Invités dans l’émission Rue des écoles le 7 mai, Roland Goigoux et Franck Ramus ont pu faire le point sur leurs travaux sur l’apprentissage de la lecture. Sur cette question, le débat est passionné. Pourtant cet enjeu essentiel aux yeux des parents se joue à plusieurs niveaux et pas seulement dans les méthodes d’apprentissage.
Endormi ces dernières années, le débat sur les méthodes d’apprentissage de la lecture est reparti avec vigueur. D’abord à travers un échange entre S Dehaene et R Goigoux dans Le Monde. Puis avec la publication d’une série d’articles dans Le Café pédagogique et des échanges croisés entre Bruno Suchaut, Sylvain Connac, Franck Ramus et Rémi Brissiaud. Peu de temps auparavant, le regretté André Ouzoulias avait synthétisé ses idées dans un ultime article donné au Café pédagogique.
Ce travail des chercheurs est évidemment très important et très attendu par les enseignants. Le 7 mai, Franck Ramus et Roland Goigoux ont communiqué sur leurs recherches sur France Culture. On a senti les différences entre leurs approches, par exemple l’intér^pet chez R Goigoux de penser en terme de pratiques concrètes de classe, et aussi leurs points communs sur les acquis de la recherche.
Mais la question de l’apprentissage de la lecture échappe en fait au débat de spécialistes. D’abord parce que cet apprentissage est à la fois une trop grande source de joie et d’angoisse chez les parents. Ces sentiments sont parfaitement récupérés par des intérêts économiques. Alimenter la guerre des méthodes c’est aussi défendre une position dominante sur un marché du parascolaire. La question a aussi été politisée avec les efforts de Gilles de Robien pour promouvoir une méthode afin de détourner l’attention de sa gestion ministérielle. Enfin elle a un aspect social important. Quand on observe qui n’apprend pas à lire, on voit que l’origine sociale est déterminante dans les difficultés d’apprentissage. C’est une dimension qui devrait rejaillir sur le débat sur la méthode alors que ce débat souvent occulte totalement la dimension sociologique.
Mais revenons à la classe et à la dimension pédagogique. La question de l’apprentissage de la lecture se pose dans ce cadre précis. Si l’on veut définir la méthode la plus efficace pour l’apprentissage de la lecture on est bien obligé de dire que ce sera aussi la méthode la plus adaptable aux usages scolaires. C’est bien sur le terrain des pratiques enseignantes que le chercheur doit aller. C’est la position qu’a prise R. Goigoux. Un récent rapport de l’Inspection générale a également condamné les recherches qui ignorent le contexte scolaire.
Mais l’enseignant, dans sa classe, aura tendance à élargir encore le débat. Les premiers ingrédients de la réussite dans l’apprentissage d’Emilie ou Anzo c’est déjà leur cadre familial. Dans quel état émotionnel et physique ces enfants arrivent-ils en classe ? Dans quelle situation matérielle se trouvent-ils en classe ? Sont-ils noyés dans un groupe de 30 enfants ou bénéficient-ils de davantage d’attention de leur professeur ? Un autre élément est d’importance : Emilie et Anzo ont-ils des parents qui font confiance à leur professeur ou qui conteste directement ou indirectement son enseignement ? Parce que la particularité du débat sur les méthodes de lecture c’est d’influer directement sur la confiance et les apprentissages. Avant tous les autres facteurs, la confiance des parents dans l’Ecole est bien le premier appui pour un apprentissage réussi de la lecture. Puisse le débat sur les méthodes s’en souvenir.
François Jarraud
Ecoutez l’émission de Louise Tourret
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« Les acquis en lecture sont très fragiles pour 9,6 % de jeunes de 17 ans qui, faute de vocabulaire, n’accèdent pas à la compréhension des textes », écrit la Depp, division des études du ministère de l’éducation. On compterait environ 5% d’illettrés et de jeunes en grande difficultés de numératie. Un taux qui diminue depuis 5 ans. Mais une géographie qui s’affirme.
« Les jeunes les plus en difficulté représentent 4,1 % de l’ensemble. Outre un déficit important de vocabulaire, ils n’ont pu installer les mécanismes de base de la lecture et consacrent leur attention à la reconnaissance des mots plutôt qu’à leur sens. Ils peuvent être considérés en situation d’illettrisme, selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme », affirme la Depp. En maths, les taux sont identiques : 10% de jeunes en difficultés et 5% en très grandes difficultés. Depuis 2009, ces pourcentages ont légèrement baissé. On comptait 11% de jeunes en difficulté de lecture en 2009. On n’en compte plus que 10%. On est passé de 5 à 4% d’illettrés.
Mais le plus intéressant est sans doute la géographie de l’illettrisme. Ce sont les départements du Nord et une couronne autour de l’Ile-France qui regroupent les taux les plus lourds. C’est là aussi la France en crise sociale.
Lecture
http://www.education.gouv.fr/cid58761/journee-defense-et-citoyen[…]
Maths
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2014/06/4/DEPP_NI_2014_13_JDC[…]
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