« Si à 50 ans tu n’es pas chef d’établissement, c’est que tu as raté ta vie », n’a pas dit Jacques Séguéla… Avec un concours de recrutement en berne et une charge de travail en hausse, les chefs d’établissement « souffrent des réformes successives à mettre en place dans l’urgence », écrit l’IGSER. Paru ce mois-ci, le rapport de 70 pages montre une diminution des candidats pour être chef d’établissement et une augmentation de leurs arrêts maladies. Cependant « les fonctionnaires de l’Etat les mieux rémunérés » restent « loyaux envers l’institution ».
Quel est le profil type du directeur de collège ou de lycée ?
« Le chef d’établissement est un homme de 54 ans, ancien professeur certifié ou CPE, devenu personnel de direction à 41 ans et resté adjoint pendant 7 ans », souligne le rapport rédigé par des inspecteurs généraux et rendu public ce mois de septembre. En France, l’ensemble collège-lycée public comptent 7500 personnels de direction. L’enquête ici a été faite dans les académies de Créteil, Dijon, Lille, Nice, Rennes, La Réunion et Toulouse. A noter, qu’il y a davantage d’hommes proviseurs de lycée que de femmes (37%).
Des avantages indéniables
Côté salaires, « les chefs d’établissement figurent parmi les fonctionnaires de l’État les mieux rémunérés ». Ils touchent en moyenne une rémunération nette mensuelle globale de 4 407 €, avec une légère différence entre les hommes (4 466 € nets) et les femmes (4 337 € nets). « 80 % gagnent donc entre 3 911 et 5 079 € nets mensuels ». A titre de comparaison, un enseignant touche 2770 euros d’après l’INSEE.
D’ailleurs les personnes interrogées ne s’y trompent pas « les chefs d’établissement rencontrés par la mission estiment globalement être bien payés, en valeur absolue ». Le mécanisme de leur rémunération est complexe et regorge de bonifications indiciaires ainsi que d’une part variable. Toutefois les chefs d’établissement interrogés citent souvent « les professeurs en classe préparatoires aux grandes écoles mais dont l’importance de la rémunération tient, notamment, au-delà de la grille indiciaire des professeurs agrégés, aux nombres d’heures de « colles » effectuées et à la rémunération des heures supplémentaires ». A quand une agrégation de chef d’établissement ?
Enfin, parmi les autres points positifs, le logement de fonction est apprécié notamment « dans les grands centres urbains, au foncier particulièrement coûteux ».
Les parcours de carrière des chefs d’établissement sont qualifiés de fluides, la formation initiale est « reconnue et appréciée », sauf pour les adjoints. « Chaque année, environ 3 000 personnels de direction s’inscrivent au mouvement, et 1 000 changent d’affectation », apprend-on.
Des faiblesses sont cependant pointées quant à la formation continue. Le dialogue social est présent et réel », soulignent les auteurs ainsi que leur relation avec les IA-DASEN qui « est jugée bonne et efficace ». Les webinaires, qui se multiplient ces dernières années, sont aussi appréciés.
« Une mission pédagogique réduite »
Malgré les avantages lis à la fonction, le métier attire moins ces dernières années. 4414 inscrits au concours en 2016 contre 3054 en 2024. Avec un nombre de postes offerts pourtant passé de 600 à 640.
Les chefs d’établissement disent « ne plus pouvoir se considérer comme les premiers pédagogues de l’établissement, car ils ne font que survoler ces questions tout en étant conscients que la pédagogie est essentielle pour le chef d’établissement ». La dimension RH est chronophage et ponctue la semaine : la volatilité des équipes avec davantage de contractuels, les pôles inclusifs, le recrutement des AESH…
« La majorité des chefs n’osent pas entrer dans les classes, ne savent pas bien ce qui s’y passe. Ils n’en connaissent que les dysfonctionnements éventuels qui leur remontent, ce qui risque de fausser leur appréciation de l’enseignant ». La rencontre annuelle en lien avec la note administrative à l’époque est d’ailleurs regrettée par la majorité d’entre eux.
Parenthèse pour les chefs d’établissement du privé sous-contrat, pour qui le cas est traité dans l’annexe 6 du rapport.
« Une charge de travail inexorablement croissante »
Les aspects les plus compliqués du métier sont sans doute avec les familles. « La relation avec les usagers a pris de plus en plus de place avec une judiciarisation fréquente », relève les auteurs. « Le recours au tribunal administratif se multiplie et les familles sont de plus en plus exigeantes, voire revendicatives ». Un renforcement des services juridiques des académies est demandé.
Même si le binôme adjoint-directeur est « vécu comme une respiration », le risque d’isolement est réel. D’autant plus que les services administratifs des rectorats sont pointés du doigt. « Personne ne répond au téléphone », peut-on lire comme témoignage. « Tout semble fait pour que les chefs d’établissement n’aient pas à se déplacer ; l’accueil y est froid, impersonnel, voire hostile » notent l’IGSER.
Les inspecteurs remarquent que les chefs d’établissement ont à faire à « une surabondance d’informations et d’enquêtes dont le traitement est complexe ». Un témoignage rapporte « quand j’ai commencé le métier, j’avais un seul canal d’informations : le Bulletin officiel chaque semaine. Maintenant, toutes les heures, on doit gérer des mails avec le risque de louper des informations dans le flot ». L’IGSER note que les week-ends et temps de vacances sont souvent remis en question. Le rapport souligne 50 à 60 heures de travail par semaine. Les démissions sont stables mais le nombre d’arrêts maladie est en augmentation de 20% entre 2021 et 2022.
Quelles sont les préconisations des auteurs ?
Au-delà des recommandations classiques comme l’accessibilité du bureau avec la porte ouverte, de la présence du chef d’établissement le matin à l’entrée de l’établissement et du déjeuner au restaurant scolaire au même endroit que les équipes, les auteurs listent 12 recommandations.
On retiendra quelques-unes comme celle qui doit permettre aux femmes de diriger les établissements plus importants. Oui, mais comment ? Une autre recommandation vise à améliorer la transparence sur la diffusion des postes vacants. Les auteurs demande de « renforcer les fonctions RH au sein des établissements ; le secrétaire général d’EPLE pourrait se voir confier des tâches directement liées au processus RH ».
Un focus est aussi fait sur « l’environnement numérique des chefs d’établissement ». Il s’agit de « mieux outiller les chefs d’établissement avec des applications gratuites et interopérables ». Tout un programme !
Djéhanne Gani
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