Il est de bon ton d’évoquer la baisse du niveau des élèves d’un point de vue physique. Le monde publie, dans un article du 29 août, les résultats d’une étude montrant que les performances physiques sont en moyenne moins bonnes, notamment en aérobie. Si cette conclusion fait « sens commun » dans la profession, notamment face à l’augmentation de la sédentarité, doit-on pour autant se réfugier derrière un certain fatalisme ?
Des constats, une analyse complexe
Nous avons à plusieurs reprises souligné dans les rubriques du café pédagogique l’augmentation de la sédentarité des jeunes générations et de la corrélation établie selon l’origine sociale et le sexe. Maxime Travet évoque une augmentation significative entre 2001 et 2008 des non pratiquants de 20,5% à 27,4%. Dans les catégories sociaux professionnelles défavorisées (CSP) on observe une différence importante avec les CSP favorisées. Par exemple, quand 37,30% des filles ne font pas de sport, ce sont seulement 15,8% chez les CSP favorisées. Plus, qu’une baisse généralisée, nous avons peut-être davantage à faire à un écart qui se creuse…
Ces élèves en difficultés…
Force est d’admettre qu’ils sont présents au sein de chacun de nos cours et qu’il est difficile d’intervenir tant la tâche est grande. De l’élève qui ne connaît pas son corps et qui pense que l’EPS ce n’est pas pour lui, à celui qui, malgré son surpoids, essaye de bien faire. Ou l’élève en sport collectif qui a beau courir avec son équipe mais qui a rarement le ballon, préférant s’en débarrasser plutôt que de prendre le risque de tirer ou de dribbler… Si le trait est forcé sommes-nous bien loin de la réalité pour autant ?
Un enjeu pour l’EPS, pour sortir du slogan de la réussite de tous…
Nous le voyons aussi, il existe une multitude de projets au sein des équipes pour tenter de proposer une EPS ne laissant aucun élève au bord du chemin. Modestement, nous souhaitons évoquer certains des axes qui constituent un moyen pour lutter et permettre cette réussite. Ces propositions sont le fruit des différentes rencontres avec les collègues réalisées depuis plusieurs années au sein du café pédagogique.
L’association sportive
Nous avons souhaité commencer par là. En effet, c’est un moyen fort, présent au sein de chacun des établissements scolaires qui peut permettre d’expérimenter plus facilement que dans le cadre de la leçon, de nouvelles pratiques. Tout d’abord, concernant la nature même de l’APSA. Nous avions réalisé un dossier concernant la danse hip hop intitulé « osons le hip hop » où un des points communs des auteurs était d’évoquer cette entrée par l’AS du collège pour faire pratiquer les élèves. Mais aussi le type de pratique. Nous avions rencontré l’équipe du collège Paul Eluard de Guyancourt (78) au sein de laquelle l’accent ne se réduit pas à la composante « compétition » des pratiques sportives mais aussi à la composante « loisir ». Permettant de toucher un plus grand nombre d’élèves et d’aborder d’autres aspects comme la convivialité, le plaisir de jouer et d’être ensemble. D’ailleurs, Claire Botella, que nous avions rencontré en mai 2016, va plus loin. Elle propose de faire participer également les parents à l’association sportive du lycée professionnel à travers une AS Santé via le STEP. Utilisant cette occasion, elle a pu constater le renforcement des liens à la fois entre parents et équipe éducative mais aussi et surtout au sein même des familles entre parents et enfants.
Une nécessaire prise en compte du contexte pour proposer des formes de pratiques scolaires adaptées au besoin des élèves.
Les sports collectifs sont souvent ciblés dans les causes des échecs ou l’abandon anticipé des élèves. L’égalité des chances au départ amène malgré tout souvent une inégalité des résultats. A ce propos, nous avions rencontré Guillaume Dietsch qui propose une forme de pratique scolaire (FPS) du Futsal dans son établissement « difficile ». Plus socialisatrice que ceux des codes de leur banlieue mais se fondant sur les transformations des élèves. Nous vous renvoyons à l’article pour plus de détails, bien qu’une FPS ne soit pas généralisable mais adaptée à un contexte propre, il semble essentiel de penser l’activité de l’élève dans sa pratique. Puis-je réussir ? Cela vaut-il la peine que je m’y risque ? Autre proposition ou organisation intéressante dans cette démarche, celle du Handball à 4 par Pascale Jeannin. Si l’organisation en tant que tel permet un temps moteur nettement plus important, la présence de 3 joueurs sur un demi terrain oblige l’équipe à utiliser l’ensemble des partenaires pour progresser vers la cible, nous reprendrons son slogan « tous tireurs, tous marqueurs » tant il nous semble essentiel de permettre à chaque élève de réussir.
Pour résumer, les propositions de Hanula, Llobet et Saulnier pour devenir « champion de soi-même » s’inscrivent au coeur de nos propos. Il nous semble que la meilleure référence n’est pas une « norme », « les autres », mais bien soi-même pour s’inscrire dans une démarche de progrès et surtout d’apprentissage. Le défi est évidemment colossal mais est-il individuel ?
Une réflexion et une démarche collective.
En conclusion, la volonté de cet article n’est nullement d’apporter une solution, ou de rester sur un constat ou une certaine fatalité sur le niveau de nos élèves. Bien au contraire, il nous semble que le champ des possibles soit très large. Ce qu’il ressort de ces rencontres est surtout le questionnement de ces pratiques. Comment dans cette situation nous pouvons nous améliorer? Les choix effectués sont la plupart du temps collectifs, sur la nature des traitements, sur la durée des cycles, les relations également inter-degrés pour tenter de convoquer toutes les ressources possibles au service des apprentissages de chaque élève. Plus qu’un slogan, ces démarches placent les apprentissages (moteurs, mais pas uniquement) au coeur des enseignements. L’EPS ne peut pas ne pas s’intéresser à la santé et aux ressources des élèves, mais elle ne peut pas non plus se résumer à cela. Il convient de faire la preuve des progrès de nos élèves.
Antoine Maurice et Benoît Montégut
Cultures sportives, pratiques sportives
La compétition à l’association sportive
Comment l’enseignement professionnel réinvente la relation aux parents
Le « Fut-sal » une forme de pratique scolaire du football en milieu difficile