Le marathon législatif de la loi de refondation de l’Ecole s’est ouvert le 21 mai au Sénat. Chaque groupe parlementaire a fait connaitre son sentiment sur le texte issu de la commission. Les écologistes et le groupe CRC (communiste) laissent planer le doute sur leur vote, indispensable pour que la loi soit adoptée au Sénat.
Il aura fallu 3 heures de discours, de 21h40 à 24h30, pour que chacun des groupes parlementaires puisse préciser son sentiment sur le projet de loi. C’est que le débat en séance, prévu du 21 au 24 mai, s’annonce assez long puisque pas moins de 532 amendements ont été déposés.
Le projet éducatif de l’UMP
Deux chefs de file dominent à l’UMP, même s’ils ont réussi à coordonner leurs amendements. Jacques Legendre déplore les 60 000 postes promis pour l’éducation puisqu’ils « déséquilibrent la Fonction publique » et pratiquement menacent la défense nationale. Pire encore, la loi a « un parfum de pédagogisme ». C’est que les options de J Legendre dont à l’opposé du texte de V Peillon. Pour J Legendre l’école doit se replier sur les fondamentaux. Ce n’est donc pas la scolarisation à 2 ans qui compte mais la GS et le CP. Plus tard le collège unique « nuit aux élèves en difficultés ». Les enseignants ont besoin d’un « solide formation disciplinaire » quand les Espe tendent à s’éloigner des universités. Pour lui, par pure idéologie, le gouvernement revient sur des dispositions importantes adoptées par la majorité précédente. Pour l’UMP, il faut créer un cycle unique allant de la GS au CE1 et faire débuter la scolarité obligatoire à cinq ans. Il s’agit également de donner la priorité à l’acquisition des fondamentaux, sachant que les difficultés des élèves dès les premières années se répercutent sur le reste de leur scolarité si elles ne sont pas prises en compte et résolues dès leur apparition. Faire de l’apprentissage de la lecture et des fondamentaux une priorité absolue nécessite de revoir le dispositif d’évaluation des enseignants et des élèves.
Les amendements déposés par lui développent ces thèmes. Il demande à soumettre la scolarisation à 2 ans à une étude préalable, demande une enquête sur les méthodes de lecture, souhaite que le parlement définisse le socle commun et propose un socle reposant sur 5 compétences fondamentales. Il propose de rétablir le DIMA, un dispositif d’éloignement du collège dès 14 ans. L’amendement 462 est peut-être le plus significatif : « supprimer le terme de « plaisir » laissant à penser aux jeunes qu’apprendre doit toujours être un plaisir. Apprendre peut être contraignant et nécessiter des efforts ».
Jean-Claude Carle a également défendu à la tribune son projet. Lui aussi s’en prend à la maternelle « le terreau du décrochage scolaire » et défend sa primarisation. Lui aussi prèche pour le repli sur les fondamentaux à l’école.
Pour l’UDI, Françoise Férat manifeste son scepticisme sur le texte ainsi que sur le financement de la réforme des rythmes. Corinne Morin Dessailly nie elle aussi le mot « refondation » à propos de cette loi qui n’est qu’une « micro réforme ». La loi ne parle ni du statut des enseignants ni de l’autonomie des établissements qui sont « deux conditions pour remettre l’Ecole en marche ».
Et à gauche
Pour les écologistes, Corinne Bouchoux manifeste « son relatif optimisme et sa perplexité » devant les amendements déposés par le gouvernement. « Nous étions très satisfaits de la tournure prise par le loi. Ce soir j’ai l’ombre d’un doute ». Le doute restera donc sur le vote des sénateurs écologistes pourtant indispensables pour une majorité à gauche.
Pour le groupe communiste, Brigitte Gauthier Morin met en opposition le socle commun recentré dans le projet de loi et le « défi de la croissance des connaissances » qui s’impose. Le groupe demande des pré recrutements d’enseignants en L3. Elle signale que « le gouvernement revient par des amendements sur la réforme du service public d’orientation » et craint une territorialisation de l’éducation. Le groupe CRC laisse lui aussi planer le doute : « le débat en séance est important. Il sera déterminant pour nous ».
C’est que le gouvernement a effectivement déposé une quarantaine d’amendements qui reviennent sur le compromis sénatorial. Le gouvernement avec l’amendement 378 définit la place de la région dans le service public d’orientation pour anticiper sur la loi de décentralisation. Il accorde aux régions l’établissement de la carte des formations professionnelles initiales. Un autre amendement annule les cycles définis par la commission au prétexte qu’ils relèvent du réglementaire et non de la loi. L’espace parents que la commission a voulu inscrire dans chaque établissement est remis en question par une rédaction nettement plus floue. L’épreuve multidisciplinaire au brevet, dont les écologistes étaient si satisfaits, est annulée par un amendement qui remet à des décrets la définition des épreuves d’examen. La partie sur l’exception pédagogique dans le cadre du service public du numérique éducatif est remise en question par un amendement qui souhaite rétablir la formulation antérieure.
Il reste 4 jours à Vincent Peillon pour réussir à trouver de nouveaux compromis à gauche pour permettre le vote de sa loi. Il a une chance : c’est que la droite propose un véritable contre projet qui renie les valeurs de la loi d’orientation.
François Jarraud