériel sur l’École (qui) fait totalement abstraction du sujet majeur qui chaque jour mine un peu plus notre système éducatif : celui de la lutte contre les inégalités scolaires ».
Après la nomination d’une Ministre de l’Education totalement novice en la matière, la déclaration de politique générale du Premier ministre Michel BARNIER devant les député.es ce mardi 1er octobre 2024 a définitivement de quoi inquiéter toutes celles et ceux qui considèrent que l’École doit être au cœur de tout projet de société.
Derrière la formule pompeuse de « l’école, voilà qui reste la priorité ! » -une priorité qui a occupé 2 minutes dans un discours d’1h30…-, le nouveau Premier ministre n’a trouvé d’autre solution que celle qui, par exemple, consiste à « faire appel à des professeurs retraités volontaires » pour répondre au « défi posé par le remplacement des professeurs absents ».
Ajouté à des propos plus que généraux comme ceux du « bon fonctionnement » des établissements ou encore de solutions à trouver pour « mieux soutenir les élèves en difficultés, consolider les savoirs fondamentaux, améliorer l’accessibilité des élèves en situation de handicap et l’inclusion scolaire », ce passage du discours ministériel sur l’École fait totalement abstraction du sujet majeur qui chaque jour mine un peu plus notre système éducatif : celui de la lutte contre les inégalités scolaires.
Cette lutte contre les inégalités totalement absente des propos ministériels doit nous conduire à réaffirmer notre attachement au service public d’éducation contre toutes les formes de privatisations avouées ou masquées : l’École n’est pas à vendre, elle est notre bien commun. Il faut un coup d’arrêt à ces politiques éducatives conservatrices qui dessinent une École à plusieurs vitesses en promettant « une place à chacun » mais en pensant « chacun à sa place ». L’égalité réelle a besoin de plus de moyens matériels et humains, au plus près des besoins des territoires et des établissements.
Pas d’école au rabais, mais l’excellence éducative pour tous et la réussite scolaire de chacun.e. Nous avons besoin d’une école publique qui contribue à l’élévation générale du niveau de formation. Cela implique de rompre avec un système qui privilégie la compétition entre les établissements scolaires plutôt que leur émulation, qui finit par créer des « ghettos scolaires » en triant les élèves en fonction de leur origine sociale comme l’a révélé la publication des Indices de Position Sociale –les IPS-.
Vouloir l’égalité, c’est choisir d’investir l’argent public pour lutter contre les inégalités, pas pour les conforter. Et si l’École a un coût, c’est d’abord et avant tout un investissement dans l’avenir de notre pays, n’en déplaise au Premier ministre qui a fait de la réduction des dépenses l’alpha et l’oméga de sa politique.
Le « droit à l’école » doit exister autrement qu’en théorie, en permettant à chaque élève une orientation choisie et une formation de qualité. Aucun élève ne devrait quitter prématurément l’école parce qu’il n‘y trouve pas sa place. Et lorsque le Premier ministre parle de « valoriser » nos filières professionnelles », qu’il commence à permettre à nos lycéens de ces filières de bénéficier de cours de philosophie –ils en sont aujourd’hui privés- et de volumes horaires de français et de mathématiques au même niveau que leurs camarades des filières générales et technologiques !
Ces dernières années, la détérioration des conditions de travail des personnels et enseignants, une gestion des relations sociales autoritaire et injonctive, un déclassement salarial, une dégradation de la formation initiale et continue des enseignants, générant par la même un recours massif aux personnels contractuels sous-payés et sans formation, ont considérablement affaibli notre École publique.
Et face à la baisse drastique du nombre de candidatures et d’admis aux concours de recrutements, face à la forte augmentation des demandes de ruptures conventionnelles et des démissions d’enseignants totalement désabusés et découragés, convenons que l’appel du Premier ministre aux « professeurs en retraite » relève d’une véritable provocation tout comme sa confusion –volontaire ?- entre professeurs « absents » et « manques » de professeurs.
A l’opposé de cette politique ultra-libérale mise en œuvre par Emmanuel Macron et ses 5 ministres depuis 7 longues années, et que le Premier ministre Barnier n’a pas démentie dans son discours, les chantiers à engager pour replacer notre école au cœur des défis de la société sont connus de tous : donner aux enseignants les moyens d’accomplir leurs missions avec une véritable formation initiale et continue et une revalorisation des carrières, créer un nouveau service public de l’accompagnement éducatif individuel, universel et continu de chaque jeune, faire de chaque établissement avec ses partenaires un écosystème de réussite scolaire et de bien-être éducatif, respecter la liberté pédagogique des enseignants, promouvoir partout des partenariats renforcés entre l’Éducation nationale et les collectivités locales ainsi qu’avec le monde de l’éducation populaire, amplifier la politique de mixité sociale et scolaire au sein de tous les établissements concourant au service public d’éducation –mixité sociale totalement absente du discours de politique générale-, mettre en œuvre une nouvelle politique de santé scolaire environnementale, réinventer les parcours de professionnalisation et la formation tout au long de la vie…
Et si le temps est nécessaire pour remettre notre système en place, pour autant des solutions d’urgence existent : augmentation du nombre de fonctionnaires stagiaires des candidats actuellement sur liste complémentaire ; recrutement en nombre suffisant de personnels sécurisés professionnellement et financièrement ; abaissement des effectifs grâce notamment à la baisse de la démographie scolaire ; recrutement d’assistants d’éducation et de personnels accompagnants pour les élèves en situation de handicap (AESH), d’Assistants d’éducation (AED)…
C’est bel et bien un enjeu qui consiste à « penser » l’Ecole sur le temps long mais aussi à « panser » dès maintenant le service public d’éducation tellement fragilisé, maltraité depuis 2017 en termes de moyens, de brutalisation managériale et de caporalisation des personnels, d’hyper-sélection des élèves et de suppression de tout dialogue social éducatif avec les enseignants comme avec les familles.
Autant de mesures qui permettront concrètement la réhabilitation et la promotion d’une École publique de l’égalité et de l’émancipation, d’une école qui accueille tous les élèves et qui garantit la réussite de tous nos jeunes.
C’est le défi d’aujourd’hui et de demain : c’est celui de l’avenir de notre jeunesse, et il commence par l’École.
Yannick Trigance
Conseiller régional Ile-de-France