Cela va faire trois semaines que quelques 6 millions d’écoliers du premier degré ont retrouvé le chemin de l’école. Pour autant, équipes pédagogiques et élèves essuient encore les plâtres de la gestion calamiteuse de cette rentrée. En plus des 1 100 postes supprimés, quelques 1 400 n’ont pas été pourvus au concours de professeur des écoles. Même le recrutement de contractuels ne fait pas le plein. Encore maintenant, certains postes restent vacants dans le premier degré mettant à mal un système déjà ankylosé.
En France, il y a plus de 44 000 écoles, quantifier les difficultés rencontrées par chaque équipe enseignante est laborieux nous dit Guislaine David, porte-parole de la FSU-SNUipp. « Mais les premières remontées font état de temps partiels non pourvus. Par exemple, dans le Val d’Oise, dans une école, deux enseignantes sont à temps partiel de droit et la directrice a une décharge de direction le jeudi. Aucune des professeures des écoles n’est remplacée les jours où elle n’est pas là et la directrice n’arrive pas à prendre sa journée de décharge ».
Pour garantir qu’il y a bien un enseignant devant chaque classe le lundi 4 septembre, les enseignants remplaçants ont été réquisitionnés affirme la responsable syndicale. « Cela signifie que dès la rentrée, certaines circonscriptions n’avaient même plus d’enseignants ou enseignantes pour assurer les remplacements. C’est un pansement sur une jambe de bois ». Concrètement en cas de congés maladie, de congé enfant malade ou encore de congés maternité, les enfants n’auront pas cours. Ils seront répartis dans les autres classes de l’école – quand il y en a, et ne bénéficieront pas des temps d’enseignement qui leur sont dus. Car en effet, lorsque Emmanuel Macron, Pap Ndiaye et aujourd’hui Gabriel Attal évoquent le remplacement de toutes les absences de courte durée, ils omettent d’évoquer la situation particulière de l’école primaire où les enfants sont accueillis coûte que coûte, passant parfois la journée eu sol lorsqu’il n’y a pas assez de tables et de chaises pour les accueillir dans les autres classes.
Multiplication des contractuels
Pour pallier le manque de candidats aux concours, l’institution fait de plus en plus appel aux contractuels. Alors qu’auparavant, on en trouvait quasi-exclusivement dans les académies de Créteil, Versailles, Guyane ou Mayotte, aujourd’hui, c’est sur tout le territoire.
Pourtant, lors de la publication des résultats du concours, quatre académies étaient déficitaires. Les autres étaient excédentaires et bénéficiaient même d’une liste complémentaire. Dès juin dernier, la rue de Grenelle avait autorisé tous les recteurs bénéficiant de lauréats sur ces listes à les recruter. Pour autant, on n’est loin de pouvoir affirmer que tout se passe pour le mieux même dans ces académies. En effet, dans une grande majorité d’entre elles, l’institution a dû faire appel à des contractuels, ce qui signifie qu’en amont des concours – et de leur résultats – le nombre de postes budgétés étaient déjà insuffisants. « L’administration gère les recrutements à court terme » nous explique Guislaine David. « L’enveloppe n’est pas suffisante. Mais, surtout depuis la réforme de la formation initiale, l’administration mise sur les étudiants comme moyen d’enseignement. Cependant, le nombre d’étudiants qui choisit l’alternance n’est pas connu à l’avance. Les rectorats se retrouvent donc en difficulté depuis plusieurs années déjà car – du fait des conditions d’exercice – ils ne se sont pas jetés massivement sur cette possibilité. Quand, par exemple, une académie compte sur 80 alternants, elle n’en a finalement que 25, elle se retrouve en grande difficulté pour combler les temps partiels ».
Autre explication, la réforme du concours. Selon la formation universitaire des lauréats, la quotité de temps devant élève varie. S’ils ont le master MEEF, ils sont à temps plein devant les élèves. S’ils viennent d’un autre master, c’est à mi-temps qu’ils prennent la classe. Et là encore, l’administration ne peut anticiper ces chiffres et se retrouve donc en difficulté pour « combler les trous ». « Depuis la réforme Blanquer, la FSU-SNUipp alerte le ministère. Compter sur les étudiants et stagiaires comme moyens d’enseignement perturbe la gestion des personnels » s’agace la responsable syndicale.
Droits des personnels rognés
Les droits de disponibilité ou de temps partiel sur autorisation sont refusés dans plusieurs académies affirme Guislaine David. Et sur les temps partiels de droit, l’administration rogne sur la quotité ». « Beaucoup de collègues demandent un mi-temps – plus simple de faire garder son enfant deux jours par semaine qu’un seul – mais l’administration n’accorde que 75% » ajoute-t-elle. Pour rappel, les temps partiels sont de droit mais la quotité est soumise au chef de service.
De fait, les droits des personnels sont rognés. En Loire-Atlantique, ce ne sont pas moins de 150 enseignantes qui se sont vu refuser leur temps partiel. Vendredi 8 septembre, près de 80 d’entre elles étaient en grève. À Paris, elles se sont organisées en collectif, celui des « Professeures des écoles à temps partiel et trs en colère ». Elles dénoncent les conditions calamiteuses de leur affectation en ce début d’année. « Nous avons malheureusement l’habitude des errements et cafouillages dans la préparation de la rentrée mais ce qui se passe cette année est inédit. Des centaines de professeurs des écoles titulaires et contractuels à temps partiel ainsi que les collègues qui les complètent se sont retrouvés sans poste le jour de la rentrée, se sont vu attribuer des postes incompatibles avec leur état de santé ou leur situation familiale, ont eu des emplois du temps incomplets ou impossibles à suivre. Leurs vœux avaient pourtant été enregistrés par le rectorat depuis mai 2023 ». Cerise sur le gâteau, lors du weekend des 9 et 10 septembre, nombre d’entre elles ont été informées de l’annulation de leur affectation « sans logique apparente ». Elle n’auront même pas eu l’occasion de dire au revoir à leurs anciens élèves et entreront dans de nouvelles classes sans avoir eu le temps de préparer leurs cours. « Nous ne sommes pas des pions et il nous semble urgent et fondamental de dénoncer cette maltraitance institutionnelle qui a des répercussions non seulement sur les enseignants mais aussi sur les élèves et sur la confiance que les familles ont en l’école publique » déplore l’une d’entre elles.
Lilia Ben Hamouda