Si le ministère a fait évoluer le protocole sanitaire dans un sens plus sévère, les enseignants effectuent leur rentrée sans vaccination, sans tests et allègements systématiques alors que l’épidémie est à un niveau très élevé. JM Blanquer reste dans la négation des risques pris par les élèves et les personnels.
Les changements importants du protocole
Les annonces gouvernementales du 22 avril se sont traduites en instructions inscrites dans la Foire aux questions mise à jour par le ministère le 23 avril. Le 26 avril les élèves et les personnels du 1er degré effectuent une rentrée en présentiel alors que ceux du second degré sont obligatoirement en distanciel jusqu’au 3 mai. A partir de cette date, les lycées restent en « mi-jauge », ce qui ne veut pas dire obligatoirement des demi groupes. Dans 15 départements (Nord, Aisne, Oise, les départements franciliens, la Sarthe, la Loire, le Rhône et les Bouches du Rhône), les classes de 4ème et 3ème sont elles aussi en demi jauge. Cette répartition des élèves entre les jeunes de 3 à 12 ans qui entrent en classe dès le 26 et les plus âgés qui attendent le 3 mai pour entrer à mi-temps, montre que le gouvernement privilégie l’activité économique avant toute autre considération.
La FAQ ministérielle officialise quelques changements importants. Dans les écoles, « lorsqu’un enseignant absent ne peut être remplacé, les élèves ne peuvent ne aucun cas être répartis dans les autres classes. L’accueil des élève est suspendu », dit clairement le ministère. Il réduit ainsi le brassage. Dans les écoles, collèges et lycée, dès qu’un premier cas de covid est détecté chez les élèves, la classe est fermée « dans les meilleurs délais et au plus tard le lendemain ». Les enseignants de la classe ne sont par contre pas automatiquement contacts à risque. Enfin l’EPS en intérieur est dorénavant interdit « y compris les activités de basse intensité » et les piscines. Seules les épreuves d’examen peuvent être passées. Les gymnases des collectivités sont fermés.
Rien pour la vaccination et les remplacements
A coté de ces mesures, les autres modifications sont nettement moins strictes. Ainsi le ministère encourage l’achat de purificateurs d’air et de capteurs de Co2 mais concrètement les collectivités locales sont seules face à la dépense. Le ministère se borne à ordonner d’ouvrir les fenêtres. De la même façon la restauration est bien vue comme un problème mais on en reste à des recommandations de non brassage et des invitations à utiliser d’autres espaces pour déjeuner.
L’effort ministériel s’arrête là. Rien de concret n’est fait pour adapter les écoles à la situation d’une circulation très élevée de l’épidémie sur une large partie du territoire. Pour la vaccination des enseignants, elle n’est toujours offerte qu’aux plus de 55 ans comme pour tous les habitants. Selon la lettre envoyée par JM Blanquer aux enseignants le 22 avril, seuls 15 000 personnels auraient utilisé le dispositif « prioritaire » offert par le ministère. C’est près peu pour 1.2 million de personnels. La très grande majorité des enseignants va rentrer sans vaccination même là où les élèves ne portent pas de masque comme en maternelle.
Les déclarations ministérielles sur l’embauche de remplaçants se succèdent mais sont ambigües. Selon la même lettre « près de 5000 personnels supplémentaire sont été recrutés ». On ne sait pas depuis quand sont comptabilisés ces 5000 personnes, ni quel est leur statut précis. Par exemple les médiateurs des tests en font ils partie ? JM Blanquer utilise ce nombre pour parler aussi d’embauches à venir.
Les tests dans le flou
Les déclarations sur les tests sont aussi vagues. Le ministre promet deux auto tests par personnel par semaine mais pas dès cette semaine. Cela représente plus de 2 millions de tests par semaine.
Des auto tests seront aussi proposés aux 2.3 millions de lycéens à partir du 10 mai. Selon le ministre ils seront effectués chaque semaine dans les établissements selon une organisation qui devra être définie cette semaine.
Cette annonce éveille le doute chez les syndicats. Le principal syndicat de personnels de direction, le Snpden Unsa, estime que les directions « seront en mesure de concrétiser les préconisations… ou elles ne le seront pas ». La Fsu est « dubitative sur la réalisation des auto tests par les lycéens eux mêmes dans des lieux dédiés du lycée ». Le Se Unsa rappelle qu’il s’agit d’auto tests : il regrette que « le choix du partenariat et de la confiance avec les familles n’ait pas été fait ». Au Luxembourg, où les auto tests sont généralisés, ils ont lieu dans les locaux scolaires pour les petits et en famille pour les plus grands.
La campagne de tests salivaires reste largement sous dimensionnée avec 400 000 à 600 000 tests pour les 7 millions d’écoliers auxquels pourraient s’ajouter les 3 millions de collégiens.
Ministre et intersyndicale face à face
Le ministre continue de minimiser les risques. Dans sa lettre aux enseignants il évoque « de nouvelles études (qui) ont confirmé une moindre contagiosité des enfants ». On aimerait les connaitre car les études sur le variant anglais montrent que les enfants sont aussi atteints par le virus que les adultes. L’entourage du ministre ne communique pas sur ces études.
Sur RTL le 25 avril, JM BLanquer continue à minimiser l’école comme lieu de contamination alors que le passage au distanciel et la fermeture ont fait nettement chuter la hausse importante du taux d’incidence chez les 0 à 19 ans. « La contamination n’est pas particulièrement importante à l’école », dit-il malgré tout.
Il continue aussi à annoncer le maintien des épreuves du brevet et du bac alors que l’année scolaire est déjà très perturbée dans le second degré avec de fortes inégalités entre établissements et que celles ci vont aller s’aggravant.
C’est peut-être ce déni qui explique le communiqué commun des syndicats (hors FO). La Cfdt, la Fsu, le Snalc, Sud et l’Unsa rappellent que « la question de la vaccination des personnels n’a pas véritablement avancé » et demandent « une priorisation ». Ils demandent que « la généralisation des demi-groupes (soit) acceptée partout où elle est jugée nécessaire par les équipes » grâce à des » recrutements immédiats… En outre, il est inacceptable que la rentrée 2021 se prépare toujours avec des moyens humains insuffisants, alors que les besoins créés par plus d’une année d’école en mode dégradé sont énormes. Nous demandons dans l’immédiat les moyens d’assurer les remplacements, et des créations de postes d’enseignantes et d’enseignants, de Psy-EN, de personnels administratifs, santé et sociaux, vie scolaire dans les écoles et les établissements pour la rentrée de septembre, pour annuler les fermetures de classes et de postes, répondre aux inégalités qui se creusent, et pouvoir anticiper une possible poursuite de la crise sanitaire ».
Le Se Unsa résume assez bien l’état de la profession : « la rentrée sera marquée par l’inquiétude et la lassitude ». JM Blanquer lit qu’il y manque la révolte…
François Jarraud