"Le passage au nouveau système (de retraite) pour le corps enseignant ne peut aller qu'avec la transformation de la carrière... dans toutes ses composantes". Lançant la réforme des retraites à Rodez le 3 octobre, Emmanuel Macron a longuement évoqué le cas des enseignants. Après le discours sur les enseignants "lésés" par le futur système de retraite, le président de la République a détaillé ses intentions. Il a écarté l'idée d'une revalorisation immédiate des enseignants. Pour garder leur niveau de retraite, les enseignants devront accepter de travailler plus et de réduire leurs vacances. Cette évolution se fera sur plusieurs années. Mais où E Macron est-t-il allé chercher ces idées ?
De nombreuses écoles devraient être affectées par l'appel à la grève lancé pour le 24 septembre par plusieurs syndicats (CGT, Sud , plusieurs syndicats ou unions régionales FSU) contre la réforme des retraites. Même si le taux de grévistes devrait être nettement plus important chez les personnels territoriaux (cantines etc.) que chez les enseignants, ceux-ci sont bien au premier rang des salariés qui ont à perdre avec la réforme. On peut même dire que les enseignantes en général et les professeurs des écoles seront plus affectés que les autres professeurs. Mais pire encore : on a du mal, en dehors du retrait de la réforme, à voir une solution pour eux...
La première réunion sur la réforme des retraites et la revalorisation nécessaire des enseignants a eu lieu le 8 octobre entre le ministre, le haut commissaire aux retraites, M JP Delevoye, et les syndicats. Si le ministre se dit toujours favorable à une revalorisation c'est dans le cadre qu'Emmanuel Macron a fixé le 3 octobre. La revalorisation butte sur les exigences du "travailler plus".
On aurait presque envie de dire "ouf". L'éducation nationale a présenté le 27 septembre son projet de budget pour 2020. En hausse d'un milliard, comme annoncé en juillet, il prévoit 440 créations de postes dans le premier degré et 440 suppressions dans le second. C'est plutôt une bonne nouvelle même si les postes d'enseignants manquants dans le second degré devraient en réalité approcher 1500 emplois. Pour atteindre ce résultat, le ministère n'opère pas de réelle revalorisation, utilise les évolutions démographiques et reporte à plus tard l'exécution d'une partie des promesses présidentielles. Au final, on a, pour la première fois depuis 2017, un budget présenté normalement, sans artifices ni embrouilles. Et ça on n'y était plus habitué.
Publiés le 11 juillet, les premiers documents budgétaires annoncent une hausse d'un milliard du budget de l'éducation nationale en 2020. L'éducation nationale connaitrait la plus forte hausse après les armées. Mais cette somme ne devrait pas épargner des tensions pour l'éducation nationale compte tenu de la croissance des besoins en 2020 du fait des décisions d'E Macron et de la montée du SNU.
"Votre rapporteur spécial salue, néanmoins, cet effort de maitrise du nombre des créations de postes qui rompt avec une logique inflationniste inadaptée et insoutenable du point de vue budgétaire". Gérard Longuet, rapporteur pour la commission des finances du Sénat, accorde un satisfecit final à la gestion du budget 2018 de l'Education nationale. Son rapport souligne la maitrise de l'emploi et aussi celle des salaires. Fin 2018, le ministère de l’Éducation nationale n'avait pas dépensé tout son budget. Il restait 256 millions. Pas question d'en faire une prime pour le personnel...
"Je suis tellement fatiguée". C'est le leitmotiv de la lettre laissée par Christine Renon, directrice de l'école maternelle Méhul de Pantin(93) le 21 septembre, peu de temps avant son suicide. Ses mots interpellent l'institution éducation scolaire qui laisse les directeurs "seuls" face à un travail épuisant et parfois inutile. De l'institution scolaire elle n'espère qu'une chose c'est qu'elle ne salisse pas son nom. Le Snuipp 93 et Sud 93 réagissent.
