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Une jeunesse difficile
« Frappée de plein fouet par le ralentissement de la croissance consécutif aux chocs pétroliers des années 1970, la jeunesse a fait les frais de la nouvelle donne économique. Elle a payé le plus lourd tribut aux mutations profondes du marché du travail : chômage, précarité, petits boulots, intensification du travail, flexibilité, le tout sur un fond d’insécurité sociale et professionnelle. Au point que certains ont pu affirmer sans être vraiment démentis par les faits qu’en expérimentant les nouvelles formes d’emploi, la jeunesse avait servi de variable d’ajustement au nouveau contexte économique et social… Longtemps protégés par leurs diplômes du chômage et de l’insécurité, les étudiants avancés n’échappaient plus à la spirale du déclassement. La période s’étendant entre la fin des études et l’installation dans un emploi stable s’allonge inexorablement, au prix d’incertitudes et de frustrations. Les salaires d’embauche sont bas et l’écart se creuse avec les générations précédentes ».
Ce constat affligeant, Christian Baudelot et Roger Establet l’effectuent dans une synthèse sur la jeunesse réalisée par le Cepremap, un centre de recherche de l’ENS, pour l’Académie des sciences. Les auteurs soulignent également la « désynchronisation » des calendriers d’entrée dans la vie adulte : la plupart des jeunes ne passent pas dans l’ordre par les cases emploi, mariage, installation dans un nouveau domicile. « Maintien forcé au domicile familial, impossibilité de vivre avec une compagne tant qu’un emploi minimal ne permet pas de financer l’indépendance. Ce repli contraint et forcé sur le foyer des parents entre en contradiction à la fois avec les modèles d’émancipation traditionnelle des milieux populaires et avec les tendances générales d’évolution des sociétés modernes vers toujours plus d’individualisme. Perdant sur les deux tableaux de la tradition et de l’innovation, la majorité des jeunes garçons d’origine populaire se retrouve ainsi en porte à faux dans la société d’aujourd’hui ». Ajoutons à cela que les écarts de salaire entre les générations e sont considérablement creusés.
Reste la part de l’école. La démocratisation scolaire a-t-elle conduit à une impasse en terme de promotion sociale ? Est-elle négative ? Oui et non répondent C. Baudelot et R. Establet. « Oui, parce que la généralisation de la scolarisation à des catégories sociales hier reléguées dans les filières courtes et l’allongement des scolarités n’ont en rien démenti, en moyenne, la rentabilité de ce placement à l’échelle des individus, comme le montrent les deux chapitres suivants. L’investissement dans les études continue à rapporter du salaire et de l’emploi. Non, parce que les aspirations scolaires se sont élevées plus nettement que ne se sont améliorées les scolarités. Et les scolarités se sont développées beaucoup plus fortement que les emplois de cadres supérieurs ou moyens. Malgré la progression indiscutable des scolarités, le système scolaire français n est pas devenu une vaste université. Malgré l’accroissement des catégories de cadres supérieurs et moyens, la société française n’est pas devenue une société de cadres… Sans diplôme correspondant au niveau du poste, les chances d’accès tendent vers zéro. Mais avec le diplôme correspondant, les chances s’amenuisent de l’obtenir, tant la concurrence est vive entre les titulaires de ce diplôme.
Mais Marc Gurgand et Eric Maurin apportent un éclairage plus positif. S’appuyant sur un intéressant appareil statistique des progrès scolaires, ils montrent ce que la démocratisation scolaire a apporté aux enfants de milieu défavorisé. « Contrairement à une idée aujourd’hui dominante, les phases les plus volontaristes de l’expansion scolaire d’après-guerre ont coïncidé avec une amélioration sur le long terme des destins sociaux (ici mesurés à travers les salaires) de ceux qui en ont bénéficié le plus directement, c’est-à-dire tous ceux qui, sans ce volontarisme, seraient probablement aujourd’hui sur le marché du travail sans qualification secondaire. Le surcroît de formation dont ont bénéficié les enfants de milieux modestes au fil des générations d’après-guerre s’est en effet traduit par une amélioration très sensible de leur situation salariale à l’âge adulte ».
L’intérêt de ce document c’est le double éclairage qu’il apporte sur la société française. D’une part il met en évidence l’écart qui se creuse entre les générations. Les niveaux de revenus entre générations augmentent. L’accès à l’emploi stable est plus difficile pour les jeunes qui testent en premier les nouvelles formules de la précarité. Le mouvement de 2006 contre le Cpe a suffisamment mis en valeur ces faits. D’autre part, l’ouvrage montre l’impact positif que peut avoir la poursuite de la démocratisation scolaire. Ce n’est pas seulement qu’il tranche dans le débat sur « l’inflation scolaire ». C’est qu’il en montre le caractère franco-français.
» Ces hésitations françaises tranchent avec le dynamisme éducatif observé ailleurs dans le monde développé. Elles naissent du retentissement particulier qu’ont dans ce pays les difficultés rencontrées au cours des décennies récentes pour accueillir en masse, au collège puis au lycée, les enfants des catégories les plus modestes de la société ». Ainsi pour Marc Gurgand et Eric Maurin ce débat apparaît comme un avatar du conservatisme social.
