« J’enseigne depuis ces 15 dernières dans un collège rural, un de ceux dont on ne connaît pas le nom, même en Isère, ou dont on se moque parce que c’est trop petit. Fut un temps où mon collège ne comptait pas 200 élèves et où toutes les expériences pédagogiques étaient permises. »
Poursuivons notre série de portraits de profs. Ce mois-ci Véronique Ponton.
Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Je suis professeur d’Histoire Géographie et d’Education civique et de celles et ceux qui insistent sur Education civique, juste pour rappeler la finalité de l’école.
J’ai déjà 45 ans… et j’enseigne depuis ces 15 dernières dans un collège rural, un de ceux dont on ne connaît pas le nom, même en Isère, ou dont on se moque parce que c’est trop petit. Fut un temps où mon collège ne comptait pas 200 élèves et où toutes les expériences pédagogiques étaient permises.
Tu aurais rêvé de ma salle de classe : une salle avec une partie traditionnelle, autour, des îlots de travail de groupe pour 6, et 8 ordinateurs à disposition (récupérés par système D… belle époque!)… Tout était possible. Puis… il a grandi et pas moi… Je suis dans un préfabriqué dont les fenêtres donnent sur celui d’en face, avec un seul ordinateur… celui du prof !
Ce qui me passionne dans mon métier? Ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui apprend… ce que sont les enjeux de nos matières dans la construction de la pensée, ce qui fait qu’on devient soi-même. Je suis historienne et enseignante, les deux en même temps.
Je vous connais depuis pas mal de temps ! Et j’aimerais que nos lecteurs fasse la découverte d’une enseignante que j’aime bien 8-)). Pouvez-vous nous parler de votre façon d’utiliser Internet et les réseaux sociaux dans votre pratique professionnelle ??
Dans ma pratique, ce n’est pas les Tice ou Internet ou les réseaux sociaux qui sont les plus importants. Ma marque de fabrique à moi, c’est de m’être demandé ce qu’il y avait dans les nouvelles technologies qui pouvait aider à mieux construire les pensées. Avant l’informatique, j’ai commencé d’abord par les cartes mentales (et des fois ça me fait un peu rire de les voir désormais présentées comme des révolutions) et les schémas heuristiques… Donc dans l’informatique (puis le numérique), ce qui m’a toujours plu, c’est l’aspect « lien », « mise en relation ». Je crois que je n’ai jamais autant fait progresser les élèves que lorsqu’ils réalisent des documents où ils créent eux-mêmes les « hyperliens ».
Les liens, ça permet de construire un concept, de décrire une situation, de poser le plan d’un sujet, de développer des exemples à partie d’idées… Une étude de cas en Géo se construit comme cela non?
Tout a commencé en interdisciplinarité avec le prof de techno (Bruno), précurseur en informatique, avec une classe et un projet de réalisation d’un logiciel sur l’année qui permettait de localiser un paysage à différentes échelles et permettait de le localiser sur des cartes de densité, du PIB, de l’IDH, du relief/climat… De manière très interactive Le truc sympa, était que c’était des élèves de 3ème qui réalisaient un logiciel pour les élèves de 6ème et 5ème. ET ça, ça avait du sens. Quand on a vu apparaître Google earth, on s’est dit qu’ils nous avaient piqué l’idée !!!
Les hyperpaysages, j’étais à fond, la construction en flash de descriptions et d’analyse de documents iconographiques comme le tympan de la cathédrale de Bourges… Images Actives peut-être très sympa à utiliser en classe dès la 6ème comme les outils de réalisation de cartes mentales numériques. Les Padlet aussi,
Bref, le lien…
On avait même participé avec Bruno à la rédaction d’un des premiers manuels numériques. Proposer des activités à plusieurs niveaux de compétences, des liens pour des petits coups de pouces…
Internet, c’était aussi le moyen de mieux suivre les élèves dans le cadre des pédagogies de projet. Dans ce petit collège, l’interdisciplinarité et les pédagogies actives étaient à l’ordre du jour. Les fameuses fiches navette d’avancée des projets étaient transmises par mail, on créait des adresses pour nos classes pour nos groupes. Plus tard, quand les élèves ont commencé à créer des groupes Facebook pour mieux partager leur travaux et leurs avancées, on a compris qu’ils étaient prêts à utiliser des réseaux sociaux pour un objet un peu plus intéressant que ce à quoi on peut s’attendre.