Trois mille enseignants, parents, élus se sont rassemblés jeudi 3 octobre devant la direction académique de Seine-Saint-Denis à Bobigny. Ils étaient là pour témoigner leur émotion et exiger des mesures concrètes pour l’amélioration de leurs conditions d’exercice. Une foule compacte sur le petit parvis près des locaux académiques. Une foule en colère qui a scandé « Blanquer démission ». Sur la petite tribune installée pour l’occasion, des responsables de l'intersyndicale, du collectif de directeurs de Pantin mais aussi des parents élus ont pris la parole. Après une minute de silence à la mémoire de Christine Renon, Caroline Marchand co-secrétaire départementale du SNUipp-FSU 93 a lu quelques mots remis par le frère de la défunte…
"Toute la salle des profs s'accorde à dire que ce début d'année ressemble à un mi second trimestre". Ce témoignage d'un enseignant sur Twitter en rejoint beaucoup d'autres. Il colle aussi avec les nombreux incidents depuis la rentrée : 3 suicides d'enseignants, des agressions filmées, des démissions rendues publiques. Les enseignants semblent au bout du rouleau, fatigués et pessimistes. Qu'en est-il réellement et comment l'expliquer ?
La rentrée des enseignants est marquée par plusieurs suicides ou tentatives de suicide suscitant une large émotion. Le geste et la parfaite dignité de la lettre de Christine Renon exigent des réponses institutionnelles. Mais que sait-on au juste du malaise enseignant ? Deux enquêtes épidémiologiques, l'une portée par la MGEN et l'autre par le ministère de l'Education nationale, donnent des évaluations différentes. Une sociologue, Anne Barrère, a beaucoup travaillé cette question. Une réalité ressort de ces trois travaux différents : l'institution peut beaucoup pour améliorer l'exercice du métier. La question du soutien de l'institution aux enseignants se dégage comme la principale problématique du mal-être.
Le suicide de C Renon pose la question du travail des directeurs et de leur statut. La question divise les syndicats, le Snuipp, majoritaire, étant opposé à un nouveau statut; le Se Unsa et le Sgen Cfdt voulant une évolution. Celle ci a failli avoir lieu avec la loi Blanquer mais JM Blanquer a fait machine arrière. Directrice "historique" de maternelle à Bobigny, Véronique Descker est l'autrice de livres qui ont rendu palpable le métier de directeur d'école, comme "Trop classe" paru en 2016. Très émue par le suicide de C. Renon, elle revient sur les difficultés du métier de directeur.
"Au regard des études antérieures, il apparaît que la variable « sexe » est à prendre en considération dans le phénomène d’épuisement, d’engagement et, plus globalement, de la qualité de vie professionnelle", note une étude de la Depp (division des études du ministère) publiée dans la revue Education et formations n°99. Emma Guillet-Descas et Vanessa Lentillon-Kaestner montre que le taux de burn out des enseignantes est plus élevé que celui de leurs collègues masculins. Mais aussi qu'il est plus fort en France qu'en Suisse. Ce qui indique que les conditions de travail, plus difficiles en France qu'en Suisse, y contribuent.
Quel impact du New Public Management sur les enseignants ? Rarement le numéro d'une revue savante aura été publié aussi en phase avec l'actualité. Avec le suicide de C. Renon, la gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale est redevenue un sujet brûlant. Le nouveau numéro d'Administration et éducation (n°163), la revue de l'AFAE, est publié alors que la dernière lettre de la directrice de Pantin accuse l'institution scolaire. Et des "risques du métier" il est bien question dans ce numéro qui donne des chiffres et des témoignages de cadres, notamment de directeurs d'école. Et puis il y a la question de la crise du recrutement pour laquelle Pierre Périer relativise, chiffres à l'appui. Mais la particularité de ce numéro c'est de réunir des contributions de qualité qui souvent remettent en question le statut des enseignants...
La rentrée : JM Blanquer à l'École : "Chérie et si on recommençait tout à zéro ?"
