De ce côté-ci de l’Europe, il est souvent difficile de faire la différence entre les pays qui composent la Scandinavie. Ainsi, à mon retour, il fut courant que l’on m’interroge sur mon voyage en Norvège !? De même, si l’information est plutôt répandue que la Finlande caracole en tête des classements internationaux des performances éducatives, il n’est pas rare que l’on étende cette réussite à ses pays frontaliers.
Pourtant, le « bloc scandinave » est bel et bien composé de quatre pays distincts : la Norvège, la Suède, la Finlande et le Danemark. Et si la Finlande accède traditionnellement à la pôle position du programme PISA (bien que devancée dernièrement par la Corée du Sud), la Suède obtient dans ce même classement une place plus modeste, juste au-dessus de la France. Bien que la Norvège ne fasse pas partie de l’Union Européenne, sa culture se rapproche plus de celle de son voisin suédois, au contraire de la Finlande qui revendique une forte indépendance après la longue domination suédoise.
Pourtant, il est vrai que certains critères peuvent rapprocher les modèles éducatifs en place dans ces pays nordiques. Refus de l’existence de filières avant l’âge de 16 ans, absence du redoublement, affirmation philosophique d’un enfant « au centre » du système, pas ou peu de notes et tradition du travail d’équipe des enseignants sont autant de postulats pédagogiques qui les rassemblent. Il faut y ajouter des caractéristiques culturelles, politiques, économiques et sociales qui font la spécificité des ces pays souvent érigés en modèles : faible taux de chômage, langues avec une correspondance graphème/phonème plus évidente que la nôtre, rapport différent à l’immigration, médias en anglais…
La ville de Göteborg, comme toutes les grandes villes de Suède, entretient un rapport étroit à la nature. De nombreux parcs – dont certains s’apparentent à des forêts du fait de leur taille – s’intègrent à l’urbanisme au plus grand bonheur des familles.
L’école obligatoire suédoise (grundskolan) s’organise selon des « grades successifs », de 1 à 9, que suivent tous les enfants âgés de 7 à 18 ans. Avant 7 ans, des « jardins d’enfants » délivrent un enseignement qui prend la forme d’une socialisation par le jeu. À la suite de l’école de base, tous les élèves qui le souhaitent peuvent accéder au lycée (gymnasieskolan). Particulièrement décentralisé, le système donne beaucoup de pouvoir aux communes, chargées du financement des écoles publiques, mais aussi directement aux chefs d’établissements. Il existe trois types d’établissements : publiques, autonomes et privés. La différence concerne l’origine de leurs financements et l’identité du fondateur (État, personne morale ou physique). Quelque soit la forme de l’établissement, la scolarité est entièrement gratuite pour tous les élèves.
L’échec scolaire, en théorie, affecte peu la Suède en raison de la philosophie de son éducation : l’apprentissage s’effectue tout au long de la vie et toute erreur est amendable. En témoignent les « lycées pour adultes » où chacun a la possibilité de venir suivre des cours.
Les enseignants suédois sont tous en charge de deux matières, choisies et approfondies lors de leur formation. Une fois diplômés, ce sont eux qui postulent auprès du chef d’établissement. La pédagogie suédoise se concentre principalement sur une grande individualisation et à un suivi rapprochés des élèves sur plusieurs années.
Cependant, les résultats mitigés obtenus par la Suède au classement PISA ont alerté les pouvoirs publics. En 2006, le parti de centre-droit arrive au pouvoir, mettant fin à une politique sociale-démocrate en place depuis douze ans. Le nouveau gouvernement se lance alors dans une grande vague de réformes éducatives : uniformisation des écoles obligatoires, mise en place de classes d’élites au lycée et de filières d’apprentissage, modification du système de notation des élèves et de la formation des enseignants… En effet, la théorie égalitaire poursuivie jusqu’alors semble avoir eu des effets parfois délétères dans la réalité : l’absence de carte scolaire augmente le phénomène de ghettoïsation et génère de une concurrence entre établissements, les enseignants se disent peu considérés et mal formés…
Loin de nos considérations dorées sur leur système, les enseignants suédois avec lesquels j’échange tiennent souvent un discours sous-entendant l’existence passée d’un « âge d’or » de leur école, il y a une dizaine d’années. Ils restent néanmoins unanimes quant à la force de leur service public et à l’importance indiscutable de la protection de l’enfant dans leur culture, ce sur quoi nous nous pencherons dans un prochain épisode.
Eva Ruaut