Par François Jarraud
« Je sais ce que ça fait d’être un élève primo-arrivant, au fond de la classe et qui ne comprend pas un mot ! » Cette expérience personnelle, Richard Palascak en a fait une force pédagogique hors du commun. Dans sa structure UP2A (unité pédagogique pour élèves arrivants allophones), à Vezoul, il n’y a pas d’élèves étrangers, mais de jeunes russes, maliens, afghans, iraniens… Lui, venu de Slovaquie à l’âge de 10 ans, qui a « passé des tests de dyslexie jusqu’à la fac » tellement il faisait de fautes d’orthographe, la difficulté a été l’élément moteur de sa réussite. Il a voulu exceller dans cette langue qui n’était pas la sienne, mais qui devenait celle de sa scolarité. Devenu professeur de lettres, nommé auprès d’élèves venus du monde entier, il a d’abord mis en place un mode de communication par la musique. « Dans la chorale, pas besoin d’être musicien ni de parler la même langue ».
« Leçons du monde » par des élèves du monde
L’arrivée massive d’élèves allophones non scolarisés, il y a 3 ans, accélère le processus. Avec des collègues professeurs instrumentistes, il développe le groupe de jazz, fait composer par ses élèves un répertoire de chansons, met en ligne un karaoké. Suivent des jeux de société autour du français, puis l’enregistrement d’un album, et jusqu’à l’obtention d’un créneau hebdomadaire sur la radio locale Fréquence Amitié Vesoul 91.3. Pour alimenter l’émission, Leçons du monde, un véritable travail de coopération multilingue devient nécessaire. Les plus avancés en français traduisent les contributions des autres, les vidéos, les interviews, les reportages mobilisent toutes les aptitudes des élèves quel que soit leur niveau de français, pour un résultat qui doit tenir la mise en ligne.
Élève allophone ou jeune en exil ?
Le projet UP2jazz « met tout le monde en action » sans qu’il soit besoin d’attendre l’acquisition de compétences linguistiques particulières. Et les regards changent. « Quand un élève montre les images de la ville d’où il vient, quand on voit pourquoi il a dû partir, on ne le regarde plus pareil. On se demande comment on s’en serait sorti, à sa place. » Et l’arrivant allophone devient un jeune en exil, qui doit avoir les mêmes chances de réussite qu’il aurait eu dans son pays avec sa langue d’origine.
Le résultat ? « Trois fois plus de réussite au Diplôme en langue française, deux fois moins de temps d’accompagnement en inclusion, et au moins quatre fois plus d’orientation en filière bac pour les élèves d’UP2A », annonce Richard Palascak. Une méthode très active, qui donne aux élèves un atout supplémentaire : « les groupes de travail internationaux autour d’une langue non native risquent de devenir la règle, dans les années à venir., précise-t-il. Ces élèves-là auront une expérience d’avance en ce domaine ».
Jeanne-Claire Fumet
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