Qui a besoin de la loi « sur la neutralité religieuse » ? A la tête , comme co-secrétaire générale, du premier syndicat du premier degré, Francette Popineau juge cette loi inutile et néfaste. Elle répond à 4 questions du Café pédagogique.
Le Sénat a adopté le 29 octobre la loi interdisant le port de signes religieux aux parents accompagnateurs. Quel regard portez vous sur ce texte ?
On voit bien avec cette loi l’instrumentalisation de la laïcité. La laïcité nous opposerait les uns aux autres alors que c’est l’inverse de ce que veut réellement la laïcité. La Laïcité c’est le vivre ensemble dans le respect des uns et des autres dans la liberté de chacun. Tous ces rapprochements entre les mères voilées et le terrorisme sont dangereux.
Quels effets aurait cette loi si elle était définitivement adoptée ?
Les enfants en patiraient. Car un des moyens de rapprocher les parents de l’école c’est de leur demander d’accompagner les sorties. Si on stigmatise une partie des parents on fait l’inverse de ce que l’école doit faire en général. On montre que l’école publique entretient la suspicion. On pousse des familles vers le privé. Et pour les enfants qui ont des difficultés scolaires c’est dramatique d’opposer leur famille à l’école. Enfin cette loi créerait un vrai problème dans certaines écoles : qui accompagnera les sorties ?
Avez vos reçu des plaintes d’enseignants ou de directeurs liées à des accompagnateurs ?
Qui pose le problème des accompagnateurs ? Pas les enseignants. Les questions de religion existent à l’école. Et l’école fait son travail de montrer qu’il y a des choses qui relèvent de la croyance et d’autres de la science. On est parfois plus attentif avec certains familles pour qu’il n’y ait pas de prosélytisme. Mais globalement les accompagnateurs ne posent pas de problème à l’école.
Le ministre est intervenu à de nombreuses reprises dans le débat au Sénat. Comment jugez vous ses propos ?
Le ministre avait aussi auparavant mis le feu aux poudres. A trois reprises il a franchi la ligne blanche : après l’incident au conseil régional de Bourgogne, avec ses propos sur les petits garçons qui ne donnent pas la main aux filles et sur les petites filles soi disant écartées à 3 ans des maternelles. On lui avait dit de faire attention aux propos tenus autour du voile et de tenir le discours de la loi. Il semble qu’il a pris la mesure de ces propos glissants. Au Sénat on sent qu’il a fait machine arrière et qu’il distingue mieux ce qui relève de sa pensée et de son rôle de ministre.
Propos recueillis par F Jarraud