Par Claude Lelièvre
Alors que l’éducation nationale est le ministère le plus féminisé, comment expliquer qu’aucune femme n’y ait jamais accédé ? La rue de grenelle est-elle condamnée aux Jules (Ferry) ou pourrait-on avoir une ministre de l’éducation nationale après 2012 ?
En ce mois de mars où on ‘’fait leur fête aux femmes’’, on peut remarquer qu’aucune d’entre elles n’a encore été « ministre de l’Education nationale ».
Il y a certes bien eu une « secrétaire d’Etat chargée de l’enseignement » ( Michèle Alliot-Marie ) nommée le 20 mars 1986, mais « auprès du ministre de l’Education nationale » ( René Monory ) ; il y a même eu une « ministre déléguée de l’enseignement scolaire » ( Ségolène Royal ) nommée le 4 juin 1997, mais « auprès du ministre de l’Education nationale » ( Claude Allègre ). Il y a même déjà eu ( et c’est assez paradoxal a priori ) des femmes ministres de plein exercice pour l’enseignement supérieur : Alice Saunier-Seïté en premier, nommée « ministre aux universités » le 29 mars 1977.
Il y a surtout déjà eu ( et c’est encore plus paradoxal a priori ) des femmes ministres dans des fonctions à l’évidence éminemment plus ‘’régaliennes’’ que l’Education nationale. Edith Cresson est devenue « Premier ministre » en mai 1991, Elisabeth Guigou, « Garde des Sceaux, ministre de la Justice » en juin 1997. Michèle Alliot-Marie a été nommée « ministre de la Défense » en mai 2002, « ministre de l’Intérieur » en mai 2007, « ministre de la Justice, Garde des Sceaux » en juin 2009, « ministre des Affaires Etrangères » en novembre 2010. Mais l’Education nationale ( qui est le ministère qui emploie le plus de femmes ) n’a pas encore eu une femme pour ministre, en dépit des évolutions et des nominations qui ont eu lieu ailleurs…
Comment expliquer cette anomalie voire ce mystère ? On peut risquer une hypothèse ( qui vaut ce qu’elle vaut et qui n’explique sans doute pas tout ) : le ministère de l’Education nationale, par sa forte ‘’exposition médiatique’’, est un ministère ‘’risqué’’ mais qui assure ‘’présence’’ et ‘’notoriété’’. Son titulaire s’avère donc être le plus souvent l’un des responsables politiques de l’une des ‘’minorités’’ dans la majorité au pouvoir. Or, jusqu’à un passé récent ( et à l’exception notoire de Michèle Alliot-Marie, mais qui se trouvait justement être dans la ‘’majorité’’ de la majorité ), les femmes n’étaient guère en cette position de ‘’chefs de courants’’ .
Les exemples qui vont dans le sens de cette explication sont nombreux, même s’il y a quelques exceptions en raison du ‘’fait du Prince’’ ( Claude Allègre, l’ami personnel du Premier ministre Lionel Jospin nommé par lui en juin 1997 , ou le recteur René Haby choisi en mai 1974 comme ‘’maître d’œuvre technique ’’ par le président Giscard d’Estaing afin que le président puisse assurer lui-même la direction politique du dossier scolaire ). Parmi ces personnalités politiques ( issues de ‘’minorités’’ de la majorité au pouvoir ) nommées « ministre de l’Education nationale », on peut citer ( entre autres ) : Edgar Faure ( en juillet 1968 ), Joseph Fontanet ( centre démocrate, en juillet 1972 ), Alain Savary ( en juin 1981 ), Jean-Pierre Chevènement ( en juillet 1984 ), René Monory ( UDF, en avril 1986 ), Lionel Jospin ( surtout lors de sa seconde nomination, en mai 1991 ), François Bayrou ( UDF, en mars 1993 ), Jack Lang ( alors ‘’électron libre’’, en mars 2000 ), François Fillon ( en mars 2004 ), Gilles de Robien ( UDF, en mai 2005 ). Les deux ministres de l’Education nationale de Nicolas Sarkozy ( Xavier Darcos et Luc Chatel ) n’appartiennent pas à ce dispositif où l’on offre à des responsables de ‘’minorités’’ de la majorité « l’Education nationale » ( un grand ministère, mais particulièrement exposé ), « l’hyper-présidence » de Nicolas Sarkozy ( à l’instar dans une certaine mesure de celle de Valéry Giscard d’Estaing en son temps ) n’allant pas dans ce sens.
François Hollande vient de déclarer que, s’il était élu à la présidence de la République, il y aurait une véritable gouvernement avec un premier ministre et des ministres qui ne seraient pas de simples ‘’collaborateurs’’ du président . Et l’on sait qu’il y a désormais des femmes chefs de file de partis politiques ou candidates à la présidentielle. Dans ces conditions, pourrait-on avoir dans l’avenir immédiat une femme ministre de l’Education nationale si François Hollande l’emporte ? Rien n’est pourtant moins sûr. Car certaines, telles Nathalie Arthaud ou Marine Le Pen sont hors jeu pour des raisons politiques évidentes. Certes, d’autres ne le sont pas, telles que Martine Aubry, Eva Joly ou Cécile Duflot. Mais on voit mal Martine Aubry jeter son dévolu sur le ministère de l’Education nationale s’il lui était confié des responsabilités ministérielles. Et le domaine de « l’Education nationale » ne semble pas être dans le champ des responsabilités prioritaires qui peuvent être envisagées par Eva Joly et Cécile Duflot ( ou pour elles ).
Claude Lelièvre
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