La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) vient de publier dans son intégralité l’enquête « PRAESCO », dont le Café a commenté les premiers résultats en avril 2024, consacrée aux Pratiques d’Enseignement Spécifiques aux Contenus, en classe de CM2, en français. Pendant de l’enquête menée en mathématiques en 2019, elle porte sur l’année 2020-2021 et a mobilisé un échantillon représentatif de 1674 enseignant·es en France. Elle a retenu deux domaines d’étude : la compréhension de l’écrit et l’étude de la langue. Une enquête exhaustive et très documentée qui pointe certaines difficultés rencontrées, illustre la diversité des modalités d’enseignement et soulève, parmi d’autres, les questions suivantes :
Comment les enseignant·es font-elles et font-ils face à l’hétérogénéité des élèves, qu’iels citent à 81% comme un des principaux facteurs de difficulté pour l’enseignement du français après le « manque de temps pour aider les élèves qui en ont besoin » ? Deux facteurs d’ailleurs aussi évoqués en 2019 par les professeur·es de CM2 à propos de l’enseignement des mathématiques. L’enquête montre que si la gestion des écarts de niveaux est « au cœur des préoccupations » des enseignant·es, et si près de 70% d’entre elles et d’entre eux estiment important de mettre en place des « activités amenant les élèves à travailler individuellement selon des parcours personnalisés », iels sont en revanche seulement 39 % à y avoir recours fréquemment, jugeant à 67% « difficile » leur mise en place, et se sentant à 63% en manque « de pistes disponibles pour aider les élèves qui en ont besoin ». On ne s’étonnera donc pas que, selon l’enquête internationale Talis, 28 % des professeurs·es des écoles aient exprimé en 2018 « un besoin élevé en formation continue aux approches pédagogiques individualisées, plaçant la France en tête des pays européens enquêtés »…
En quoi les caractéristiques personnelles influent-elles sur les pratiques ? On apprend à la lecture de l’enquête que si l’âge, et donc l’expérience, est un critère important dans la mise en place d’ « approches favorisant l’engagement des élèves dans une réflexion active sur leur propre apprentissage », le critère du sexe en est aussi un puisque « les femmes sont plus nombreuses à favoriser des pratiques collaboratives entre élèves » et considèrent « comme « important » ou « très important » de mettre en place des activités amenant les élèves à travailler en petits groupes (71 % contre 60 %) et à le faire fréquemment (51 % contre 41 %). Les hommes sont quant à eux, « moins nombreux à prendre fréquemment appui sur les travaux des élèves pour construire les apprentissages ». Ils sont aussi moins nombreux, de manière générale, à recourir « au numérique pour l’enseignement du français, que ce soit dans le cadre de la préparation de leurs séquences et séances ou lors de la mise en œuvre des enseignements dans la classe ». Un constat bien différent de ce que certains clichés continuent encore souvent de véhiculer…
Où en est-on de l’adoption d’un enseignement « plus explicite », clarifiant, notamment, les objectifs d’apprentissage avant la mise en place d’une activité complexe ? Comment les enseignant·es se sont-iels emparé·es de cette préconisation récente ? Iels semblent en réalité être très peu à en suivre à la lettre les différentes étapes, optant souvent pour tout un ensemble de pratiques qui oscillent de l’enseignement découverte, à l’enseignement plus explicite, selon leur contexte professionnel ou leurs caractéristiques personnelles. L’opposition « la plus structurante pour capter l’orientation pédagogique des enseignants » se situe-t-elle aujourd’hui plutôt au niveau du choix de supports entre celles et ceux « qui pensent (…) qu’il faut confronter les élèves à des supports et des activités complexes » et celles et ceux « qui, au contraire, pensent qu’ils apprennent mieux en travaillant sur des supports simples (…) proposant des formes d’aide au moins au départ » ? Sur ce sujet aussi le décalage entre préconisations programmatiques et pratiques mises en place sur le terrain est sans doute à interroger…
Claire Berest
Pratiques d’enseignement du français en classe de CM2 : étude PRAESCO publiée par la DEPP
A retrouver sur le site du Café pédagogique à propos des premiers résultats de l’enquête :
Praesco : une enquête sur les pratiques d’enseignement du Français