Alors que le SMIC a été augmenté de 66% depuis 1980, le salaire des enseignants et enseignantes a lui baissé de 15%. Claude Lelièvre propose de faire le point sur l’évolution du traitement des professeurs.
On peut comparer de bien des façons : dans le temps, selon les secteurs ou selon les pays. Et il y a eu dans la dernière période des comparaisons dûment établies tout à fait intéressantes et significatives…
Une tradition historique est de comparer avec les officiers. On n’y manquera pas. Mais auparavant, il convient de revenir sur une comparaison inédite, celle avec les ’’smicards’’.
Un reclassement du SMIC plutôt qu’un déclassement des jeunes certifiés ?
Si on se reporte au document de travail de Lucas Chancel d’avril 2023 intitulé « La chute du salaire des enseignants (1980-2023) » on trouve à la page 6 un tableau très précis, par année, du salaire brut (en euros 2020) des enseignants certifiés de niveau 1 et du Smic (évalué aussi en euros 2020).
En 1980, le SMIC (en euros 2020) était de 980 euros. En 2022, il atteint 1596 euros soit une augmentation de 66 %. En 1980, le salaire brut des enseignants certifiés de niveau 1 (en euros 2020) était de 2127 euros. En 2022, il n’est plus que de 1819 euros, soit une baisse de15 %.
Il y a bien un fort déclassement du salaire de ces enseignants par rapport au SMIC – on passe de 2,17 fois le SMIC en 1980 à 1,14 fois le SMIC en 2022, mais cela est dû surtout au reclassement du SMIC (plus 66%) davantage qu’à la baisse (effective) du salaire brut des enseignants certifiés de niveau 1 (moins 15%).
Le titre choc « La chute du salaire des enseignants (1980-2022) » est manifestement usurpé, même s’il a pour ambition ( et ‘’mérite’’ ? ) d’attirer l’attention de façon très suggestive. C’est sans doute pour cela qu’il a été mis en avant par nombre de médias.
C’est aussi un titre à la généralisation abusive – « La chute de salaire …des enseignants » – même si le problème se pose effectivement pour tous les enseignants mais de façon quelque peu différenciée selon les diverses catégories et les moments de carrière.
D‘autres comparaisons suggestives
Selon des études (parfois de l’OCDE) reprises dans le rapport d’information déposé le 8 juin 2022 au Sénat, les salaires des enseignants français sont en deçà du revenu du travail des actifs ayant atteint au moins le niveau de licence. Les salaires des professeurs sont inférieurs à ceux des actifs du privé de 20% dans le pré-élémentaire, 22 % dans l’élémentaire et 12 % en collège. En revanche, les enseignants en lycée ont un niveau de salaire effectif quasiment égal à celui de la population totale des actifs ayant au moins la licence, cela étant dû au poids des professeurs agrégés
« Par rapport aux autres fonctionnaires, le salaire net des enseignants se rapproche de celui des brigadiers et gardiens de la paix, en dépit d’un traitement indiciaire brut des enseignants du secteur public équivalent à celui des attachés d’administration et des capitaines et lieutenants de police. Les primes représentent en effet un tiers de la rémunération de ces derniers contre 15 à 18 % seulement pour un professeur »
Selon « l’Observatoire des rémunérations et du bien-être des personnels du ministère de l’Éducation nationale » le salaire net moyen des fonctionnaires civils à temps complet en 2018 s’élevait à 3650 euros pour les capitaines et lieutenants de police, à 3642 euros pour les professeurs agrégés, à 2888 euros pour les professeurs de lycée professionnel, à 2792 euros pour les brigadiers (y compris chefs et majors), à 2752 euros pour les professeurs certifiés, à 2460 euros pour les professeurs des écoles, à 2265 euros pour les gardiens de la paix.
A-t-on progressé par rapport il y a un siècle ?
Les inégalités de salaires se sont réduites entre enseignants du primaire et enseignants du secondaire. En 1920, en milliers de francs, le traitement annuel allait de 3,6 à 7 pour les instituteurs, de 6,1 à 10,6 pour les professeurs de collège licenciés, de 6,8 à 11,6 pour les professeurs de lycée, de 8,8 à 14,2 pour les agrégés. Un sous-lieutenant débutait à 8,4 et un capitaine à 12,3. Un lieutenant-colonel à 18,4.
Claude Lelièvre