Il brise la cohérence dune pensée française qui envisage le maintien d’une économie d’imitation et une société stable et dans cette perspective s’accommode très bien d’un relâchement de l’effort scolaire. http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS6.pdf
Le programme des Cahiers pédagogiques
« Adapter le métier d’enseignant à ces exigences nouvelles. On nous dira que les questions de statut ne sont pas de la compétence d’un mouvement pédagogique… Certes, mais il est de notre responsabilité de dire que les tâches de l’enseignant ont déjà évolué dans les faits, que l’accompagnement des élèves les plus en difficulté et l’aide en général au travail scolaire sont partie intégrante de son travail, et qu’il devient urgent de le reconnaître institutionnellement ». La Crap – Cahiers pédagogiques contribue au débat sur l’école par une déclaration qui défend 7 autres propositions : mettre en place vraiment un socle commun de connaissances, transformer les pratiques pédagogiques (et par exemple rétablir pleinement IDD et TPE), faire évoluer l’évaluation, changer le fonctionnement des établissements, responsabiliser les acteurs, former aux nouvelles compétences pour le métier d’enseignant.
« Enfin, nous estimons nécessaire de donner « plus » aux établissements ou aux élèves en difficulté. Réduire la taille des classes ne peut suffire. La question des moyens doit impérativement être pensée en lien avec les transformations des pratiques pédagogiques qu’ils doivent permettre ». http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2835
L’Atlas des idées
« La croissance de la Chine et de l’Inde signifie que la prééminence en innovation scientifique des Américains et des Européens n’est plus garantie. Les emplois qui en dépendent non plus ». Charles Leadbeater et James Wilsdon ne se limitent pas à faire ce constat. Pour le thinktank britannique Demos ils font des propositions pour que le Royaume Uni prenne la balle au bond.
Parce que cette explosion scientifique en Asie est aussi une opportunité. « Les innovateurs européens trouveront de nouveaux consommateurs et de nouveaux partenaires. Davantage de chercheurs, avec de meilleurs outils, affronteront les défis planétaires comme le changement climatique ou les nouvelles épidémies ». En attendant ils donnent des indications sur la nouvelle géographie de la recherche. Ainsi la Corée du sud a dépassé le Royaume Uni en brevets déposés. La Chine st passée devant la France pour les publications scientifiques et talonne l’Allemagne et le Royaume Uni.
D’où des propositions qui tendent à tirer profit de la vague : créer un fond de 100 millions de livres pour financer des collaborations en recherche scientifique, offrir 200 bourses par an à des étudiants asiatiques, partager la connaissance. http://www.demos.co.uk/files/Overview_Final.pdf
Educause prédit l’âge de l’interactivité
Le numéro de janvier d’Educause tente la prospective. Andrew J. Milne, Standford University, imagine ce que seront les salles de classe des universités de demain. « Si les murs pouvaient parler » : l’expression pourrait bien devenir réalité ». A.J. Milne imagine des salles de classe qui abandonneraient le matériel coûteux d’aujourd’hui pour de nouveaux outils comme des murs qui pourraient se transformer en interface informatique. Alors que l’informatique éducative est construite sur l’idée du contrôle, les nouveaux outils seront collaboratifs et encourageront l’interaction entre les étudiants. http://www.educause.edu/pub/er/erm07/erm071.asp
Le leadership et les changements éducatifs
« L’importance accrue donnée aujourd’hui aux effets du leadership montre l’intérêt grandissant des décideurs qui voient à travers ce concept un des moyens les plus directs d’implanter des réformes. Néanmoins, le manque de recherches empiriques sur la nature d’un leadership est un frein à toute tentative réformatrice dans ce domaine ». La Lettre de la cellule de Veille de l’INRP nous offre une excellente synthèse sur le leadership et les changements éducatifs.
» Cette lettre tente de faire le point sur l’existence d’une corrélation forte entre des chefs d’établissement exerçant un véritable leadership pédagogique et des établissements efficaces en présentant un aperçu des récents travaux de recherche. Elle montre comment ces modèles de leadership évoluent en fonction des besoins changeants de l’école dans un contexte de réformes éducatives » nous dit Marie Gaussel.
Avec l’aide de James Spillane, elle fait le point sur l’importante littérature anglo-saxonne sur le leadership réussi et la conduite du changement dans les établissements. Les nouveaux conseils pédagogiques français sont ainsi abordés sous cet angle. Pour Bernard Toulemonde, il faut « confier « des responsabilités aux personnels enseignants et non enseignants, de façon à les associer à la marche de l’établissement, à les impliquer dans le fonctionnement non seulement pédagogique mais aussi administratif et financier ».
L’INRP nous offre ainsi une synthèse claire et efficace sur une question qui divise encore les chercheurs, voire qui oppose les recherches anglo-saxonnes et françaises. Celles-ci accordent moins d’importance au chef d’établissement. Peut-être parce que son rôle est moins central que celui du headteacher. http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/janvier2007.htm
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