Par François Jarraud
C’est Claude Allègre qui a ouvert les auditions de la commission sur la réforme du métier d’enseignant. Celle-ci cherche-t-elle à changer le métier, ce qui signifierait changer l’Ecole, ou se borne-t-elle à justifier des économies budgétaires ? La question se pose déjà…
C’est lundi 1er octobre que la Commission sur le métier d’enseignant a inauguré ses auditions en recevant Claude Allègre, P.Meirieu, C. Thélot et l’inspecteur général J.-P. Obin. Installés il y a tout juste une semaine par le premier ministre, ses 12 membres, où se distinguent des experts (C. Forestier, A Van Zanten, E. Maurin), un grand homme politique (M. Rocard), des hauts fonctionaires (M. Pochard, P.-Y. Duwoye), ont une lourde tâche. Ils doivent réfléchir à la mission des enseignants, à son exercice, à la durée du service, à la formation, la carrière, l’évaluation,la rémunération et la reconnaissance du métier d’enseignant. Et tout cela ils doivent le faire au pas de course puisqu’on attend d’eux la remise d’un « livre vert » à la fin du premier trimestre.
Il faut peut-être rappeler ce qu’on sait du métier d’enseignant. A commencer par sa lourdeur. Selon le ministère, le professeur du secondaire travaille 39h47 par semaine. Aux 18h 46 d’heures d’enseignement, s’ajoutent 21 heures consacrées aux préparations, corrections, suivi des élèves, rencontres avec les parents ou encore réunions avec les collègues. Le rappel de ces chiffres, la pénibilité des heures de cours affirmée par 83% des enseignants, montrent d’ailleurs les limites du slogan « travailler plus pour gagner plus ». La pénibilité du métier est aussi liée à l’isolement de l’enseignant, à l’émiettement des temps de formation, au climat scolaire souvent lourd dans nombre d’établissements. Les experts ont pu mettre en avant une complexification croissante du métier, liée aux réformes, génératrice d’un « malaise enseignant » que les études officielles confirment. Selon une étude de l’Esen, » 9 enseignants sur 10 reconnaissent l’existence d’un malaise interne. 6 sur 10 se sentent personnellement concernés ». Le malaise touche particulièrement les enseignants les plus expérimentés, le cap des 20 ans de métier étant déterminant ». Pour C.Maroy, » les enseignants vivent des sentiments de déprofessionalisation ou de tensions entre leurs orientations normatives et celles des politiques dans la mesure où la dimension » affective » et éducative du métier tend à devoir être mise en veilleuse, au profit d’une logique d’enseignement plus instrumentale. La surcharge de travail peut aussi être paradoxalement liée dans ces contextes aux tentatives des enseignants de satisfaire simultanément les demandes officielles et leurs propres conceptions du métier ».
Mais la commission devra aussi tenir compte des attentes légitimes des familles. Elles sont en droit d’attendre des enseignants des relations plus fréquentes (on sait que c’est un des points faibles du système français), un suivi plus individualisé de leur enfant, plus de cohérence dans l’organisation, les exigences et les attentes des enseignants au sein de la même classe.
La commission est-elle à même de faire évoluer positivement la condition enseignante ? Les qualités de ses membres peut le laisser espérer. Pourtant plusieurs éléments penchent vers un diagnostic pessimiste.
Le premier a été fourni par X. Darcos lui-même ce week-end. Il a montré comment, sur un enjeu qui concerne tous les acteurs de l’Ecole, le temps scolaire,il est capable de trancher sans prendre l’avis de personne. Voilà qui augure mal des auditions et du rapport.
Le second élément est évidemment budgétaire. On sait à l’avance que, quelques soient les recommandations de la commission, elles devront être compatibles avec une baisse programmée des dépenses d’éducation. Pas facile d’améliorer le métier d’enseignant alors qu’on supprime des postes et qu’une série d’audits préconisent une « rationalisation » parfois absurde du métier (par exemple ramener les langues vivantes à deux ou encore enseigner les disciplines générales à des amphis de 120 élèves…).