Peace and Love. Le 27 août, à l'occasion de la conférence de presse de rentrée, le ministre de l'éducation nationale a montré une nouvelle facette de sa personnalité. En ce début d'année, après des mois de graves tensions, JM Blanquer baigne dans la conciliation. Les affrontements de l'année dernière ? "Tournons la page". Ses objectifs pour 2020 : le bonheur des profs et l'environnement durable. Fini le ministre droit dans ses bottes. Fini le pourfendeur des médias et des "bobards". Fini le libéral à tout crin. Blanquer est social et bienveillant. L'exercice de communication a quand même ses limites. Et elles concernent en priorité les professeurs des écoles... Car un nouveau Blanquer est-il possible ?
C'est toujours plus agréable de parler à un ministre aimable plutôt qu'à un ministre cassant et buté. Comme les autres syndicats, la FSU, qui donnait le 4 septembre sa conférence de presse de rentrée, a reconnu le changement de ton de Jean-Michel Blanquer. Mais les sujets de divergence et les motifs d'inquiétude demeurent, que ce soit sur le sens des réformes, sur les moyens jugés insuffisants de l'école, sur la question des salaires ou sur la réforme des retraites. Au delà du discours, la première fédération de l'éducation attend donc de voir si ce ministre habituellement si sûr de lui et de la justesse de ses vues, va savoir réellement dialoguer.
"On est sur une poudrière. Tous les ingrédients sont réunis. Il ne suffira pas d'un peu de pommade distribuée par le ministre. Il faudra des actes". Pour Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes Fsu, le premier syndicat du second degré, l'apaisement proclamé par JM Blanquer n'est qu'une posture qui ne saurait régler les problèmes réels (salaire, conditions de travail) des enseignants. Le Snes appelle les professeurs à se réunir en AG et envisage des actions en septembre.
"On saura rapidement si le dialogue social est une réalité". Le 28 août, Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa et Claire Krepper et Rémy Charles Sirvent, secrétaires nationaux, n'ont pas caché leurs interrogations devant la nouvelle posture ministérielle. Le second syndicat des enseignants attend des preuves tangibles du changement rue de Grenelle. Pour lui, les évaluations de septembre seront un premier test. Le syndicat ne cache pas les difficultés de la mise en place de la réforme du lycée, notamment l'irrespect des voeux de spécialités des lycéens dans la moitié des établissements.
A en croire un sondage auprès de ses membres réalisé par le Snpden Unsa, le premier syndicat de personnels de direction, la rentrée 2019 est réussie. Mais le sondage ajoute aussi une série de réserves. Par exemple, la moitié des établissements commencent l'année scolaire avec des postes non pourvus, les deux tiers des collèges n'ont pas les fonds nécessaires au dispositif Devoirs faits. Les personnels de direction soutiennent massivement la réforme du lycée mais s'inquiètent de l'organisation des nombreuses épreuves du nouveau bac.
"La réforme est faite pour économiser des moyens". Vivien Joby, président du Snceel, le principal syndicat de chefs d'établissement du privé sous contrat, membre du comité de suivi, aime bien les réformes des lycées. Il en partage la philosophie. Mais pas au point de dissimuler les problèmes qu'elles posent. Le principal étant l'avenir des enseignants confrontés à une baisse de la dotation horaire. Mais le Snceel s'inquiète aussi de la mise en concurrence des établissements et pour beaucoup de la réduction de leur offre par rapport à l'ancien lycée.
Présentant le 10 septembre l'édition 2019 de Regards sur l’éducation, Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE, plaide pour le développement de l'accès à l'enseignement supérieur. Pour la France le défi c'est d'augmenter le taux de réussite notamment pour les bacheliers professionnels.
Le Café pédagogique est un média associatif, imaginé et développé par des enseignants.
Gérer le consentement aux cookies
Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’internaute, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
L’accès ou le stockage technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’internaute.
Statistiques
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’internautes afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’internaute sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.