Christophe Blanc présente le dispositif « Enfants conférenciers », initié depuis une dizaine d’années, impliquant les jeunes (dans le cadre scolaire ou périscolaire) dans une activité de présentation d’œuvres, dans le contexte du musée. Il a été successivement professeur des écoles, maître formateur et conseiller pédagogique. Il est chercheur associé au laboratoire Éducation Discours Apprentissages (EDA, EA 4071) de l’université de Paris. Son dispositif concourt à créer une dynamique de démocratisation et d’éducation culturelle. Tous les niveaux du système éducatif, de la petite section de maternelle au Master sont concernés. Son projet a séduit le jury du Forum des Enseignants Innovants 2023, qui lui a attribué un prix « coup de cœur ».
Pouvez-vous expliquer votre trilogie, « passeur » – enjeu de savoir – apprenant, axe fort du projet ?
Les jeunes entrés dans ce projet sont impliqués, notamment par leur capacité à utiliser le langage comme support de communication, avec comme sujet principal l’art. Ils entrent dans le projet pour guider leurs pairs et transmettre à d’autres les connaissances acquises en allant à la rencontre d’œuvres. Ils se réfèrent à des objets culturels, dont ils vont détailler les composantes, pour passer du savoir à la connaissance. J’ai été étonné de constater avec quelle aisance, les plus petits, mais aussi les enfants et adolescents, lorsqu’ils ont la responsabilité de transmettre, se surpassent. Après l’étude d’une œuvre, en présence des enseignants notamment, ils vont à la rencontre du public, quel que soit l’âge de ce public d’ailleurs, et parviennent à captiver, intéresser, voire répondre aux questions, en s’appuyant sur des contenus culturels, techniques, esthétiques, voire historiques ou sociaux.
Généralement, un trinôme d’élèves d’une classe (ayant effectué une visite quelques temps auparavant) prendra en charge un trinôme d’élèves d’une autre classe pour effectuer une visite en autonomie. Les adultes observent les élèves au cours de cette seconde visite. Mon étonnement a été de voir combien ces « passeurs » prennent de l’assurance après avoir intériorisé les caractéristiques des œuvres, et répondent avec pertinence et argumentations aux questions.
Quelles contraintes avez-vous dû surmonter pour la mise en œuvre du projet ?
Principalement institutionnelles. Le dispositif ne relève d’aucun cadre élaboré. La diversité de la provenance des contributeurs, et acteurs (ULIS,UPE2A, lycées, éducation prioritaire, ateliers relais…) oblige à mettre en relation des structures qui n’avaient pas de liens fonctionnels. Convaincre également les 17 musées partenaires n’a pas été sans difficulté. Le premier a adhérer était le Musée des Arts et Métiers en 2012. On peut effectivement aisément envisager une concurrence avec les personnels « guides de musées » pour justifier une hésitation…ce ne fût pas le cas. Une formation des personnels des partenaires a été mise en œuvre.
Dans le milieu scolaire, les personnels ont-ils été réceptifs ?
En 2023/2024, 4000 élèves sont inscrits dans le dispositif. Les enseignants sont en recherche de dispositifs coopératifs. Nous avons donc proposé des formations d’enseignants. Elles avaient non seulement prétention à présenter les structures d’accueil, le déroulement des diverses étapes, objectifs et contraintes du projet, mais aussi de faire admettre qu’un certain « lâcher prise » était nécessaire à sa réussite.
Nous présentions notamment ce qui devînt une réalité : une forme d’enchaînement possible lorsque par exemple des conférenciers de cours moyens donnaient à voir et expliquaient une œuvre à des collégiens de 5ème, ces derniers enchaînant, après adaptation des contenus, une conférence à des élèves de 3ème ou de lycée.
Cette image de passeurs de culture a séduit le monde enseignant, qui répondait, en utilisant un média complémentaire de leurs missions pédagogiques, à la question : pourquoi et comment l’œuvre artistique ? Au mois de mai, une exposition permet de découvrir des créations et des œuvres réalisées par les « enfants conférenciers » qui auront pu se rendre durant l’année dans différentes institutions nationales. Un autre regard sur leur investissement…
Propos recueillis par Jean-François Liaudiois