Améliorer le métier sans dépenser plus serait peut-être possible sur un certain temps à condition de changer les cadres mêmes d’exercice. Car, comme M. Gather – Thurler et O. Maulini viennent de le montrer,l les conditions d’exercice du métier organisent le rapport pédagogique et la façonnent. C’est dire que le travail de la commission aurait pu être aidé s’il était accompagné d’une définition du type d’école voulu par le pays. Mais le gouvernement se garde bien d’avoir des conceptions originales sur l’Ecole en dehors du registre budgétaire. Or faute d’avoir élaboré un projet pour l’Ecole,de lui avoir donné des objectifs, on voit mal comment le gouvernement pourrait proposer une réforme du métier capable de répondre aux besoins et aux attentes. On ne peut pas changer positivement le métier d’enseignant sans poser la question de l’école que l’on veut.
La commission
http://www.education.gouv.fr/pid495/commission-sur-evolution-metier-enseignant.html
Commission sur le métier : premières auditions
Meirieu : Moins d’heures de cours contre moins de redoublements ou plus d’investissement dans les activités hors cours. C’est selon l’AFP, ce que Philippe Meirieu a proposé à la Commission sur le métier d’enseignant. Il a aussi demandé à ce que les professeurs principaux de 6ème, 3ème et 2de soient déchargés partiellement de cours et dotés d’un bureau pour qu’ils fassent l’interface avec les familles et les collègues. La Commission doit remettre en décembre un « livre vert » sur le métier d’enseignant.
Le Snes : » La volonté de promouvoir la bivalence des enseignants en collège, de renforcer une autonomie des établissements autorisant des déréglementations ne serait-elle qu’un moyen d’adapter le système éducatif aux milliers de suppressions de postes annoncées et de réduire les ambitions éducatives ? » interrogent le Snes et le Snep au sortir de leur audition avec la Commission sur le métier d’enseignant.
Selon eux, » l’approche induite par les questions des membres de la Commission a évacué les problématiques posées, notamment celle des objectifs communs pour tous les élèves, pour se centrer sur les questions d’organisation du système éducatif indépendamment du reste ». Les deux syndicats sont sortis inquiets.
Dépêche AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous[…]
http://www.snes.edu/snesactu/spip.php?article2697
Le métier vu par les enseignants du privé : enthousiastes mais inquiets
« Dans leur très grande majorité, les collègues aiment leur métier, travaillent en équipe, “se défoncent” souvent pour aider les jeunes à réussir scolairement et humainement. Mais ils souffrent de ne pas être reconnus à la hauteur de leur investissement, ils regrettent l’absence d’un véritable pilotage du système éducatif, pilotage sans lequel il n’y a ni sens ni permanence ». L’enquête réalisée par la Fep-Cfdt auprès d’environ 5 000 professeurs du privé sous contrat apportent des éclairages qui dépassent probablement l’enseignement privé.
D’abord sur l’engagement des enseignants : 29% trouvent leur métier passionnant, 55% intéressant, des taux qui montent à 51 et 43% chez les plus jeunes. Les profs du privé se reconnaissent plutôt dans l’image de l’éducateur : dans l’ordre le métier c’est « apprendre à apprendre » (56%), « éduquer » (50%) puis « transmettre des savoirs » (44%).
Ils se sentent peu soutenus pour 40% d’entre eux. Seuls 4 enseignants sur 10 considèrent,par exemple, que leur dernière inspection leur a apporté de vrais conseils pédagogiques. Enfin surgit la peur de l’avenir :44% demandent une possibilité de reconversion en fin de carrière. On sait qu’au Café, avec la rubrique Carrière, on veille à y aider.
Fep Cfdt
Sur le Café la rubrique Carrière
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/[…]