Refusé à deux reprises en Comité technique ministériel, le décret sur les 5 journées de formation continue obligatoire sur les congés scolaires est publié au Journal officiel du 8 septembre. Un arrêté rémunère cette formation à hauteur de 20 € brut par heure. Pourquoi ce texte et quel peut être son impact ?
« Une allocation de formation est attribuée aux personnels enseignants de l’éducation nationale qui bénéficient lors des périodes de vacance des classes, à l’initiative de l’autorité compétente ou après son accord, d’actions de formation professionnelle… Dès lors qu’elles sont réalisées à l’initiative de l’autorité compétente, ces actions de formation n’excèdent pas, pour une année scolaire donnée, cinq jours lors des périodes de vacance de classes. L’autorité compétente informe les personnels, dès le début de l’année scolaire, des périodes de vacance de classes pendant lesquelles pourraient se dérouler de telles actions de formation. La liste de ces actions de formation se déroulant pendant des périodes de vacance de classe est présentée annuellement pour avis en comité technique académique ». La mesure est applicable à compter du 1er avril 2019.
Un arrêté fixe le montant de l’allocation de formation : 20€ brut par heure dans la limite de 120€ par journée et 60 par demi-journée.
Présenté à deux reprises en comité technique ministériel en juin 2019, le texte a été l’objet d’une opposition entre syndicats et ministère. Ce dernier a refusé par exemple qu’il soit précisé que ces formations seraient suivies par des enseignants volontaires.
La question de la formation obligatoire pendant les congés scolaires a fait débat lors de l’adoption de la loi Blanquer, les sénateurs ayant introduit un amendement en ce sens. Finalement, en commission mixte paritaire, cet amendement sautera au profit de l’article 50 qui dit que » La formation continue est obligatoire pour chaque enseignant ». Le décret publié le 8 septembre ajoute que celle-ci peut être fixée durant les congés scolaires à hauteur de 5 journées par an. En clair, les enseignants peuvent perdent une semaine de congés à condition que le ministère les rémunère.
Pourquoi ce décret ?
Deux réalités guident ce texte. La première, accidentelle, c’est que le ministère organise déjà des formations sur les congés. C’est le cas par exemple pour certains nouveaux enseignement de la réforme du lycée. Et il faut bien rémunérer ces enseignants.
La seconde, chronique, c’est que le ministère doit remplacer les enseignants si la formation a lieu sur le temps scolaire, ce qu’il est bien incapable de faire. D’où l’idée de rendre la formation obligatoire hors temps scolaire. Une idée bien pratique pour un ministre qui veut dicter de nouvelles méthodes pédagogiques sans avoir le budget lui permettant d’organiser des formations avec remplacement.
Un contre sens sur la formation
Troisième raison : l’enquête Talis (OCDE) montre que les enseignants français sont à la fois parmi les plus demandeurs de formation et parmi ceux qui ont le moins de formation continue. Un exemple est fourni par l’OCDE à propos de la formation pour l’enseignement aux élèves à besoins particuliers. En France 40% des enseignants ont des classes comptant au moins 10% d’élèves à besoins particuliers ce qui est supérieur à la moyenne de Talis (27%). La moitié des enseignants déclarent avoir été formés en formation initiale à l’enseignement à ces élèves. Mais seulement 25% se sentent réellement préparés, un taux parmi les plus faibles de Talis. Les enseignants français sont aussi ceux qui ont bénéficié le moins d’une formation continue en ce domaine. Ils sont pourtant parmi ceux qui demandent le plus cette formation. C’est aussi une priorité pour les chefs d’établissement. Mais tout cela semble peu compter aux yeux de l’institution scolaire… Les enseignants français sont aussi parmi ceux qui expriment le plus leur manque de formation pédagogique.
Pour autant les enseignants ne sont probablement pas prêts à accepter n’importe quelle formation à n’importe quel moment. Talis a montré ce qui marche en formation : des formations répondant aux besoins ressentis, réalisées en présentiel par des pairs.
La loi Blanquer réussit l’exploit de rendre la formation obligatoire et ce décret à la placer sur les congés. Enfin la formation est définie comme venant de l’autorité académique. Autrement dit le ministère réussit à transformer en obligation aveugle une attente des enseignants. Qui peut croire qu’une formation ne répondant pas à une demande et subie dans ces conditions puisse être bénéfique ? L’expérience des formations sur les réformes (du collège par exemple) montre que même dans des conditions bien meilleures l’efficacité est faible.
Mission impossible
Le ministère peut-il réellement imposer une semaine de formation aux enseignants sur les congés ? La mesure couterait environ 500 millions en allocation, une somme qui n’est pas mobilisable par le ministère. Elle pourrait par contre être appliquée sur des sujets précis et des catégories d’enseignants précises. Le décret permettra de rémunérer déjà des enseignants ayant suivi des formation après le 1er avril.
Réactions
Les enseignants n’ont pas manqué de réagir sur Twitter à cette mesure. Cécile n’est aps contre cette allocation mais s’inquiète du contenu des formations. L’argument est repris par « Tristabitch » : « quand on voit le contenu des formations c’est non merci ». Une autre enseignante rappelle qu’elle consacre déjà une bonne semaine de vacances à s’auto former…
François Jarraud
Le décret
L’arrêté
La loi Blanquer article 50
En juin
Talis
Voir aussi : Congés scolaires : Après une décision du conseil constitutionnel, une réforme en préparation ?
Depuis son arrivée au ministère, JM Blanquer n’a pas fait mystère de sa volonté de revoir les congés scolaires. Depuis deux ans il a multiplié les déclarations en ce sens sans que rien de concret , en dehors des rythmes scolaires, ne vienne confirmer les propos. C’est peut-être en train de changer. Le premier ministre a saisi le conseil constitutionnel qui a déclaré que plusieurs points de l’article L. 521-1 du code de l’éducation relèvent du réglementaire et non du législatif. Le gouvernement a maintenant les mains libres pour des modifications par décrets ou arrêtés sans passer par le parlement.