En ces journées de fortes chaleurs dans les classes, où la température des salles a pu atteindre une trentaine de degrés, si la question du bâti scolaire, de l’état des établissements, de leur rénovation thermique dans un contexte de réchauffement climatique se pose, la question pragmatique de la capacité à travailler, à apprendre ne se pose-t-elle pas également? Et ce, non pas uniquement sous l’angle des conditions matérielles de travail et d’adaptation des bâtiments scolaires, mais également à la fois en termes de capacité physique pour le corps, et de santé : peut-on et à quelles conditions travailler quand les températures sont très élevées? Une comparaison avec l’Allemagne permet de s’interroger et de poser ces enjeux.
« Hitzefrei ! » Littéralement, « libre pour cause de la chaleur », C’est le cri de joie de certains élèves en Allemagne, libérés de cours quand il fait trop chaud.
Ce concept n’est pas récent, il n’a rien à voir avec le réchauffement climatique, puisqu’il a été mis en place par le ministre prussien de l’éducation en juin 1892.
Enfin, ça c’est le principe car, comme la langue allemande, la réalité se décline…
D’abord selon les Länder, puisque l’organisation du système éducatif dépend de chaque région, ensuite la « hitzefrei » se décline également selon les âges des élèves et leur cursus. Il n’y a donc pas une règle pour tous les élèves allemands. Le ministère de l’Éducation de chaque Land peut établir des critères de « Hitzefrei » pour les écoles, des critères de température selon l’heure, ou encore selon le niveau d’élèves. Mais dans certains Länder, comme en Thuringe et en Hesse, la direction de l’établissement décide de la température maximale, et en Saxe, il y a la possibilité de réduire la journée de cours, d’allonger la pause, de faire cours hors des salles. L’application de l’annulation des cours pour cause de chaleur charrie son lot de questions, du transport scolaire, du report des cours etc.
Pour qui ? Quand et par qui sont annulés cours pour cause de fortes chaleurs ?
Le critère de la température extérieure, entre 25 degré dans le Bade-Wurtemberg à partir de 11h (la 4e heure de cours) et 27 degré à Hambourg à l’ombre est un seuil pour que les directions d’école déclarent « hitzefrei ». En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le point de repère 27 degré ne concerne pas le secondaire, comme dans le Bade Wurtemberg. Il n’y a pas de « hitzefrei » pour les élèves des « Ganztagschulen », les écoles qui accueillent les élèves toute la journée. Ces écoles se développent en Allemagne, et avec elles s’éloignent l’annulation des cours pour fortes chaleurs.
Dans d’autres Länder, c’est la température dans les salles de classe qui est déterminante – celle de la salle témoins en tout cas – avec des seuils différents de température selon les ministères de l’éducation, 25 degré pour Brême et le Brandebourg et 27 degrés en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, mais soumis à la décision du chef d’établissement. Par ailleurs, pour les élèves des classes 5 et 6 (CM2 et 6e), les parents doivent être impliqués dans la décision. Il n’y a donc pas une règle faisant loi. Selon les Länder, il y a donc des différences de seuil pour la température, selon les âges mais aussi d’heures : les élèves ne peuvent quitter l’école avant 11h30 à Hambourg ou midi au plus tard dans le Brandebourg.
La « hitzefrei » dans la loi, pour les enfants comme pour les adultes ?
La « hitzefrei » est un concept pour les élèves allemands, mais le droit allemand est également plus précis pour les salariés allemands. Ainsi l’institut fédéral pour la sécurité et la santé au travail préconise qu’un salarié ne doit plus travailler quand il fait plus de 35 degrés sur son lieu de travail. Si la température dépasse 30° l’employeur a l’obligation d’intervenir et d’apporter des aménagements matériels (climatisation, ventilation, horaires). En France, il existe certes des préconisations, mais sans indications précises, la loi ne prévoit pas notamment de température maximale. Le climat du Sud de la France n’est, en effet, pas celui du Brandebourg… Peut-être que ces précisions dans le droit en Allemagne ont été influencées par un juriste, et de son souvenir (ou espoir) d’ancien élève, un jour libéré de cours quand il faisait trop chaud ? Culture et géographie influent certainement sur l’absence de « hitzefrei » en France…
Djéhanne Gani