Par Jeanne-Claire Fumet
Pour sa conférence de rentrée, le 25 août 2010, le SNUIPP (Syndicat National Unitaire des Insituteurs, Professeurs des Ecoles et PEGC) se place résolument sous le signe de l’offensive dynamique : le tout nouveau secrétaire général, Sébastien Sirh (successeur de Gilles Moindrot) présente un solide ensemble d’analyses et de propositions pour faire évoluer la situation scolaire.
Ce sera une rentrée d’un genre inédit , annonce d’emblée Sébastien Sirh, en raison de la précocité de l’appel à la mobilisation lancé pour le 7 septembre : emplois, retraites, salaires, les inquiétudes ont rarement été aussi vives dès le début de l’année. Mais aussi parce que le climat délétère de l’été et les mesures annoncées (expulsion des Roms, déchéance de nationalité, sanctions contre les familles d’enfants délinquants) ne laissent pas d’inquiéter les acteurs de l’école publique.
Une lettre aux parents. « La rentrée reste un moment important pour les enfants et leurs enseignants, mais aussi pour les parents, dont l’attente à l’égard de l’école est sans cesse plus forte », rappelle Sébastien Sirh. Raison de plus pour les associer à la journée d’action du 7 septembre, comme une réponse aux menaces de fragilisation de l’école liées aux suppressions de postes et aux restrictions budgétaires. Pour s’en expliquer, le SNUIPP édite une « Lettre ouverte aux parents » que les enseignants seront invités à distribuer largement à la rentrée.
Parmi les sujets de tension, l’arrivée dans les classes des nouveaux professeurs recrutés sans formation. Si les syndicats ont obtenu qu’ils soient accompagnés cette année jusqu’à la Toussaint par des collègues chevronnés, ils se verront ensuite confier leurs classes en responsabilité complète. La gestion de cette situation, qui va mobiliser les TZR (remplaçants) sur postes fixes jusqu’à la Toussaint, risque de s’avérer délicate. En outre, 12 départements (dont le 93) s’avouent dans l’incapacité de mettre en place cet accompagnement. Le SNUIPP compte sur un suivi attentif de cette opération pour formuler des propositions à Luc Châtel dès la rentrée 2011
Du point de vue de l’opinion, d’ailleurs, la diminution drastique de la formation des enseignants inquiète : un sondage CSA demandé par le SNUIPP montre une incrédulité croissante et une perte de confiance de l’opinion envers les réformes gouvernementales (de 40% à 28% d’opinions favorables), mais aussi, envers le fonctionnement de l’école (10% de moins pensent que l’école joue bien son rôle, par rapport à 2007).
Or le manque de confiance joue un rôle déterminant dans le « climat scolaire » qui est absent du débat éducatif, mais qui compte pour la réussite scolaire. On se focalise sur la question du mercredi matin, alors qu’il faudrait réfléchir sur les conditions de travail dans leur ensemble : architecture (espaces de classe), temps éducatifs (cantine, étude), articulation des activités scolaires et péri-scolaires, et bien sûr rythmes hebdomadaires et annuels. « Nous n’avons aucun rejet a priori, soutient Sébastien Sirh, il faut chercher ce qui convient le mieux pour les élèves. Une alternance de 7 semaines de classe et 2 semaines de vacances semble le meilleur rythme, mais il entre en collision avec le zonage actuel. Quant au temps scolaire hebdomadaire, finir à 15h ou 15h30 pose la question de l’accueil périscolaire. Et il faut alors tenir compte de la disparité des moyens : les petites communes rurales ne pourront jamais offrir les mêmes activités que les grandes villes. » Une enquête sur les inégalités d’équipement et d’offre éducative devrait permettre de proposer un cahier des charges minimal avec des aides aux communes les moins favorisées.
Sur les inégalités territoriales, Sébastien Sirh rappelle également les conclusions du rapport de la Cour des Comptes (mai 2010) : disparité dans l’allocation des moyens et maintien de fortes inégalités avec un taux d’échec élevé pour les moins favorisés. La scolarité des moins de 2 ans, dont on sait l’importance sur la prévention de l’échec, est en baisse proportionnelle régulière, surtout dans les zones difficiles. Le bilan des actions en zones prioritaires n’a pas été rendu public, en dépit des demandes des syndicats, alors qu’il serait un outil de travail essentiel pour la mutualisation des solutions qui fonctionnent.
Pas de bilan non plus pour les nouveaux programmes, en l’absence de comités de suivi : leur mise en œuvre est freinée par la suppression du samedi matin, tandis que l’aide personnalisée, si elle est appréciée des enseignants parce qu’elle permet de travailler en petits groupes, ne permet pas de remédier aux difficultés lourdes confiées auparavant aux RASED.
Enfin, la question de l’accueil des enfants handicapés (116.000 avec un objectif final de 200.000) prévu par la loi mais difficile dans les faits, reste sensible : « Faute de moyens, on met en péril la loi de 2005, qui est une bonne loi, explique Sébastien SIHR. Il faut créer un nouveau métier, d’AVS (auxiliaire de vie scolaire), avec une vraie professionnalisation des personnels, sinon on va vers une impasse et un sentiment de rejet de la part des familles. »
Un programme bien rempli de revendications et de propositions donc, pour le SNUIPP, qui pourra bientôt mesurer l’impact de son cri d’alerte auprès du public, personnels enseignants et parents d’élèves, et le soutien qu’il peut en attendre.