En Avril dernier, le Café pédagogique alertait sur la situation du Lycée Autogéré de Paris – le LAP. Lieu unique, « c’est une des rares institutions au fonctionnement alternatif au sein du service public. Ses innovations pédagogiques, apparaissent comme des solutions pertinentes à la crise du système éducatif ».
Pourtant, aujourd’hui, le rectorat de Paris s’attaque aux principes fondamentaux de son expérience. « Déjà, en juin 2022, le Recteur de l’Académie de Paris a refusé de renouveler la convention qui depuis 2010 encadrait le statut dérogatoire du lycée » écrivent plusieurs personnalités – dont Philippe Meirieu et Annie Ernaux – dans une tribune publiée dans Libération. « En juin 2023, après un conflit au sein de l’équipe éducative et en réponse à une question écrite de la députée Eva Sas, le ministre Pap Ndiaye remettait en cause plusieurs aspects du fonctionnement du LAP : « l’absence de définition du périmètre de l’expérimentation », « les temps d’apprentissage disciplinaire en deçà des volumes horaires réglementaires », « la possibilité affichée de ne pas s’inscrire au baccalauréat », « l’absence d’obligation de présence pour les élèves », « des manquements en matière de sécurité dans les locaux » et enfin « le statut particulier de cet établissement ne permettant guère une forme de régulation interne ». Ces affirmations ne semblent basées que sur une évaluation sommaire rédigée par le Rectorat de Paris durant l’année 2022-2023 sans critère ni aucune période d’observation ».
« À plusieurs reprises, il a été envisagé de faire évoluer l’expérience en lui assignant un chef d’établissement » dénonce les signataires de la tribune. « De plus la cooptation a été suspendue pour l’année 2023-2024 et pour la première fois depuis 40 ans tous les membres de l’équipe n’ont pas le même statut. Le nouveau ministre va ainsi se prononcer sur l’avenir du LAP alors que son fonctionnement autogestionnaire est fortement altéré et son projet ouvertement remis en cause ».
« Les attaques contre les lycées alternatifs ne sont pas nouvelles. Le lycée expérimental de Saint-Nazaire a subi, depuis six ans, de nombreuses entraves à son existence dans différents domaines : recrutement des membres de l’équipe éducative par cooptation empêché, moyens médico-sociaux absents, enseignantes et enseignants manquants, sorties culturelles annulées, autonomie de l’établissement remise en cause, qui impactent gravement l’éducation des jeunes… D’autres expériences comme le collège coopératif d’Aubervilliers ont été arrêtées. Au CLEPT de Grenoble, trois enseignants ont été bloqués dans leur affectation en cette rentrée 2023. Depuis des mois le projet d’expérimentation de l’école Vitruve (Paris 20ème) n’est pas validé ».
Encore une histoire de sous, un manque de moyens ? c’est ce qu’affirme la tribune. « Comme les autres établissements publics, les expériences subissent des baisses drastiques de moyens et des fermetures. Depuis 2019, le LAP a perdu un demi-poste, le lycée expérimental deux postes. La logique budgétaire passe de plus en plus par une mesure de rentabilité des services publics. Elle est coupée des réalités humaines et, dans son obstination implacable, détruit jusqu’à l’engagement de celles et ceux qui travaillent dans la santé, l’éducation et le social ».
« L’attaque menée sur le LAP, au niveau économique comme politique, visant à rentabiliser puis à normaliser son fonctionnement, met en péril son existence. Supprimer la libre fréquentation et l’autogestion par la mise en place d’une autorité institutionnelle reviendrait à vider l’expérience de son contenu. Depuis quarante ans, ministres et recteurs, aux idées politiques et pédagogiques diverses, se sont succédé en confirmant l’intérêt et l’utilité de ce projet d’autogestion au sein de l’Éducation Nationale. Il est incompréhensible qu’un soudain revirement condamne cette expérience ».