Si les Etats généraux du numérique avaient été imaginés et construits pour être un événement phare de la communication institutionnelle, on peut dire que c’est raté. L’aggravation de la situation sanitaire, les mouvements dans les lycées et collèges, l’insécurité ambiante ont fortement réduit l’attractivité de l’événement où on n’a d’ailleurs pas croisé d’enseignants. Les Etats généraux ont produit une quarantaine de propositions et le ministre a annoncé en retenir quelques unes.
Des idées qui n’ont jamais marché
Les 40 propositions des Etats généraux du numérique sont pour la plupart sans surpris tant elles avaient été préparées par des rapports parlementaires ou tant elles sont des marronniers de l’éducation nationale.
Commençons par la proposition la plus sympathique : la création d’un « compte ressources et services numériques pour chaque enseignant ». L’idée, venue d’Angleterre, c’est de créer un marché du numérique éducatif en donnant aux enseignants utilisateurs des moyens pour consommer ces produits. Ca semble efficace et intéressant pour les enseignants. Mais cela a déjà été testé en 2010 par Luc Chatel et son Dgesco de l’époque. Et les crédits alloués n’ont jamais été dépensés par les enseignants destinataires de la mesure. Cela malgré les réels besoins numériques des enseignants. C’est que le compte ressource se situe dans une institution qui a ses règles et sa structure hiérarchique. En fait les moyens donnés n’arrivent jamais à l’utilisateur final. La proposition inclut cette contradiction dans sa rédaction. Il y est question de ressources directement pour le professeur et en même temps de laisser des instances choisir…
Autre proposition ancienne : garantir un socle numérique minimal pour les écoles. Il y a en effet de très forts écarts entre les communes. Cela serait possible si l’Etat prenait la dépense à sa charge. Mais il ne peut ordonner la dépense aux collectivités locales qui, si elles payent, doivent avoir le droit de choisir.
Autre vieille lune : la plate forme regroupant toutes les ressources éducatives. Cela a été promis et réalisé plusieurs fois mais cela échoue toujours car les éditeurs ont intérêt à controler l’accès à leurs ressources et le fonctionnement bureaucratique d’une telle plateforme ne va pas avec la culture de l’édition.
Une idée neuve
Une idée réellement neuve pourrait être retenue pendant ce confinement. Celle du Pass connexion : un accord avec les opérateurs internet permettrait de ne pas prélever sur le forfait des élèves défavorisés la connexion et le téléchargement sur des sites éducatifs. Cela a été testé durant le dernier confinement dans plusieurs départements et cela peut réduire la fracture numérique.
Un Data Hub pour les données scolaires
En cloturant les Etats généraux, JM Blanquer a marque sa volonté de co-construire avec les collectivités locales une dynamique à l’image de ce qui se passe dans les « Territoires éducatifs numériques ». Lancés il y a peu dans deux départements, ces territoires réunissent des ressources de l’Etat et des collectivités pour équiper les établissements, les professeurs débutants et des élèves défavorisés.
JM Blanquer a annoncé retenir quelques propositions. D’abord celle d’une prime d’équipement pour les professeurs qui a été annoncée dans le cadre du Grenelle de l’éducation. Il a aussi annonce la création d’un « Data Hub Education » pour « valoriser » les données de l’éducation auprès des éditeurs publics et privés. Une trentaine de millions, versés dans le cadre des investissements d’avenir devraient aider les Ed techs. Le ministre a aussi lancé un E-Inspe, base sur la plate forme de formation Cano Tech de Canopé. Canopé vient de passer un partenariat avec la société Kosmos pour développer Cano Tech dans l’ENT de Kosmos.
Le bilan final des états généraux est mince. En 2010 Luc Chatel avait trouvé 60 millions pour son plan numérique, notamment le compte ressource. F Hollande avait promis un milliard sur trois ans dont environ 300 millions ont été dépensés. JM Blanquer ne prévoit au budget que 10 millions pour le numérique éducatif. C’est très peu pour une véritable politique numérique.
F Jarraud