Un autre aspect qui m’a tenu à cœur, c’est de coller aux usages des élèves. Quand l’ordinateur est entré dans les maisons, malgré la fracture numérique, il m’a semblé évident, non pas de simplement accompagner la révolution, mais de m’en servir pour créer du sens. Alors le téléphone portable (le mien et celui des élèves), je languis de pouvoir l’utiliser sans retenue mais ce n’est pas encore possible totalement, surtout en collège.
Je fonde pas mal d’espoir sur les tablettes.
Quelles sont vos conceptions de l’enseignement de l’histoire-géographie dans le secondaire ?
Là, c’est la colle. Si j’estime que l’histoire permet la conceptualisation de notre monde je vais être barbante… Et si je te dis le lien entre l’Histoire et la philo, là, ça va être très ennuyeux. Plus intello que moi tu meurs !
Que pouvez-vous nous dire sur la transmission et plus généralement nos méthodes de travail ?
Pendant quelques années, j’ai eu le plaisir d’animer des groupes de formation initiale en vue de l’obtention du C2i. Je sais que ceux que j’ai formés ont considéré les TICE comme partie intégrante de leurs stratégies pédagogiques : ne jamais faire pour faire, mais parce que cela crée un plus dans la construction du savoir chez les élèves.
Pour la formation continue, dans un premier temps, la Pré AO a été le numéro un (et je l’utilise également beaucoup). Petit à petit, Internet est devenu une source pour faire travailler les élèves sur des dossiers documentaires. Peu de profs ont le courage et le temps de construire des documents interactifs à destination des élèves. Je pense que la mutualisation des réalisations des professeurs a été la plus belle démonstration que l’on pouvait partager. Créer pour soi, l’offrir, emprunter à qui a réalisé un truc sympa. Ca c’est la vraie révolution. échanger à distance, avec des collègues du monde entier. En vrai, les Clionautes c’est top joli comme espace de rencontre. On progresse tous. Et tant pis s’il y en a qui prennent plus qu’ils ne donnent…
En plus, grâce à ces liens, j’ai pu organiser des voyages en Pologne, à Budapest, à Berlin, de faire créer à mes élèves des documents collaboratifs avec des élèves hongrois, polonais, allemands, belges…
Par contre, je me suis rendue compte que la salle informatique ne pouvait plus être l’avenir. tant que peu de profs l’utilisaient, c’était possible ; mais désormais, c’est aussi compliqué que d’obtenir un rendez-vous chez un ophtalmo… Prévoir la séquences en salle info 5 semaines à l’avance, ça décourage même les plus inventifs.
La formation continue, c’est le moment d’apporter aux collègues des réflexions nouvelles, de laisser un temps pour inventer du neuf, pour se poser les bonnes questions ; c’est un temps d’échange. Ca ne peut pas être un temps ou la formateur « sait » et le stagiaire ne sait pas.
Question 5 : avez-vous un positionnement face à la réfome du collège ? Si oui, lequel ?
Si tu veux vraiment mon avis… C’est juste dommage… Dommage d’utiliser ce qui me tient à cœur: l’interdisciplinarité, la différenciation, l’apprendre à apprendre, la pédagogie de projet à d’autres fins…
Les programmes d’Histoire Géo… dommage, on avait plein d’idées sympa pour les rendre faisables et intelligents On y a cru un temps.
L’Education civique et morale, il va falloir se battre pour que cela ne deviennent pas un imbroglio où on ne sait plus ce que l’on enseigne.
L’AP ? Comme en lycée, elle servira à faire le programme en toute tradition ?
Le curriculaire ? Intéressant si on avait eu le temps de le réfléchir…
La liaison école-collège: dans un collège rural… mmmh complexe non ?
Propos recueillis par Jean-Pierre Meyniac
Aller plus loin…
Carcassonne (un projet interdisciplinaire français-histoire pour « vivre le moyen-Age »)
http://college.clionautes.org/spip.php?article3169
L’ONU et la Centrafrique
http://college.clionautes.org/spip.php?article3159
Une analyse interactive du tympan de Bourges
http://ponton.pagesperso-orange.fr/bourges/INTERPOL_MVT.html
Le collège? Ca marche ?
Vivre et filmer la ville, un voyage scolaire à Marseille en troisième
http://college.clionautes.org/spip.php?article3161
La géographie, l’histoire et l’éducation civique dans le projet de nouveau socle commun