« Une révolution verte de l’éducation est bien en marche. A bas bruit pour le moment en France, mais bien audible… L’éducation doit se penser en nature, avec elle. Et cela est possible à la campagne mais aussi en ville ». Dans un livre qui se veut aussi un manifeste (L’enfant dans la nature, Fayard), Moïna Fauchier-Delavigne et Matthieu Chéreau, journaliste et consultant, plaident pour l’enseignement dans la nature. L’ouvrage est souvent excessif. Il brasse des utopies. Mais l’Ecole a toujours eu besoin d’utopies. Et le sujet est sérieux. « L’école dehors » est reconnue dans plusieurs pays comme l’Ecosse ou le Danemark. C’est cela aussi que Moïna Fauchier-Delavigne nous explique…
L’ouvrage parle d’une « révolution verte qui commence ». N’est ce pas exagéré ?
Pour moi elle commence et j’espère que demain elle sera là. On en ressent le besoin ne serait-ce que par le succès des écoles qui proposent cet élément ou encore par celui des formations destinées aux enseignants. On le voit aussi dans l’évolution des cours d’école avec leur verdissement à Paris comme à Strasbourg.
Pour le moment les cours de récréation classiques ne sont pas pensées par rapport aux besoins des enfants. Ce ne sont pas encore des lieux riches en apprentissages. Leur aménagement est bloqué par la peur des risques. On prive ainsi les enfants des richesses d ela nature. On peut dire que le besoin de nature en France n’est pas encore reconnu. Les enseignants et les parents qui croient dans cette richesse doivent encore prouver que le contact est bon pour les enfants.
Je suis personnellement persuadée que les enfants aujourd’hui souffrent du manque de nature, du manque de nature et de jeu libre. De très nombreux enseignants et éducateurs en France sont témoins de cette coupure des enfants avec leur environnement, des enfants de 11 ans qui n’osent même plus marcher dans l’herbe. Cela ne peut être sans conséquence pour le développement de l’être humain. Son corps et son esprit.
Dans la liste des écoles « vertes » vous citez aussi des écoles Steiner ce qui nous semble poser problème.
Nous les citons car historiquement elles sortent les enfants dans la nature. Cela ne veut pas dire que nous validons la pédagogie Steiner que nous ne connaissons pas assez bien.
Vous écrivez que la coupure avec la nature entraine le mal être des enfants et même des handicaps. C’ets prouvé ?
Je dis que ce qui est prouvé c’est que la nature offre beaucoup de bénéfices aux enfants. Rester assis toute la journée sauf les minutes de la récréation ça ne correspond pas aux besoins des enfants. Ne pourrait on pas offrir aux enfants quelque chose qui corresponde mieux à leurs besoins ?
Mais quand même vous parlez de la santé des enfants. Quels sont les effets thérapeutiques de ce retour à la nature ?
Une des vertus c’est pour le symptome des enfants hyperactifs. Des études américaines montrent que les enfants qui passent du temps dehors dans un environnement naturel voient leurs symptomes diminuer. Ce contact diminue le stress. Or le stress empêche d’apprendre.
Et j’ai rencontré des enseignants et des enfants très heureux dehors. Qui étaient soudés aussi par ce qu’ils vivaient ensemble à l’extérieur. Les enseignants appréciaient ce temps pour ce qu’il apportait aux jeunes élèves et aussi par cette respiration que cela leur apportait aussi dans leur semaine. Alors si des séances dehors font tant de bien aux enfants et aux enseignants, pourquoi ne pas les développer ?
Quelles vertus pédagogiques en attendez vous ?
Des études allemande, danoise et australienne montrent que des enfants de maternelle qui passent plus de temps dehors ont un langage plus riche. Ils vivent plus d’émotions et voient plus de choses. Ils vont aussi au bout de leurs idées et développent davantage leur attention. Donc ils utilisent plus de mots. Mais être dehors ne suffit pas. Il faut que les enseignants s’impliquent et utilisent les ressources naturelles. Etre dehors offre juste des opportunités.
Mais dans le système éducatif français les enfants partent en classe verte…
Il y en a de moins en moins. Et elles ne sont pas soutenues par l’institution.
Vous présentez l’institution comme frileuse devant la classe dehors. Mais il y a la question des risques. Peut-on simplement s’asseoir dessus ?
Il faut prendre en compte les risques mais en même temps savoir qu’on ne va pas atteindre le risque zéro. En tentant de le faire on prive les enfants de l’apprentissage du risque. Pour cela le risque est nécessaire. C’est aussi le sel de la vie que cet apprentissage.
Vous donnez en exemple plusieurs écoles dehors en France et à l’étranger. Par exemple l’école danoise, « l’école de la forêt ». Quels avantages a t-elle ?
Elle donne une place centrale au jeu, qui est un élément fondamental pour le développement de l’enfant. C’est une école où un enfant peut courir et crier sans déranger personne ou être vu comme un enfant à problème. Om il peut scier du bois car on l’accompagne en lui apprenant le risque. Scier du bois en soi n’est pas un objectif pédagogique. Mais c’est un moyen de travailler la concentration, la motricité et l’estime de soi. Mais cette école est aussi une école qui a des règles.
A t-elle des résultats ?
Au Danemark elle existe depuis 60 ans et ne fait plus débat. Elles accueillent tout le monde et pas seulement des enfants à problème ou favorisés. Les enfants qui y passent s’adaptent ensuite aux écoles classiques.
L’école dehors n’est ce pas un rêve de bobos pour des enfants qui finalement ont moins besoin d’école que les autres ?
Ce sont des écoles pour des adultes qui pensent différemment l’école, qui accompagnent davantage les enfants dans leurs apprentissages pour aller plus loin.
Propos recueillis par François Jarraud
Moïna Fauchier-Delavigne, Matthieu Chéreau, L’enfant dans la nature. Pour une révolution verte de l’éducation. Fayard. ISBN 978-2-213-71216-1