Le festival « Claque ton slam » est un festival scolaire organisé chaque année à Brest par la salle des Musiques Actuelles la Carène et le collège Saint-Pol-Roux. Les élèves des classes de 4èmes qui y participent sont invités à écrire des slams sur un thème donné. Chaque classe sélectionne un groupe récompensé par un passage sur scène dans des conditions professionnelles. Pour cette saison 2019, on saluera par exemple la performance des élèves allophones nouvellement scolarisés de Sandrine Baud. Sur le thème « Nos futurs, nos racines », ils livrent de l’intérieur de leur langue d’accueil une émouvante leçon de vie. Eclairages de l’enseignante …
« Hier je suis passé par l’Afghanistan, l’Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Bosnie, la Croatie, la Slovénie, l’Italie et je suis arrivé en France. »
« On commence à avoir des racines quand on déménage dans un autre pays. »
« Pour moi mon futur c’est apprendre le français. Demain je serai plus grand que jamais. Je saurai affronter mon histoire sans regrets. »
Quel était le thème du festival « Claque ton slam » 2018-2019 ?
Le thème de cette année était « Nos futurs ». Nous l’avons croisé avec le thème de l’Association Sportive de danse du collège de Kerallan, qui était « Racines ».
Quelles ont été les consignes et modalités d’écriture avec vos élèves ?
Les élèves de l’UPE2A-NSA (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants non scolarisés antérieurement) et une dizaine d’élèves de l’Association Sportive se sont rencontrés dans la salle de danse de la Maison Pour Tous du quartier de Saint-Pierre à Brest pour un atelier d’écriture. Nous avons travaillé assis par terre, déchaussés, par petits groupes mixtes. Nous sommes partis de l’image d’un arbre pour réfléchir sur les notions de racines et d’avenir, puis chercher des mots, des idées, des phrases sur nos deux thèmes, avec un secrétaire par groupe. Nous avons ensuite essayé de retravailler certaines phrases.
Dans un 2ème temps, j’ai tapé les phrases retenues, et nous les avons réparties entre les élèves. Même si bien sûr les élèves débutants en français ont moins fourni de matière, c’est vraiment un travail collectif, et on ne peut pas en attribuer un vers à l’un ou l’autre. Nous avons ainsi créé le texte de notre slam, et nous avons enregistré mes élèves pour servir de support aux élèves de l’AS danse, qui les ont intégrées dans la musique de leur chorégraphie et qui dansent sur les voix de certains de mes élèves.
Comment avez-vous précisément travaillé la mise en voix et en musique ?
La mise en voix est un travail de longue haleine ! Pour les élèves débutants, ce genre de projet est un excellent prétexte pour se concentrer sur une production orale très courte mais qu’on peut répéter mille fois pour qu’elle devienne compréhensible… La difficulté était aussi de coordonner la production pour que les 14 puissent trouver leur place et fonctionner ensemble. Nous avons beaucoup de chance : le collège soutient le projet et nous avons pu avoir l’aide d’un intervenant musical, Damien Bascoulard, qui est venu faire une initiation à la MAO (musique assistée par ordinateur) et créer pour nous la musique à partir des émotions que les élèves souhaitaient faire passer. Et grâce à la Carène, nous avons pu faire tous ensemble une répétition en studio, ce qui a permis de prendre contact avec les micros et de prendre conscience de l’ampleur du projet.
Comment les élèves ont-ils perçu l’expérience ?
Ils étaient bien sûr un peu stressés, mais ensuite tellement fiers ! Ce dont témoignent les tweets qu’ils ont ensuite rédigés sur le compte Twitter de la classe @ClasseAccueil…
Quelles ont été selon vous les difficultés, les bénéfices et les plaisirs de cette expérience ?
La difficulté est toujours le début de l’écriture, avec des élèves de niveaux tellement différents, mais les bénéfices sont énormes … Nous avons rencontré des gens, parlé, échangé, nous avons lu, entendu, retenu des phrases en français, nous avons vécu une expérience collective unique, et nous sommes fiers de nous. Nous avons amassé plein de matériel pour travailler sur la langue ensuite (par exemple pour la séance de lexique sur les émotions, basées sur celles que nous avons ressenties)… Surtout, nous avons abordé ensemble les sujets si douloureux de l’exil, du déracinement, de l’angoisse de l’avenir, mais de manière sereine, constructive et positive… C’est pour ça que leur texte est si fort, selon moi…
Quelles sont les phrases du slam qui vous semblent particulièrement fortes ?
Toutes celles qui permettent d’apaiser, de faire « pousser des nouvelles racines », sans oublier d’où l’on vient.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Sandrine Baud et sa classe d’accueil dans Le Café pédagogique