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Transformer l’enseignement du français en vivants ateliers de manipulation de la langue ? C’est le pari de Déborah Lepoder, professeure de collège à Essarts-en-Bocage en Vendée. Trousseau de mots, cartes à écrire, dépliant des conjugaisons, adaptation de jeux de société comme Le Puissance 4, le Dobble, le Jungle Speed ou le Jeu des 7 familles : les propositions, variées, permettent d’« ancrer les connaissances » des élèves, les amènent à « apprendre sans s’en rendre compte », viennent « combler leurs besoins de concret, d’action, de rythme ». La ludothèque pédagogique de Déborah Lepoder s’enrichit de nouveaux jeux au fil des mois : de jolis outils de travail partagés sur son site par une enseignante qui elle aussi aime « imaginer, créer, manipuler »…

Comment devient-on une enseignante aussi créative ?

La question est flatteuse… Je suis enseignante depuis quatre ans maintenant. Quatre ans que mon métier est également devenu une passion. J’aime apprendre à mes élèves mais j’aime également apprendre de mes élèves. Ils sont ma plus grande source de motivation et d’inspiration. Je pense que mon rôle est de m’adapter à eux et non l’inverse. Au quotidien, j’essaye donc d’adapter mes cours à leurs profils. Ce qui passe bien souvent par des recherches, des expériences…

Pour travailler l’écrit argumentatif en 3ème, vous avez par exemple mis en place « le trousseau de mots » : de quoi s’agit-il ? comment les élèves l’utilisent-ils et avec quel profit ?

Depuis l’année dernière, je propose à mes élèves de 3ème un trousseau de mots autour des connecteurs logiques et des indicateurs de temps et de lieu. Il s’agit d’un petit répertoire de mots correspondant à différentes situations ou différentes utilisations. Le principe est simple, sur chaque petite carte se trouvent une situation au recto et des exemples de mots ou d’expressions adaptés au verso. Ils l’utilisent lors de rédactions, que ce soit un simple bilan ou un écrit réflexif, pour organiser leurs propos. Il est accessible à tout moment, et notamment dans les autres matières comme l’histoire. L’objectif est de se l’approprier, de comprendre l’intérêt des connecteurs et de s’en détacher au fur et à mesure des mois pour qu’organiser ses écrits devienne un réflexe.

Qu’est-ce que « les cartes à écrire » ? Comment mettez-vous en œuvre ce dispositif ?

Les « cartes à écrire » sont des cartes illustrées qui ont pour vocation de déclencher l’écriture. Elles peuvent être utilisées de diverses manières : une séance de vocabulaire, la rédaction d’une description, d’un récit… On peut créer des cartes à écriture autour de thèmes divers et variés. Récemment, j’ai proposé une séance autour du Paris de la Belle Époque. Les cartes à écrire ont servi de déclencheur pour la création d’un personnage de l’époque.

Pour travailler la langue, vous avez revisité « Le Puissance 4 » le « Dobble », le « Jeu des 7 familles » ou le « Qui est-ce ? » : quelles notions travaillez-vous ainsi ? comment ces jeux fonctionnent-ils ?

Il est difficile d’enseigner la langue. C’est un constat que je pense partager avec de nombreux collègues. Depuis le début de ma carrière, je me questionne beaucoup sur les méthodes d’apprentissage. J’en suis venue à la conclusion que pour maîtriser un point de langue, les élèves ont besoin de manipuler, d’expérimenter et de comprendre par eux-mêmes. Je ne fais donc plus cours de manière formelle. Tout passe par la découverte et l’autonomie. Pour manipuler la langue de manière ludique, j’ai commencé à créer une ludothèque en m’inspirant des jeux de société de mon enfance. Les règles du jeu sont souvent les mêmes mais le contenu est adapté aux notions de langue abordées en classe. Ils utilisent ces jeux pour ancrer leurs connaissances. Ils apprennent sans s’en rendre compte.

Votre pédagogie semble accorder une grande place aux ateliers de manipulation et de jeu : de manière générale, en quoi de telles démarches vous semblent-elles intéressantes pour travailler le français au collège ?

Effectivement. Je pense que nos élèves actuels ne ressemblent en rien à ceux que je côtoyais quand j’étais moi-même au collège. Ils n’ont plus les mêmes besoins, ni le même fonctionnement… On peut le regretter, mais on peut également s’y adapter. C’est cette seconde option que je veux suivre. Je crée donc ces ateliers dans le but de travailler le français autrement, avec une approche davantage adaptée à leurs profils. Ces ateliers permettent de combler leurs besoins de concret, d’action, de rythme…

Vous fabriquez vous-même vos outils : avec quels plaisirs ? avec quels usages possibles pour les collègues ?

Je suis de nature manuelle. J’aime imaginer, créer, manipuler… Je crée donc tous ces jeux et ateliers avec plaisir. Ce n’est jamais une contrainte. Mes collègues s’y mettent également ! C’est contagieux !

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

Le site de Déborah Lepoder